Elisa Jandon
Les corps sous influence : un bénéfice particulier
suivi de "Les stéréotypes sexistes dans la presse, la publicité et la communication"
La fonction sociale d'une sexualité autoritaire
Les stéréotypes sexistes dans la presse, la publicité et la communication
Une utilité politique et sociale plus qu’économique ?
Mondialisation, globalisation, marchandisation. Autant de termes simples, issus de notre quotidien, transformés en concept. Cette transformation a lieu car de nouveaux mots sont nécessaires pour décrire des mouvements de fond qui marquent donc durablement les comportements des unes et des autres. Les corps et les sexualités (ensemble des phénomènes sexuels ou liés au sexe) sont considérés comme des produits qui se vendent ou s'achètent ; et ce, dans un contexte où les moyens de production et d'échange sont en propriété privée et où le but final est la recherche du profit. La société capitaliste ainsi décrite profite d'un système d'oppression sociale et juridique basé sur la soumission des femmes : le patriarcat.
Dans ce contexte, la marchandisation des corps et des sexualités recherche le profit inhérent à la logique du capitalisme. De plus, de véritables démarcations entre classes sociales reposent sur les pratiques sexuelles réelles ou fantasmées. Il s'agit d'une codification à la fois simpliste et complexe qui permet de rejeter l'une ou de hisser l'autre dans l'une ou l'autre classe. Ensuite, la sexualité des dominants, nourrie d'autoritarisme et présentée comme majoritaire se trouve dotée d'une fonction sociale : l'apprentissage et l'habitude de la soumission. Enfin, se dessine une morale philosophique et sexuelle à géométrie variable dont la fonction est de légitimer et conforter un patriarcat « option capitalisme». Cette morale « sur mesure » tient compte des diverses stratégies mises en œuvre et ignore leurs éventuelles contradictions internes.
Une logique capitaliste
Le capitalisme est régi par ces règles : tout se vend, tout s'achète. C'est la loi du marché, l'offre ne fait que répondre à la seule demande solvable. Les exemples ne manquent pas (voiture, ordinateur, etc.) pour illustrer la stratégie assez bien rodée d'obtention de profits maximum. Un produit rare est vendu cher à la petite part de marché capable de l'acheter. Puis des méthodes de rationalisation de la production permettent de produire en série, pour un prix de revient moindre ; de vendre, un peu moins cher mais à plus de monde, un produit de moins bonne qualité en général, histoire de ne pas tarir la demande.
Cette logique a réussi un tour de force stupéfiant : la mise à prix du plaisir en général et du plaisir sexuel en particulier. Toujours dans un contexte où n'existe que la population solvable et où 70% des pauvres du monde sont des femmes, cette mise à prix s'adresse aux hommes. Le tour de force réside dans la présentation de la satisfaction : rationalisation de la production oblige, cette satisfaction est réduite à un phénomène éjaculatoire et mécanique. Tout ce qui est du domaine de l'inquantifiable, du relationnel, ce qui demande un effort personnel et une mise en question de son mode de vie, tout ce qui fait la construction intellectuelle de la relation à l'autre est nié, déclassé. Le plaisir sexuel est simplifié vers une pratique mécanique : « entrer», « sortir», « recommencer si nécessaire». De fait, les personnes prostituées proposent, dans un saisissant raccourci : « l'amour ou la pipe».
Cette même logique de marché aboutit aussi à ce que la condamnation, pourtant très forte, des conduites homosexuelles s'incline devant les parts de marché auxquelles elles correspondent. Les homosexuels sont le plus souvent des hommes célibataires, sans charge d'ascendants, disposant de bonnes ressources : un marché considérable dont les demandes de consommation sont satisfaites sans états d'âme.
La majoration des profits appelle l'utilisation de la publicité. Une des constantes de la publicité est l'utilisation de corps « érotisés», féminin surtout, comme argument de vente. Cette utilisation ne serait pas aussi constante si elle n'était aussi efficace. Faut-il donc comprendre qu'un achat est obtenu contre une sollicitation sexuelle ? En tous cas, la pulsion sexuelle est considérée comme à la base de l'achat, et les ressources majoritairement masculines. Notons aussi qu'en vertu du « plafond de verre » qui empêche la progression professionnelle des femmes, les publicistes et leurs clients sont presque exclusivement des hommes.
