Martin
Fedayins, vous nous faites chier !
Lod, Munich, Rome, Maalot, FPLP, FDPLP, FATH, Septembre noir…
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Des organisations militaires, qui, comme les autres armées de libération nationale, préparent le terrain à une bourgeoisie nationale qui remplacera l’impérialiste, « ennemi prioritaire ». Une armée, creuset d’un futur Etat qui sera chargé de développer le capital national et d’exploiter les ouvriers et les paysans comme en Algérie et au Vietnam. En décembre 1973, Hawatmeh annonce : « Nous voulons une entité nationale palestinienne indépendante, quelques soient ses dimensions. » Les divergences entre les groupes portent seulement sur le « quelques soient ses dimensions » (avec les différentes concessions qui en découlent), en fonction de la lutte pour l’hégémonie dans le futur Etat palestinien.
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Des dirigeants qui sont déjà des hommes d’Etat. Toujours Hawatmeh (considéré longtemps par bon nombre de gauchistes comme le plus à gauche, et qui revendique l’opération de Maalot) : « Une fois terminée la répression nationale dont est victime le peuple palestinien, les Palestiniens [leurs dirigeants, bien sûr] pourront alors étudier leurs relations futures avec les Israéliens [avec l’Etat d’Israël bien entendu]. » Et Arafat qui négocie, représente, signe des accords… Et les dizaines « d’ambassadeurs » un peu partout qui se veulent les seuls représentants du peuple palestinien.
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Des alliés « internationaux » pour le moins douteux, des staliniens de Front rouge à l’Armée rouge japonaise Kozo Akamoto (auteur du massacre de Lod), petit groupe fascisant qui s’est illustré par la torture et l’exécution de ses militants dissidents !
On a souvent expliqué les actions terroristes en les attribuant à des militants de base qui tentaient d’échapper au carcan bureaucratique des organisations officielles qui « négociaient sur le dos de la masse ». Schéma classique certes, mais simpliste car, dans ce cas, les organisations revendiquent des actions quand elles y ont intérêt (au moment où elles sont exclues des négociations internationales) et font semblant de les condamner à d’autres moments (quand elles sont présentes aux négociations et qu’il s’agit de faire pression ou de créer des ruptures sans pour autant s’aliéner l’opinion publique mondiale, comme à la conférence d’Alger). D’ailleurs, que sont devenus les terroristes qui leur ont été remis pour y être jugés, comment croire Hawatmeh quand, pendant deux ans, il condamne ce genre d’action et qu’ensuite, il revendique Maalot ?
Ce n’est pas parce que les Palestiniens servent de monnaie d’échange dans les luttes impérialistes au Moyen-Orient que nous devons soutenir ceux qui se veulent leurs représentants, ceux qui tentent, sans grand succès, de se faire reconnaître comme interlocuteur valable.
On explique aussi ces actions en leur attribuant le mérite d’exprimer un discours refoulé ; ainsi, dans Utopie N°8, on peut lire :
« L’attaque, par les Palestiniens, d’un Boeing et son incendie sur l’aéroport de Rome au même moment [décembre 1973] vise cette liquidation sous la coupe du système international. Elle est une réponse ; ce qui flambe, c’est ce que la négociation censure, c’est ce que le discours refoule, c’est l’intensité d’une parole. La résistance refuse spectaculairement, et à ce moment précis, l’extension d’un ordre, cela doit être clair, dans sa systématique glaciale et totalitaire, dite pacifique. La pacification généralisée de la vie, internationale et quotidienne ; c’est l’organisation où la mort devient l’équivalent général de l’existence ; l’organisation formelle et vide ou la rationalité, l’objectivité, la technicité du pouvoir, et elles seules ont la parole. C’est cette discipline organique que toute résistance refuse ; et en ce sens, la résistance n’est pas spécifiquement palestinienne (ni une cause, ni un nationalisme, ni un droit historique), elle déborde radicalement cette singularité et nous sommes tous des Palestiniens. L’avion qui flambe, avec trente personnes à bord - au même titre que le CES qui brûle -, c’est quelque chose qui prend la parole ; et c’est là son véritable scandale… ».
