Daniel Guérin
Proudhon, un refoulé sexuel
Proudhon, un refoulé sexuel
Je voudrais considérer l’un des aspects les moins connus de l’œuvre du grand réformateur social : sa vive et insolite curiosité à l’égard de l’homosexualité.[1] Curiosité d’autant plus surprenante qu’il passait, a juste titre, pour un homme de mœurs rigides et que, par ailleurs, l’auteur de la posthume Pornocratie était enclin a tonner contre les écarts de la chair.
Proudhon avait cru remarquer que l’homosexualité, de son temps, n’était guère pratiquée par les classes laborieuses. Ses adeptes étaient bien plutôt, selon lui, « des raffinés, des artistes, des gens de lettres, des magistrats, des prêtres ». Pourquoi ? parce que les travailleurs n’étaient « pas assez avancés dans le culte de l’idéal ». Pour lui, l’amour unisexuel était « une erreur de jugement produite par une illusion de l’idéal », par la poursuite « du beau et du bien ». Ce qui le frappait dans les mœurs antiques, c’était que de « grands poètes en vinrent à célébrer cette monstrueuse ardeur, privilège, à les entendre, des dieux et des héros ». Il ajoutait que c’était cette « poétique » de l’homosexualité qu’il s’agissait surtout d’expliquer. Et s’excusant à l’avance de l’audace de son incursion dans pareil domaine, il osait écrire :
« J’ai consulté les témoignages écrits ; j’ai interrogé ces anciens qui surent mettre de la poésie, de la philosophie partout, et qui, parlant à une société habituée aux mœurs socratiques, ne se gênaient guère (...) Ce que je vais dire (...) aura (...) l’avantage d’alléger singulièrement le crime de ceux qui les premiers s’en firent les chantres et les panégyristes (...) Nous avons plaidé en faveur de quelques personnages, les plus grands qui aient illustré notre race, en faveur de la poésie et de la philosophie grecque, éternel honneur de l’esprit humain, l’innocence de l’amour unisexuel. »
Proudhon ouvre son étude en rejetant délibérément l’explication de saint Paul « qui croit avoir tout dit quand il attribue le phénomène qui nous occupe au culte des faux dieux ». Pour lui « l’explication de saint Paul n’explique rien ». Il était trop commode pour le christianisme d’imputer au polythéisme et à la société fondée sur lui les comportements dont il prétendait purger la terre. « Mais (...) le christianisme n’a pas réussi dans son entreprise » et les passions dénoncées par l’apôtre « se sont perpétuées dans l’Eglise du Christ. »
Remontant aux origines de l’amour grec, Proudhon suggère, avec raison, que l’homosexualité avait existé en Grèce bien avant Socrate. C’est en Ionie que cet amour fut d’abord « chanté et divinisé ». De bonne heure, chez les Syriens, les Babyloniens et autres Orientaux la religion avait fait de l’homosexualité un de ses mystères. A l’origine de l’humanité, régnait un « panthéisme érotique », ce que Charles Fourier, à qui Proudhon devait tant, appelait omnigamie et que Proudhon évoque en ces termes.
« Cet amour suprême, qui débrouilla le chaos et qui anime tous les êtres, n’a pas besoin, pour jouir, de la forme humaine. Pour lui, les règnes, les genres, les espèces, les sexes, tout est confondu (...) C’est Cénis, changée de fille en garçon ; Hermaphrodite, à la fois mâle et femelle ; Protée, avec ses mille métamorphoses (...) Théocrite va plus loin : dans une complainte sur la mort d’Adonis, il prétend que le sanglier qui le tua d’un coup de croc ne fut coupable que de maladresse. Le pauvre animal voulut donner un baiser à ce beau jeune homme : dans le transport de sa passion il le déchira ! »
Quand l’humanité, sortie du chaos, entra dans la civilisation, ce panthéisme érotique se mua en « idéalisme érotique » :
« Avant tout, pensaient les anciens, l’homme ne peut vivre sans amour ; sans amour la vie est une anticipation de la mort. L’antiquité est pleine de cette idée ; elle a chanté et préconisé l’amour ; elle a disputé à perte de vue de sa nature comme elle a disputé du souverain Bien, et plus d’une fois il lui est arrivé de les confondre. Avec la même puissance que ses artistes idéalisaient la forme humaine, ses philosophes et ses poètes idéalisèrent l’Amour (...) Ce fut (...) parmi eux, à qui découvrirait et réaliserait le parfait amour (...) Mais cette idéalité de l’amour, où la trouver ? Comment en jouir, et dans quelle mesure ? »
Dans le mariage ? Proudhon réplique d'après un proverbe :
« Le mariage est le tombeau de l’amour. Et cela était vrai pour les Grecs (...) incomparablement plus qu’il ne l’est pour nous. La dignité d’épouse, aristocratique dans son principe et dans sa forme, ne conférait guère à la femme antique que de hautaines prétentions qui la rendaient peu aimable. »