En parallèle de l'uniformisation des modes de vie, se construit ainsi une uniformisation de l'érotisme bien pratique car plus propice à l'augmentation des profits dans une logique de production en série. Les corps présentés sont le plus souvent morcelés (les parties manquantes étant fréquemment la tête, les mains, les pieds), en position d'attente, frêle, leurs zones sexuelles primaires ou secondaires exposées parfois plus que le produit vendu. Ainsi est renforcée l'idée que le corps d'une femme peut être mis en jeu dans un acte d'achat ou de location. Dans la logique capitaliste, n'existe donc que le profit et sa recherche quels que soient les clients, les besoins et les produits.
Une solidarité patriarcale ?
Dans notre contexte politique, l'une des classes sociales est composée d'une oligarchie définie par sa fortune. Cette fortune et le pouvoir d'achat qui en découle, lui permettent de constants arrangements avec la morale. Cette morale sert elle-même de base à un véritable arsenal législatif qui sert à réprimer la délinquance et la criminalité. Curieusement, certaines déviances qui ne sont pas liées à la classe sociale, sont moins durement réprimées. De fait, les qualifications des déviances sexuelles sont donc moins graves (délit plutôt que crime), les peines moins lourdes (amende et sursis plutôt que prison ferme) et la priorité donnée pour poursuivre très basse. Ceux qui sont en position de répression ferment les yeux. Le scandale du Crédit Lyonnais a été résorbé par les deniers des contribuables, les victimes de viol continuent de voir leur vie privée mise en accusation.
Les déviances d'ordre sexuel (violences familiales, viols, mutilations etc.) sont communes à toutes les classes. Les hommes des classes moyennes et populaires qui les commettent sont rarement poursuivis par la police et réprimés par la justice : ils bénéficient donc des effets d'une certaine solidarité qui achètent leur silence et les pervertit. C'est un des effets du patriarcat qui accorde à un homme le devoir de conduire fermement sa famille quitte à recourir à la violence pour se faire obéir. Ces déviances, qui sont autant de violences, ont pour enjeu le contrôle sur la vie des femmes et de leurs enfants. Ainsi, par son regard et ses rapports avec les femmes de son entourage, en sa qualité de dominant, l'homme aux conduites patriarcales imprime dans la mentalité des femmes qu'il approche, la hiérarchie entre sexes et entre genres (les homosexuels sont pour partie déchus de leur statut de dominant). Ces conduites diviseuses font échouer la construction d'une solidarité contre l'oppression économique au profit de l'oppression patriarcale : exemples historiques d'hommes s'élevant contre le recrutement de femmes au lieu de se mobiliser pour, au moins, une même échelle de salaires revalorisée.
Cette solidarité entre dominants s'inscrit dans une logique de redistribution des miettes du système. Ces miettes calment effectivement l'appétit en le détournant vers d'autres cibles et concèdent une certaine identité dans la consommation mais avec des « produits » dont la qualité se détériore au fur et à mesure qu'on « descend » dans la classe sociale (prostituées punies avec l'attribution de secteur à population immigrée). Il semble que la pratique rituelle d'initiation du fils emmené par son père « aux putes » se soit perdue. Reste qu'il s'agissait là d'une intégration sociale à part entière par une pratique de consommation. Cette pratique a une double signification : affirmer une identité en tant que consommateur et confirmer le statut d'objet sexuel des femmes.