À notre avis cette explication mérite quelques critiques :
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La violence des Fedayins est une fausse violence révolutionnaire parce qu’elle se situe sur le terrain le plus traditionnel de la guerre, celui de la lutte d’une nation contre une autre au profit des élites dirigeantes présentes et futures, et non sur le terrain d’une lutte ou la masse des travailleurs, palestiniens et israéliens, auraient à lutter ensemble contre leurs propres bourgeoisies.
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Ce sont bien les organisations palestiniennes qui mettent en équivalence la mort et l’existence ; exalter le sacrifice, donc la mort, c’est mettre en avant le mépris, l’action pour l’action, la violence pour la violence, la fin qui justifie les moyens, c’est le désespoir érigé en système, c’est faire le lit du fascisme maintenant comme jadis.
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C’est bien de faire la critique de l’humanisme, de la démocratie et du pacifisme bourgeois, encore faut-il ne pas être fasciné par tout acte « violent » qui méprise la vie et exalte le sacrifice au profit d’un idéal supérieur, transcendant la vie même ; sur cette base, combien de « révolutionnaires » ont trouvé refuge auprès du fascisme dans les périodes de recul du mouvement révolutionnaire !
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C’est vrai que ces actions sont une prise de parole. Et alors ? Toute prise de parole est-elle révolutionnaire ? L’inconscient qui se libère sous forme de despotisme et de répression est-il vraiment libéré ?
La résistance palestinienne se situe bien dans la logique de la négociation. Chacune de ses actions intervient à un moment où certaines forces voudraient l’en écarter, et sont destinées, autant qu’à exprimer le désespoir, à réintroduire cette résistance dans le grand ensemble de la coexistence pacifique. Négocier un Etat, une place pour diriger, c’est l’ultime revendication de ces armées populaires sans terres.
La dynamique palestinienne est profondément morbide : la lutte pour une cause « au-dessus de la mêlée », pour l’idée que représente la nationalité, le territoire, l’hégémonie. Actions suicidaires, kamikazes, idéaux pour quelques intellectuels fanatiques qui n’ont pas réussi à entraîner l’ensemble des Palestiniens dans une guerre suicide contre Israël, et qui sont obligés de recruter dans les couches marginales et désespérées de quelques mouvements gauchistes français, allemands ou japonais. Guerre de tranchée ou l’intérêt « ici-bas et maintenant » disparaît au profit d’un idéal intemporel, c’est la méthode de tous les nationalismes ; des martyrs et une bonne cause, et hop, le tour est joué.
Et en définitive qui sont ces terroristes internationaux ? Le plus souvent des intellectuels ; soit d’origine (le pourcentage d’étudiants dans les différentes universités d’Afrique ou d’Europe, est, en rapport à la population palestinienne, très important pour une nation arabe), soit des gens qui le sont devenus grâce aux privilèges du militantisme international : voyages, contacts, habitude de fréquenter différents milieux, clandestinité, etc. (en plus, les mouvements de résistance palestiniens sont très riches comparativement aux autres dans le monde).
Bref, des gens qui, malgré l’aspect tragique de leur situation, vivent, dans tous les sens du terme, justement de cette situation, et qui se sont constitués en groupe, avec ses propres intérêts, qui sont soit de continuer longtemps comme cela, soit de se reconvertir en couche bureaucratique liée à un Etat.
Non, d’après ce qui nous est relaté, même par la presse bourgeoise ou « révolutionnaire », depuis la défaite de l’insurrection jordanienne (qui s’est faite en grande partie contre les organisations militaires) où des populations ont tenté de matérialiser elles-mêmes, et de fait, un territoire pour y vivre, il n’y a plus de mouvement révolutionnaire dans cette partie du monde.