L’auteur fait ici allusion, mais trop sommairement d’ailleurs, aux conditions sociales (patriarcat) dont était victime la femme grecque :
« L’épouse telle qu’au sortir de l’âge héroïque la civilisation dut la faire, n’ayant pour elle que son orgueil, la trivialité de ses occupations et son importune lascivité, que réprimaient à peine les ennuis de la grossesse et les rebuffades maritales, l’amour s’envolait au matin des noces, et le cœur restait désert. Il n’y a pas la moindre parcelle d’amour dans le gynécée, dit énergiquement Plutarque. »
Si l’union conjugale était ainsi « destituée d’idéal, partant, d’amour » à qui demander l’amour ? A l’hetaïra, à la concubine, à la courtisane ? Mais ce genre d’ « amour à gages » se réduit à une « satisfaction des sens », à une « sécrétion de l’organisme », à une « sentine », peste Proudhon. « Je l’aime, dites-vous ; oui comme j’aime le vin, le poisson et tout ce qui me donne du plaisir. »
« Ainsi l’hetaïra et la courtisane n’offrant rien de plus, quant a la délectation amoureuse, offrant même moins que la femme légitime, l’amour tel que le veut l’âme humaine, l’amour idéalisé devient impossible entre les deux sexes (...) Les anciens n’avaient que trop bien suivi cette analyse. Ils comprenaient merveilleusement que la beauté, au physique comme au moral, est immatérielle, que l’amour qu’elle inspire est tout entier dans l’âme (...) Où donc, se demandait l’homme de l’antiquité, où trouver l’amour sans lequel je ne puis vivre, et que je ne puis saisir ni avec ma femme, ni avec ma maîtresse, ni avec mon esclave ? Où est-il, cet amour, feu follet qui ne se montre que pour tromper les hommes ? J’ai trouvé la femme plus amère que la mort, s’écrie Salomon ; il désigne évidemment, non pas la personne, mais le sexe. Néant partout, amour nulle part. »
Et Proudhon de suivre attentivement « la marche de cette séduction idéaliste qui, après avoir fait repousser le mariage comme étranger par sa nature à l’amour », aboutit à « l’hallucination » de l’homosexualité.
« C’est donc par un raffinement de délicatesse en même temps que par une recherche quintessenciée du beau et de l’honnête que les anciens en vinrent à mépriser l’amour conjugal, et avec lui tout rapport physique avec la femme. Telle est la série d’idées par laquelle les Grecs, à force de spéculer sur l’amour et de le dégager des indignités de la chair, arrivèrent aux derniers excès. Cela peut paraître prodigieux, mais cela est : et l’histoire entière en témoigne. »
Proudhon, avec une singulière complaisance, abandonne maintenant la théorie pour les exemples :
« Anacréon, suivant Elien, étant a la cour de Polycrate, tyran de Samos, conçut une vive affection pour un jeune homme nommé Smerdias. Il le chérissait, dit l’historien, pour son âme, non pour son corps. De son côté, l’adolescent avait une affection respectueuse pour le poète. »
Et Proudhon de surenchérir :
« Le bel éphèbe Smerdias dont il est ici question était aussi aimé par le tyran Polycrate. »
Ayant surmonté, enfin, et la prudence et l’inhibition, l’auteur se lance à corps perdu dans l’exaltation de l’amour grec :
« Il faut bien croire que cette théorie extraordinaire était entrée jusqu’à un certain point dans les mœurs, quand on voit les hommes les plus vertueux de l’antiquité et les moins suspects en faire profession. Socrate, qui donna son nom a l’amour parfait avant que Platon lui eût donné le sien, faisait, au vu et au su de toute la ville, l’amour a Alcibiade. Il lui enseignait la philosophie, lui reprochait son orgueil, l’arrachait aux séductions des courtisanes, le formait à la continence, et, par son exemple et ses discours, apprenait aux Athéniens à aimer la jeunesse et à la respecter. Il y a une belle leçon de lui dans le dialogue de Platon appelé le Théétète. Théétète est un jeune homme sans grâce, au nez camus, aux petits yeux enfoncés, vrai portrait de Socrate, et qui est présenté et recommandé au philosophe par un citoyen d’Athènes, que ses amis accusaient ironiquement, et à son grand déplaisir, de faire l’amour à ce vilain garçon. Socrate interroge Théétète, le force par ses questions de montrer son intelligence, fait ressortir son heureux naturel, et lui dit à la fin devant tout le monde : Va, tu es beau, Théétète ; car tu possèdes la beauté de l’âme, mille fois plus précieuse que celle du corps. Parole digne de l’Evangile, qui dut frapper vivement les Athéniens, et que Platon n’aurait eu garde de perdre.