Difficile d'ignorer l'explosion du rap commercial et ses thèmes favoris : l'argent, la frime, les femmes. Si leur classe naturelle leur permet de séduire sans même y prendre garde, certaines femmes leur sont encore refusées car réservées à d'autres. Dans cette situation, le viol ou la séduction des femmes de catégorie sociale élevée fait partie de la logique de reprise individuelle ; de même que voler une voiture, de l'argent. Par contre, les mêmes sont prompts à sanctifier leur propre mère et à dénoncer les violences, y compris conjugales, qu'elle a dû affronter. Encore un effort…
La fonction sociale d'une sexualité autoritaire
La perspective de manipulation d'argent avec bénéfices à la clé prime sur toute autre considération, y compris celle de la morale dominante : fidélité (un homme puissant a, au moins, une maîtresse), respect de la vie (trafic d'organes volés sur des personnes vivantes mais incapables de se défendre), morale sexuelle (association des commerçants gays qui monopolise la fierté homosexuelle).
Le système patriarcal présente la sexualité masculine comme une pulsion impérative, non différable et non maîtrisable. Ainsi la fatalité est-elle opposée à la détresse des victimes et aux hommes qui voudraient mettre en cause ces comportements violents.
L'intensité de cette pulsion est fonction de la puissance générale de l'individu ; l'expression publique de cette intensité (de même que l'abondante progéniture) est de nature à provoquer l'admiration, la considération, l'estime autour de soi. En situation de crise, l'assouvissement de cette pulsion amène à des actes que la morale propre de l'individu réprouve. Les relations homosexuelles entre hommes déclenchent le mépris or les caïds en prison ont fréquemment recours aux viols homosexuels. S'il fallait encore une preuve que l'enjeu de cette violence est le contrôle d'autrui : la crainte et le respect des autres détenus augmentent en fonction de cette fréquence. Grâce à une cécité curieuse (la méthode Coué ?), le violeur ne « descend » pas au rang d'homosexuel, c'est le violé qui est devenu l'équivalent d'une femme. Ouf, tout est stable dans le meilleur des mondes patriarcaux : les puissants renforcent leur domination à chaque acte de contrôle ; à chaque attaque, les dominés baissent un peu plus la tête et les bras en se culpabilisant.
Faire accepter l'idée que la sexualité masculine est une pulsion à assouvir sans discernement est bien pratique à d'autres égards. Cette absence de réflexion sur la portée de ses propres actes, ce degré zéro de conscience de la violence sexuelle quotidienne est le même état d'esprit qui permet d'absorber sans broncher les discours démagogiques politiques ou commerciaux. La publicité a une double fonction : promouvoir l'achat de produit et promouvoir un système social. La majorité des publicités repose sur un argument sexuel auquel les hommes ont véritablement appris à réagir impulsivement : une fois encore, ne pas avancer d'arguments rationnellement construits, privilégier le « repos du guerrier», confirmer l'idée que le corps des femmes est dédié au délassement des hommes. Privilégier l'idée que certaines personnes sont plus humaines que d'autres, dès la plus tendre enfance et en faire la démonstration par l'exemple.
Une morale philosophique et sexuelle à géométrie variable confortant le patriarcat option capitalisme
Dans le cadre du mariage, un homme accepte que son épouse dépense son sperme en enfants, fiertés de leur père et son argent à attirer la considération sociale (maison moderne et équipée, bonne présentation physique et vestimentaire, études des enfants). Cette considération se transforme parfois en véritable argument de vente dans le cas des dîners entre futurs associés. A cette occasion, ils donnent à voir leur vie familiale comme gage de leur fiabilité professionnelle. Ce même homme en situation de divorce conçoit comme évident de ne rien payer d'une pension alimentaire puisqu'il n'a plus accès au corps de son ex-épouse et très fréquemment le lien de paternité se dissout. Il y a donc une véritable tractation commerciale derrière les liens du mariage.
La vue de scènes à caractère sexuel doit provoquer une sensation de plaisir ou le rire. Le refus d'en prendre connaissance est vécue de manière négative et ferme la porte à tout un pan de la sociabilité, notamment dans l'espace professionnel. L'accès aux écrits ou aux images marquent aussi un rite initiatique de passage à l'âge adulte. Les histoires drôles véhiculent l'idéologie patriarcale : le pénétrant est vainqueur, la pénétrée est vaincue mais quand même satisfaite ( !) ; ce sont les femmes qui propagent les MST ; les lesbiennes n'attendent que l'homme qui saura les réveler à elles-mêmes ; les hommes sont seulement dans la séduction et assument les conséquences de leurs actes, en personne responsable. Le vieil antagonisme du Don Juan et de la salope.
