Lucioles
Il y a des coups de tête qui se perdent
(ou petites histoires du sexisme ordinaire…)
« Ah bah toi on peut dire que t’es une nana qu’a des couilles ! ! » (Un spirituel)
Métro. Fatiguée, sortie de taf, vraiment envie d’être peinarde. « Hé mad’moiselle ! »
Putain…
« On peut discuter ? Vous êtes super charmante sérieux ! » Bah non, en fait on peut pas discuter, j’ai pas envie. Je tente le refus poli « c’est-gentil-mais-j’ai-envie-d’être-seule ». Visiblement, c’est un échec. « Vous êtes sûre ? »
Ok, il va être relou. Je me répète. Il ne me lâche pas pour autant :
« Vas-y juste 5 minutes franch’ment ! Et sinon si t’as pas le temps pas grave donne moi ton numéro ! »
Pas grave… Je rêve. Je deviens désagréable, il renonce. Je crois percevoir un « salope ». Super.
Terrasse de café. Je bouquine tranquillou. Je renverse mon verre et lâche un « putain » sonore. Et le mec d’à côté, d’y aller de son petit avis :
« Ah mademoiselle qu’est-ce que c’est laid dans la bouche d’une jolie jeune femme… ».
Si j’avais été un mec moche, ç’aurait été moins grave ? Ducon.
Trottoir, 1h du mat’. Le mec s’approche, je le vois venir à trois kilomètres.
« Bonsoir, vous voulez discuter ? J’ai été ébloui par vos yeux ».
Bah tiens. Notons qu’il m’a demandé si je VOULAIS discuter, mais n’a visiblement pas enregistré ma réponse. Ni un ni deux refus ne le repoussent, il me suit jusqu’à ma porte. Pour finir par me dire, bien posé devant le digicode, qu’il cherche une fille comme moi. Avec des seins et un cul quoi. Et d’avoir le culot, en plus de m’emmerder, de me demander pourquoi je fume. « C’est mauvais pour votre santé et votre argent vous savez. » Prends toi donc un peu de fumée dans la gueule, ça t’immunisera peut-être, moraliste à la con. Je ne peux toujours pas accéder au digicode, il me barre le chemin le bras appuyé contre la porte ; dominer doucement mais sûrement ça à l’air d’être son rayon. Je vire son bras sans ménagement. Il me demande si c’est parce que je suis mariée que je ne veux pas venir avec lui. Si si. J’ai encore le bras dans les mains, en profite pour bousculer le reste, rentre dans l’immeuble. Lui aussi. Je suis obligée de lui poser les deux mains sur les épaules pour l’envoyer valser. Il se vautre, bien fait. Je suis en rage quand je rentre enfin chez moi.
Tout ça, c’est juste quotidien, juste ordinaire, juste insupportable. Ça donne envie de hurler, de taper, de tuer. Oppression, domination physique, psychologique. Vieilles pratiques dégueulasses de vieux monde dégueulasse. Je me dis que bordel, qu’est-ce que j’en ai marre. Qu’il n’est pas venu le temps où les femmes ne seront plus considérées comme des bouts de chair à jouir, à soumettre. Qu’il est loin aussi le temps où l’on me considérera comme un-e quelqu’un-e avant de me considérer comme une composante du genre féminin. Le temps où, hommes ou femmes, ou ni l’un ni l’autre on s’en fout, nous serons des individus avant d’être des sexes. Détruisons cette domination, détruisons-les toutes.