« Cornéhus Népos, dans la vie d’Epaminondas, raconte que, le roi de Perse ayant eu dessein de l’acheter, Diomédon de Cyzique, qui était chargé de la commission, commença par mettre dans ses intérêts un tout jeune homme, appelé Micythus, qu’Epaminondas aimait de tout son cœur. Que fit le héros thébain ? Après avoir admonesté sévèrement l’entremetteur du grand roi, il dit a son jeune ami : Pour toi, Micythus, rends-lui vite son argent, ou je te dénonce au magistrat ! (...) Etrange occupation pour des pédérastes, de prêcher à leurs gitons, de parole et d’exemple, la modestie, l’étude, le désintéressement, la chasteté, tous les genres de vertu, et de les menacer du châtiment s’ils s’en écartent !
« Dans une guerre que ceux de Chalcis soutenaient contre leurs voisins, ils durent la victoire au courage de Cléomaque, un des leurs, qui se dévoua (...) à la seule condition de recevoir auparavant, en présence de l’armée, un baiser de son ami, et de mourir sous ses yeux. C’est Plutarque qui raconte le fait. Je voudrais savoir si la chevalerie a produit rien de plus beau et de plus chaste que ce trait ?
« Tout le monde sait que le bataillon sacré de Thèbes, qui périt tout entier à Chéronée, était formé de trois cents jeunes gens, cent cinquante paires, dont l’amour autant que le patriotisme formait la discipline. »
Passant de la littérature grecque à la poésie latine, Proudhon poursuit dans la même veine :
« Virgile, chantant le messianisme romain et la régénération universelle, Virgile, disciple de Platon, n’oublie pas cette épuration de l’amour pédérastique. Son épisode de Nisus et Euryale s’inspire de l’amitié grecque, où l’amour s’allie à l’émulation guerrière : Un même amour les unissait et ils se ruaient ensemble dans les combats,[2] dit-il des jeunes héros : Euryale, type de jeunesse splendide et de grâce vertueuse, que toute l’armée aime autant qu’elle l’admire, Euryale remarquable par sa beauté et par sa jeunesse en fleur,[3] Ce charme plus séduisant qui apparaît dans un beau corps,[4] et Nisus, son pur et pieux amant. Lisez aux 5e et 9e livres de l’Enéide l’histoire touchante de cet amour : on dirait un épisode du bataillon sacré de Thèbes. Et c’est après avoir raconté leur mort que le poète s’écrie : Heureux couple ! Si mes vers ont quelque puissance, votre mémoire durera autant que le Capitole, aussi longtemps que Rome tiendra l’empire du monde ! »
Et Proudhon, que rien n’étonne plus, que rien ne retient plus, s’exclame :
« Pourquoi nous étonner si fort, après tout, d’un attachement qui a des racines dans la nature même ? Ne savons-nous pas qu’il existe entre l’adolescent et l’homme fait une inclination réciproque, qui se compose de mille sentiments divers et dont les effets vont bien au-delà de la simple amitié, Qu’était-ce que l’affection de Fénelon pour le duc de Bourgogne, cet enfant de son cœur et de son génie, qu’il avait créé, formé, la Bible dirait engendré, comme il avait créé son Télémaque ? De l’amour, dans le sens le plus pur et le plus élevé que lui donnaient les Grecs. Fénelon instruisant le duc de Bourgogne, c’est Socrate révélant à ses auditeurs la beauté de Théétète, c’est Epaminondas réprimandant Micythus. Qu’il eût voulu mourir pour ce fruit de ses entrailles, le tendre Fénelon !
« J’irais plus loin : qu’était cette prédilection tant remarquée du Christ pour le plus jeune de ses apôtres ?[5] Pour moi, j’y vois, comme dans l’épisode de Nisus et Euryale, une imitation chrétienne de l’amour grec. Et ce n’est pas la moindre preuve à mes yeux que l’auteur du 4e Evangile ne fut pas un Hébreu de Jérusalem, incapable de ces délicatesses, mais un helléniste d’Alexandrie, qui connaissait son public, et ne trouvait rien de mieux, pour vanter la sainteté du Christ, que d’en faire un amant à la manière de Socrate. Nous calomnions les anciens, et nous ne voyons pas que leurs idées, ramenées à leur juste mesure, ont leur source dans le cœur humain, et qu’elles ont coulé jusque dans notre religion.
« La distinction des amours et la différence de leurs caractères était si bien établie chez les Grecs, que nous les voyons habiter ensemble, sans se combattre ni se confondre. Achille a pour compagne de sa couche, hetaïra, Briséis, la belle captive ; pour ami de cœur, Patrocle, son hetaïros. Aussi, quelle différence dans les regrets qu’il leur donne ! Pour Briséis, il pleure, il jure de ne plus combattre et de retourner en Thessalie ; pour Patrocle, il viole son serment, tue Hector, massacre ses captifs et décide la prise de Troie.