Face à ces pratiques profanes, les divers mythes religieux alimentent de concert la norme patriarcale. Les catholiques tiennent beaucoup à l'immaculée conception de Marie (seule femme née sans porter la faute de son aïeule Eve) et sa virginité maintenue même après l'accouchement. Prière juive masculine remerciant au réveil de ne pas être née femme. Statut d'objet bon à produire des fils dans l'Islam. Condamnation à mort dans les différents pays asiatiques (gynocide en Inde et en Chine, séquestration des femmes dans la maternité et le soin du foyer, geisha mais interdites de théâtre au Japon).
Que ce soit dans la gauloiserie ou dans le sacré, les femmes sont irrémédiablement salies par le contact des hommes : matrices pour la reproduction, disponibles pour l'hygiène, béatifiées sur l'autel des couches culottes et du soin des personnes âgées ou mortes. Autant de fonctions qui définissent une sous-caste de « touchables » universelle pour le plus grand confort et soulagement de ceux qui n'en sont pas.
La ficelle est ancienne et connue : on supporte mieux son oppression quand on a quelqu'un d'autre à opprimer. Une sexualité autoritaire sert d'instrument de contrôle permanent sur les autres et sur soi puisqu'elle ouvre une spirale de violence qui se nourrit elle-même et coupe court à toute sociabilité. Cette position de supériorité permet de se défouler de ses frustrations, de les compenser à court terme. En effet, tous les indicateurs de développements, surtout ceux qui tiennent compte de la qualité de vie, montrent que la scolarisation des filles et la participation des femmes aux choix de société se conjuguent avec stabilité et développement durable. Dans quelle société voulons-nous vivre ?
Les stéréotypes sexistes dans la presse, la publicité et la communication
Intervention prononcée lors du colloque « L’homme est-il une femme comme les autres ? les identités homme / femme » 5° partie « Les identités symboliques » : Les stéréotypes sexistes dans la presse, la publicité et la communication.
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Introduction
« Je suis la femme, l’éternelle, celle dont on voit tant et plus le soutien gorge de dentelle passer sur tous les autobus. Mon collant va bientôt vous plaire. Mes fesses au niveau de vos yeux, quant à mon slip il prolifère dans le métro c’est merveilleux. » (Mes mystères, Anne Sylvestre, 1978.)
1978 : cette chanson date de 1978. C’est une des constantes de la lutte anti patriarcale : presque rien ne bouge, les analyses continuent d’être valables d’années en années. Souvent en retrouvant un tract de ces fameuses années MLF, on se dit que seule la présentation (tapée à la machine à écrire, reproduit au stencil) laisse deviner leur date.
Faire référence à une grande sœur en féminisme, c’est aussi combattre le syndrome de l’année zéro. Car c’est l’un des stéréotypes les plus nuisibles : le féminisme n’aurait pas d’histoire. Toute femme en révolte contre sa condition serait la première et bien isolée.
Les stéréotypes qui sont, du point de vue féministe, sexistes sont véhiculés partout et tout le temps. Et pourtant le corps social réagit et apprend à décoder. Depuis le temps qu’on dénonce l’utilisation du corps, tout le monde sait que l’image n’a rien à voir avec le produit et qu’on cherche « simplement » à marquer les esprits. La publicité joue plus sur la provocation et l’effet médiatique que sur le mérite du produit.
Une utilité politique et sociale plus qu’économique ?