« Tous les poètes grecs qui ont chanté l’amour sous sa double hypostase ont suivi l’exemple d’Homère. Je veux que le Bathylle d’Anacréon soit suspect : l’indiscrétion du poète, dans le portrait qu’il a tracé de son ami, a laissé tomber sur la pureté de l’original une ombre obscène ; mais combien le sentiment que Bathylle lui inspire l’emporte sur toutes ses fantaisies de maîtresses ! Quoi de plus ravissant que cette chanson de la colombe messagère ! Et quelle rêverie dans ces deux couplets, que les traducteurs séparent comme si c’étaient deux odes : Rafraîchissez, ô femmes, de vin doux ma gorge desséchée ; rafraîchissez de roses nouvelles ma tête brûlante. Mais qui rafraîchira mon cœur, incendié par les amours ? Je m’assoirai à l’ombre de Bathylle, le jeune arbre à la verdoyante chevelure ; auprès de lui coule et murmure la fontaine de persuasion. C’est la, voyageur épuisé, que je prendrai une nouvelle force. »
Maintenant ce n’est plus tant l’amour grec que sa pureté qui intrigue Proudhon :
« Ce qui m’étonne dans toute cette poésie socratique, platonique, anacréontique ou saphique, comme on voudra l’appeler, c’est l’extraordinaire chasteté de la pensée aussi bien que du langage, chasteté qui n’a d’égale que l’ardeur de la passion. M’explique qui pourra, dans l’hypothèse d’un amour impie, cet inconcevable mélange de tout ce que la tendresse la plus exaltée, la pensée la plus sévère, la poésie la plus divine, pouvaient offrir de traits pénétrants, d’images gracieuses et d’ineffable harmonie, avec ce que la rage des sens aurait fait inventer de plus atroce ; quant à moi, une pareille alliance du ciel et de l’enfer dans un même cœur me paraît inadmissible, et je reste convaincu que, s’il y a là-dessous quelque horreur, elle est toute notre. »
L’amour « unisexuel » des anciens était-il vraiment pur ? Proudhon, après l’avoir affirmé, n’en est plus tellement certain. Mais leur idéal, tout au moins, était, selon lui, de pureté :
« Pour nous, sans prétendre à plus de science en pareille matière qu’il ne convient à d’honnêtes gens d’en avoir, nous maintenons l’opinion établie par nous dans le texte, savoir, que l’amour pédérastique n’impliquait pas nécessairement, pour les anciens Grecs, comme il implique aujourd’hui pour nous, des rapports corporels ; que tout au contraire cet amour avait la prétention de rester pur, et que c’est ainsi que le pratiquèrent Socrate, Epaminondas, et une foule d’autres. Les passages que nous avons cités de Plutarque, de Platon, de Virgile, de l’Evangile selon saint Jean, en sont des témoignages irrécusables. Nous soutiendrons en conséquence que c’est ce pur amour que chantèrent Anacréon et Sapho ; qu’il importe, si l’on veut être juste, de distinguer ici entre la théorie passionnelle des anciens et ce que put être leur pratique, et qu’avant d’accuser de mœurs abominables les plus grands des poètes, il faudrait commencer par comprendre leurs sentiments et leurs idées. De quelque façon qu’en aient usé, dans le secret, Anacréon avec Bathylle, Sapho avec son amie, ce dont nous ne savons absolument rien ni ne saurons jamais rien, une chose reste positive, démontrée, acquise (...) les anciens se faisaient de l’amour un autre idéal que nous, idéal qu’il ne s’agit pas ici de justifier (...) ; mais idéal irréprochable dans leur pensée, et qui avait sa poésie. »
Proudhon, cependant, instruit par son expérience personnelle, a une notion trop profonde de la « rage des sens » pour se bercer de naïves illusions. Il sait trop bien qu’il est impossible d’interposer une cloison étanche entre le platonisme et la chair : ce genre d’amour, « quelque spiritualiste qu’en soit le principe », n’en demeure pas moins physique :
« Un des interlocuteurs de Plutarque, celui qui défend la cause de l’amour androgyne ou bi-sexuel, fait à son adversaire, qui protestait au nom des sectateurs du parfait amour contre les accusations dont on les chargeait, l’objection suivante : Vous prétendez que votre amour est pur de tout rapprochement des corps, et que l’union n’existe qu’entre les âmes ; mais comment peut-il y avoir amour là où il n’y a pas possession ? C’est comme si vous parliez de vous enivrer en faisant une libation aux dieux, ou d’apaiser votre faim à l’odeur des victimes. A cette objection, pas de réponse. Quelque opinion que l’on se lasse de la distinction des corps et des âmes, il reste toujours que celles-ci ne s’unissent que par le rapprochement de ceux-là. »
Et Proudhon de conclure, comme un homme qu’a dévasté, au plus profond de lui-même, le combat de l’ange et de la bête :
« Tout amour, si idéal qu’en soit l’objet, tel qu’est par exemple l’amour des religieuses pour le Christ ou celui des moines pour la Vierge, à plus forte raison l’amour qui se rapporte à un être vivant et palpable, retentit nécessairement dans l’organisme et ébranle la sexualité. Il y a de la délectation amoureuse chez la jeune Vierge qui caresse sa tourterelle ; et quel délire, on le sait trop, allume dans leurs sens consumés l’imagination des mystiques ! Parvenu au sommet de l’empyrée, l’amour céleste, attiré par cette beauté matérielle dont la contemplation le poursuit, retombe vers l’abîme : c’est Eloa, la belle archange, amoureuse de Satan, qu’il lui suffit de regarder pour se perdre. Telle est (...) l’antinomie à laquelle l’amour, comme toute passion, est soumis : de même qu’il ne peut se passer d’idéal, il ne peut pas non plus se passer de possession. Le premier le pousse invinciblement à la seconde. »
* * *
Pourquoi Proudhon portait-il tant d’intérêt à l’homosexualité ? Il me reste à chercher la clé de l’énigme dans sa vie et sa personne. La plupart de ses nombreux commentateurs se sont dérobés devant une aussi indiscrète enquête. Tout au plus, l’un d’eux, Jules L. Puech s’est-il borné à indiquer, sommairement, que la source de ses refoulements serait « sans doute » révélée par la psychanalyse.[6]
Tout jeune, à l’âge de 17 ans, Proudhon éprouve, comme il nous le raconte lui-même, un « amour platonique » qui le rend « bien sot et bien triste ». Il s’éprend d’une jeune fille à la manière d’un chrétien, c’est-à-dire avec « la foi à l’absolu ».[7]
En dépit de sa « verte jeunesse » qui réclame des satisfactions plus concrètes, il se fait le « gardien » et le « participant » de la virginité de la demoiselle. A la fin, « ayant trop attendu, la jeune personne s’est elle-même détachée et mariée à un autre ».
Pourquoi ce singulier comportement amoureux, qui s’est prolongé durant cinq années ? Proudhon attribue son « affection mentale » à la lecture de Paul et Virginie, de Bernardin de Saint-Pierre, « pastorale prétendue innocente et qui devrait être à l’index de toutes les familles ». Et il dénonce « le péril de ce platonisme qu’une vaine littérature voudrait ériger en vertu ». Il nous suggère une autre explication lorsqu’il note dans ses Carnets : « Je souhaite, si je me marie jamais, d’aimer autant ma femme que j’ai aimé ma mère ».[8] Peut-être a-t-il été paralysé, comme tant d’autres, par le trop fameux complexe d’Œdipe. Toujours est-il qu’il dut à ce malheureux amour de rester puceau, pendant dix ans après sa puberté :
« Celui qu’une passion idéale a saisi de bonne heure et conduit fort avant dans la virilité est devenu, par son idéalisme même, gauche et maladroit avec le sexe, dédaigneux de la galanterie, où il ne réussit pas, brusque et sarcastique envers les jolies personnes, intraitable à l’endroit des positions mitoyennes, qu’il qualifie, non sans raison, d’immorales. Bref, il regimbe, malgré son appétit et ses dents, contre l’amour qui le pique, l’irrite, le fait rougir comme un lion (...) Il se sent extravagant, ridicule (...) il prend en aversion et l’amour, et le mariage, et la femme. »
Pendant des années, Proudhon, « lamentable martyr de la continence », sera « assailli par le diable qui taquinait saint Paul » :
« Le diable qui, si longtemps m’avait brûlé du côté du cœur, maintenant me rôtissait du côté du foie, sans que ni travail, ni lectures, ni promenades, ni réfrigérants d’aucune sorte pussent me rendre la tranquillité (...) Une scission douloureuse s’opérait en moi entre la volonté et la nature. La chair disait : je veux, la conscience : je ne veux pas... »
C’est alors que Proudhon nous entrouvre ses réduits les plus intimes. Ce « platonisme » dont il dénonçait de façon imprécise le « péril »,[9] il l’explicite maintenant :