La pub n’aurait pas d’utilité. Les sondages d’opinion peinent à prouver l’impact de la publicité sur les comportements d’achats. Or dans un contexte de mondialisation, tous les grands groupes couvrent plusieurs secteurs économiques et font appel massivement à des professionnels de la communication donc rien n’est innocent. Du temps d’une plus forte emprise de l’Église sur la société, les sermons avaient pour fonction de donner les grandes lignes d’organisation de la société. Maintenant les stéréotypes jouent comme des messages subliminaux à longueur de temps. Ces messages relaient une contrainte sociale forte : la pérennité de jeux de rôles sociaux. Ces rôles sociaux agissent comme une identité symbolique qu’on endosse au-dessus de la sienne propre afin de correspondre aux stéréotypes du genre ou sexe social auquel on appartient. Les hommes doivent tous être grands, forts, intelligents, père (pour prouver l’authenticité de sa virilité), ayant la maîtrise de l’argent, la politique et l’économique, puissants voire violents. Les femmes doivent toutes être plus petites, faibles, soumises, mères (parce que faites pour), ayant en charge le ménage, les soins enfants, aux personnes âgées et aux blessés, douce et compréhensive.
La presse, la publicité ou la communication en général mettent donc en œuvre des stéréotypes. Les corps et les sexualités (ensemble des phénomènes sexuels ou liés au sexe) sont considérés comme des produits qui se vendent ou s’achètent ; et ce, dans un contexte où les moyens de production et d’échange sont possédés en propriété privée et où le but final est la recherche du profit. La société capitaliste ainsi décrite profite d’un système d’oppression sociale et juridique basé sur la soumission des femmes : le patriarcat. Car plus que le sexisme, il faut souligner que c’est bien un système qui œuvre et relie tous les aspects d’une oppression qu’on peut identifier comme étant la même. Les stratégies de domination patriarcale passe par la division, l’isolement. Comme dit en introduction, l’oubli des luttes incessantes des femmes est là pour décourager les contemporaines et les rediriger vers leur poste de télévision.
Le holisme autoritaire
Le capitalisme est régi par des règles simples : tout se vend, tout s’achète. C’est la loi du marché, l’offre ne fait que répondre à la seule demande solvable.
Dans ce contexte, la marchandisation des corps et des sexualités recherche le profit inhérent à la logique du capitalisme. La majoration des profits appelle l’utilisation de la publicité. Une des constantes de la publicité est l’utilisation de corps « érotisés », féminin surtout, comme argument de vente. Cette utilisation ne serait pas aussi constante si elle n’était aussi efficace. Faut-il donc comprendre qu’un achat est obtenu contre une sollicitation sexuelle ? En tous cas, la pulsion sexuelle est considérée comme à la base de l’achat, et les ressources majoritairement masculines (80% des pauvres sont des femmes). Notons aussi qu’en vertu du « plafond de verre » qui empêche la progression professionnelle des femmes, les publicistes et leurs clients sont presque exclusivement des hommes.
Statistiques à la louche dans différentes revues
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FHM (magazine masculin de loisirs) : 200 p dont 50p de pub. Les enfants sont absents des pubs. Les 3 thèmes de pub les plus fréquents sont : jeux, parfum, vêtement.
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Cosmopolitan (magazine féminin de loisirs) :230p dont 100p de pub. Les enfants apparaissent sur deux pub : gâteau minute où la mère est réduite à ses mains et voiture « vous aussi vous rêvez d’habituer vos enfants au luxe » (le permis de conduire et la voiture étant des symboles historiques de l’accession à l’autonomie pour les femmes). Sans surprise le trio de pub est produits de beauté, parfum et accessoires
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Le Soir (1° quotidien belge généraliste) En Une, l’annonce du dernier film de la cinéaste belge Chantal Akerman mais l’image est réservée au duo père fille Klijsters, la gloire de cette tenniswomen revient à son père ! Aucun sujet ne traite des femmes, mais le Soircompte dans son équipe deux grands noms féminins du journalisme : B. Vaes et M. Vandemelebroeck qui signent des articles dans les premières pages. Dans le supplément loisir Victor, on retrouve les même pub que dans les magazines de loisirs notamment une pub pour la vodka qui vante l’effet désinhibant de l’alcool (la femme enlève le rembourrage de son soutien-gorge), substance classée dans les drogues dures, rappelons-le.
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La libre Belgique (quotidien généraliste propriété de l’Evêché de Namur). Les femmes sont convoquées en tant qu’expertes ponctuelles. Les images représentent des femmes accessoires (tient la photo d’un opposant, ramasse les papiers dans une salle de conférence). On trouve la première signature féminine sous la plume d’une grande reportrice à laquelle ses collègues masculins ont permis de se faire tirer dessus pour son sujet sur la culture de la coca. La seule pub destinée aux femmes est celle d’un magasin de robes de mariées.