« O vous tous, jeunes hommes et jeunes filles, qui rêvez d’un amour parfait, sachez-le bien, votre platonisme est le droit chemin qui conduit à Sodome. »[10]
* * *
Si l’on fouille dans ses moindres recoins la jeunesse de Proudhon, on n’y trouve, à part cette chaste passion, aucune aventure féminine. Son biographe, Daniel Halévy, convient que « folâtrer avec le beau sexe n’était pas de son goût ».[11] Lui-même nous avoue que lorsqu’il vivait encore à la campagne et qu’il voyait les filles de ferme masturber le taureau, « il ne sentait jamais rien pour ces luronnes ».[12]
Par contre, nous lui découvrons une liaison masculine. A 22 ans, il a fait la connaissance, à l’imprimerie où il travaille, d’un jeune étudiant de Besançon. Bien que d’origine sociale différente, les deux jeunes gens deviennent des inséparables : « Je vous ai connu, je vous ai aimé » écrira plus tard Gustave Fallot à Pierre-Joseph Proudhon.[13] Il presse son ami de le suivre à Paris. Proudhon ne résiste pas à cet appel. Tout est commun entre eux : chambre, lit, table, bibliothèque, pécule. Ensemble, ils « platonisent ». Mais la terrible épidémie de choléra de 1836 atteint Fallot. Son ami le soigne jour et nuit. Il s’épuise pour sauver celui qu’il aime. Mais il ne réussit pas à le disputer à la mort. Sa douleur est affreuse :
« Je sentis que la moitié de ma vie et de mon esprit m’était retranchée : je me trouvai seul au monde. »
Le souvenir de Fallot occupe sa pensée « comme une idée fixe, une vraie monomanie ». Il se rend au Père-Lachaise et reste une heure entière en méditation sur sa tombe.[14]
Toute sa vie Proudhon restera fidèle à l’amitié masculine. Dans un écrit posthume, il observera :
« Tout homme a des secrets qu’il confie à un ami, et qu’il ne dit pas à sa femme. »[15]
A un camarade, que lui enlève une épouse, il écrit, avec amertume :
« Le mariage opère d’une façon étrange sur vous, messieurs qui avez pris femme (...) Vous retranchant peu à peu dans le ménage, vous finissez par oublier que vous fûtes compagnons. Je croyais que l’amour, la paternité augmentaient l’amitié chez les hommes ; je m’aperçois aujourd’hui que ce n’était là qu’urne illusion. »
Et il ajoute cette remarque significative, pour le lecteur qui sait déjà le prix qu’il attachait à l’amitié antique :
« Si Oreste avait épousé Hermione, de ce jour, il eût oublié Pylade. »[16]
Ailleurs Proudhon presse un amoureux, à qui il veut du bien, de sauvegarder sa liberté :
« Souviens-toi, jeune homme, que les baisers qu’on te donne sont des liens dont tu te charges et que trois jours de carême suffisent pour faire de la femme, sans que tu t’en aperçoives, d’une douce amoureuse un tyran. »[17]
Proudhon voudrait préserver ses amis de la délétère influence féminine :
« La conversation et la société des femmes rapetissent l’esprit des hommes, les efféminent, les émoussent. »[18]
* * *
Quand il arrive à sa plume d’évoquer un beau mâle, Proudhon contient mal son émoi. Dans une curieuse parabole, il décrit un personnage de sang plébéien, dont « l’énergie passionnée, la fermeté de ses muscles, le timbre de sa voix (...) exerçaient une séduction irrésistible » au point que la jeune veuve dont il était l’un des adorateurs « ne pouvait, en sa présence, se défendre d’un frisson délicieux. »[19] En revanche, l’effémination lui répugne :
« Le mignon qui affecte les grâces féminines est dégoûtant. »
La perspective lui fait horreur d’une société où l’homme serait « joli, gentil, mignon » et où il n’y aurait plus « ni mâles ni femelles ».[20] Ailleurs Proudhon trahit sa prédilection pour l’anatomie masculine. Comparé au corps de l’homme celui de la femme est, à ses yeux, un « amoindrissement, un sous-ordre » :
« Les muscles sont effacés ; cette carrure virile est arrondie ; ces lignes expressives et fortes sont adoucies et molles. »[21]
Proudhon n’est pas tendre pour le sexe faible. Il ne trouve pas de mots assez dégradants pour stigmatiser la femme que l’amour possède. Elle jappe, elle redevient une bête, une folle, une catin, une guenon, elle est atteinte de luxure inextinguible, elle est un puits de coquinerie.