La sexualité des dominants, nourrie d’autoritarisme et présentée comme majoritaire, se trouve dotée d’une fonction sociale : l’apprentissage et l’habitude de la soumission (notamment à travers la répétition de corps en position d’attente ou agi ce qui est le cas dans presque toutes les pub de parfums). En parallèle de l’uniformisation des modes de vie, se construit ainsi une uniformisation de l’érotisme bien pratique car plus propice à l’augmentation des profits dans une logique de production en série.
Les corps présentés sont le plus souvent morcelés (les parties manquantes étant fréquemment la tête, les mains, les pieds), en position d’attente, frêle, leurs zones sexuelles primaires ou secondaires exposées parfois plus que le produit vendu. Ainsi est renforcée l’idée que le corps d’une femme peut être mis en jeu dans un acte d’achat ou de location. Dans la logique capitaliste, n’existe donc que le profit et sa recherche quels que soient les clients, la demande et les produits.
Conclusion
Tous ces exemples, ces tentatives d’explication et l’environnement publicitaire omniprésent me renvoie à la notion de stigmate. En effet, que ce soit dans la grossesse (ce sont les femmes qui tombent enceinte), la prostitution (visibilité des prostituées, invisibilité des clients), le marquage religieux (voile pour les filles, nike pour les garçons), les viols de guerre (les femmes bosniaques se sentaient coupables) ou de paix, les signes extérieurs de richesse (certaines femmes portent des tuniques qui peuvent peser 20 kg), le problème de la garde de l’enfant fait à deux parce que maman travaille et non pas parce que papa et maman travaillent, l’importance de la maison bien tenue par la mère épanouie d’une famille unie (santé mentale symbolique), ce sont les femmes qui sont en première ligne. Chaque fois qu’il y a crispation ou offensive, c’est sur le corps des femmes que les enjeux se nouent.
« Mais bientôt enfin je serais vieille, vous ne m’imaginerez plus, je n’en aurais plus rien à faire de mon mystère. On ne mettra plus en vitrine ni mes dessus ni mes dessous, j’aurais enfin pauvre poitrine, des varices et le ventre mou, je me vautrerai dans mon âge, je boufferai n’importe quoi sans qu’on m’emmerde à chaque page avec tout ce qu’il ne faut pas. »
Ceci est le dernier couplet de la même chanson d’Anne Sylvestre. Les stéréotypes c’est ce qu’on nous montre et aussi ce qu’on cache, ignore, annule. C’est des femmes vieilles, actives sexuellement, avec un handicap, lesbienne, autre que blanche occidentale. On montre surtout petites filles africaines rigolotes avec leurs tresses alors que la représentation des asiatiques (la population chinoise dépasse le milliard d’individu) est quasi nulle.
Ces stéréotypes relaient abondamment le discours patriarcal sur le désir des hommes et le corps des femmes, mais qu’en est-il des désirs des femmes et du corps des hommes ? ?
D’un point de vue patriarcal, l’individu n’a aucune valeur pour soi mais une valeur relative et collective : il doit se fondre dans le rôle social que son sexe biologique lui a assigné sinon c’est la répression sociale qui se met en route, l’exemple le plus marquant étant celui des homosexuels (qui subissent des viols punitifs commis par des hétérosexuels se prouvant ainsi leur virilité).
De ce point de vue, l’homme qui cherche à défaire son comportement des attributions masculines (travailler moins pour s’investir plus auprès de ses enfants, faire un métier de femme, soutenir les femmes ostracisées dans les milieux traditionnellement masculins), ces hommes là oui sont des femmes comme les autres. L’une des stratégies les plus vieilles et toujours efficaces, c’est de diviser pour régner. L’histoire compte des épisodes récurrents de femmes qui mettent au point des stratégies de solidarité. Ca fait des siècles qu’on vous attend. Alors, messieurs, le MLH, c’est quand vous voulez.