« La femme sollicite, agace, provoque l’homme ; elle le dégoûte et l’embête : encore, encore, encore ! »[22]
Pour Proudhon, la femme est une créature inférieure, « subalterne ». Elle ne sera jamais un « esprit fort ». Il nie radicalement le génie féminin. « Une femme ne peut plus faire d’enfant quand son esprit, son imagination et son cœur se préoccupent des choses de la politique, de la société et de la littérature. » Sa vraie vocation est le ménage :
« Nous autres hommes, nous trouvons qu’une femme en sait assez quand elle raccommode nos chemises et nous fait des beefsteaks. »[23]
Accorder à la femme le droit de vote serait « porter atteinte à la pudeur familiale » et Proudhon, qui a pris pour épouse une ménagère, profère cette risible menace :
« Le jour où le législateur accordera aux femmes le droit de suffrage sera le jour de mon divorce. »[24]
Il va jusqu’à prescrire aux hommes de mener la femme à la trique :
« Elle veut être domptée et s’en trouve bien (...) L’homme a la force ; c’est pour en user ; sans la force la femme le méprise (...) La femme ne hait point d’être un peu violentée, voire même violée. »[25]
La bête noire de Proudhon, c’est la femme émancipée, atteinte de « nymphomanie intellectuelle », qui imite les manières masculines, la « virago », la femme de lettres, dont George Sand est, à ses yeux, le détestable prototype.[26] Mais cette frénésie anti-féministe lui vaudra de cinglantes ripostes. A l’âge de dix-huit ans, une jeune romancière publiera contre Proudhon un vigoureux pamphlet, suivie bientôt par une consœur.[27] Rendu furieux par ces attaques, Proudhon rédigera une réponse échevelée, d’ailleurs inachevée, et qui, heureusement pour lui, ne verra le jour qu’après sa mort.[28]
* * *
Par-delà la femme, c’est toute la société moderne en voie de révolution sexuelle qui suscite l’ire de Proudhon. Il dénonce « la folie amoureuse qui tourmente notre génération », « cette pornocratie qui depuis trente ans a fait reculer en France la pudeur publique », « cet esprit de luxure et de dévergondage » qui est « la peste de la démocratie », « le culte de l’amour et de la volupté (...) cancer de la nation française ». Apostrophant ses contemporains, il leur lance :
« Vous voulez de la chair ! vous aurez de la chair jusqu’au dégoût. »[29]
La faute en est aux arts et aux lettres, qui surexcitent les sens.[30] La lecture d’un roman amoureux n’est-elle pas suivie infailliblement par une visite à la maison de tolérance - où l’on « ne rencontre que dégoût, déplaisance, remords » ?[31] Et Proudhon de s’en prendre aux socialistes utopiques, ses prédécesseurs, qui ont voulu réhabiliter la chair, au Père Enfantin, chef de la « religion saint-simonienne » à qui il lance : « Vous êtes une église de proxénètes et de dévergondés »,[32] à Charles Fourier, qui prêchait le libre essor des passions et prétendait les mettre au service de sa société régénérée.[33]
Mais, plus encore que la luxure, c’est l’homosexualité qui ne cesse de hanter le cerveau dérangé de Proudhon. Le communisme, en tendant « à la confusion des sexes » serait « au point de vue des relations amoureuses, fatalement pédérastique ».[34] Il suspecte « l’androgynie sacerdotale » des saints-simoniens tout comme l’ « omnigamie » de Fourier, sur qui il fait peser le soupçon inquisitorial d’avoir « étendu fort au-delà des barrières accoutumées les relations amoureuses » et d’avoir « sanctifié jusqu’aux conjonctions unisexuelles ».[35] La fureur des sens, à l’entendre, aboutit nécessairement aux jouissances « contre nature », à la « sodomie ».[36]
« Nous sommes en pleine promiscuité, tant la paillardise est devenue universelle... Nous voilà parvenus à l’amour unisexuel. »[37]
Toute nation qui s’adonne au plaisir « est une nation que dévore la gangrène sodomitique, une congrégation de pédérastes ».[38] La pédérastie serait « l’effet d’une volupté furieuse que rien ne peut assouvir ».[39] Et il demande, sur un ton d’étrange délectation :
« Y aurait-il (...) dans ce frictus de deux mâles, une jouissance âcre, qui réveille les sens blasés, comme la chair humaine qui, dit-on, rend fastidieux au cannibale tout autre festin ? »[40]
* * *
Le dernier mot de Proudhon, c’est le terrorisme antisexuel. Livrée à elle-même, la passion charnelle lui paraît sans remède : « Il n’a servi de rien aux Bernard, aux Jérôme, aux Origène, de vouloir dompter leur chair par le travail, le jeûne, les veilles, la solitude. » Comprimée, la passion éclate avec encore plus de furie. Au lieu de s’amortir, elle renaît de l’assouvissement et cherche de nouveaux objets :
« Jouir, jouir encore, jouir sans fin. »[41]
Proudhon n’hésite donc pas à appeler le législateur, le gendarme, le juge à la rescousse. Qu’on interdise le divorce, qu’on assimile la sodomie au viol et qu’on la punisse de vingt ans de réclusion.[42] Mieux encore, qu’on déclare légalement excusable le meurtre, par le premier venu, d’un « sodomite » pris en flagrant délit.[43] Proudhon songe sérieusement à adresser une dénonciation au procureur général afin de faire poursuivre pour « immoralité » l’école phalanstérienne :
« Désormais, triomphe-t-il, on est en droit de dire aux fouriéristes vous êtes des pédérastes (...) S’il est démontré que le fouriérisme est immoral, il faut les interdire (...) Ce ne sera pas de la persécution, ce sera de la légitime défense. »[44]
Proudhon prône, pour extirper la luxure, le plus implacable des eugénismes :
« Il faut exterminer toutes les mauvaises natures et renouveler le sexe, par l’élimination des sujets vicieux, comme les Anglais refont une race de bœufs, de moutons et de porcs. »[45]
Le socialisme, tel qu’il le conçoit, emploiera les grands moyens. Le tort du christianisme n’est pas, selon lui, d’avoir voulu condamner tout rapport sexuel hors légitime mariage, mais de n’avoir pas su le faire. La Révolution, elle, le fera.[46]
Nous voici prévenus : « Tout se prépare pour des mœurs sévères. » Dans la société future, « une guerre perpétuelle » sera faite « aux appétits érotiques » ; « une guerre de plus en plus heureuse ». On saura bien nous inculquer « le dégoût de la chair. »[47]
Ainsi, ô paradoxe, pour éteindre « le feu du sang »[48] qui le consume et que, désespérément, il refoule, Proudhon, anarchiste en matière d’organisation sociale, sombre dans le plus autoritaire des puritanismes.
Il fait ainsi la preuve par l’absurde qu’il faut pour délivrer les victimes de son espèce une révolution sexuelle.
Daniel Guérin
Adages réactionnaires
Voici quelques citations que l’on qualifiera de « sexistes » sans trop de contestations, bien que certaines puissent paraître surprenantes. A personnalités réactionnaires... adages réactionnaires.
* * *
Septimius Florens Tertullianus, TERTULLIEN (v.150-v.222) :
« La femme est la porte de l’enfer »
Aurelius Augustinus, SAINT-AUGUSTIN (354-430) :
« Homme, tu es le maître, la femme est ton esclave ; c’est Dieu qui l’a voulu. »
SAINT-THOMAS d’AQUIN (1228-1274) :
« En tant qu’individu, la femme est un être chétif et défectueux. »
Charles BAUDELAIRE (1821-1867) :
« J’ai toujours été étonné qu’on laisse les femmes entrer dans les églises. Quelle conversation peuvent-elles avoir avec Dieu ? »
Alexandre DUMAS, dit DUMAS FILS (1824-1895) :
« La femme est, selon la Bible, la dernière chose que Dieu a faite. Il a dû la faire le samedi soir. On sent la fatigue. »
Anatole François THIBAULT, dit ANATOLE FRANCE (l844-l895) :
« La tête chez les femmes n’est pas un organe essentiel. »
Paul VALÉRY (1871-1945) :
« Dieu créa l’homme et ne le trouvant pas assez seul, il lui donna une compagne pour lui faire mieux sentir sa solitude. »
Adolf HITLER (1889-1945) :
« L’intellect ne compte pas chez une femme. »
Charles André Joseph Marie de GAULLE, plus connu sous le doux sobriquet de GENERAL DE GAULLE (1890-1970) :
« Un Ministère de la condition féminine ? Et pourquoi pas un Sous-secrétariat d’Etat au tricot ? ! »
Jacques René CHIRAC, dit HIROCHIRAC (1932-...) :
« Pour moi, la femme idéale, c’est la femme corrézienne, celle de l’ancien temps, dure à la peine, qui sert les hommes à table, ne s’assied jamais avec eux et ne parle pas. »
Plus étonnant, Pierre-Joseph PROUDHON (1809-1865), celui que l’on considère parfois comme « le père de l’anarchisme » - vous avez dit « PERE » ? -, n’avait rien à envier à ses compères machistes... Egalement « douteux » sur d’autres points de vue, pas besoin de renier tout culte de la personnalité pour rayer un pareil réactionnaire de nos lectures favorites ! Nous ne voulons ni Dieu ni Maître, ni Patrie ni Patriarche, nous ne voulons pas de PROUDHON comme référence positive, jugez vous-mêmes :
« Les femmes, plus enclines au sentiment qu’à la raison, ont en général de la haine pour les penseurs (...). Elles aiment ce qui les fait jouir, non ce qui les fait réfléchir. Elles se laissent imposer la loi de chasteté, (...), mais ce n’est qu’une marque d’emprunt chez elle ; elles ne sont pas chastes du tout. C’est nous qui le sommes, et qui leur en rapportons tout l’honneur. » (Carnet n°3, 1846)
« La vraie dignité de la femme est dans le ménage : cela est prouvé économiquement (...) ; le travail de cuisine, lingerie, etc. est égal en honneur à celui de la littérature. » (Carnet n°4, 1846)
« Tout ce que les femmes ont produit en littérature pourrait être retranché, sans que la littérature perdît rien. » (Carnet n°4, 1847)
« La conversation et la société des femmes rapetissent l’esprit des hommes, les efféminent, les émoussent. La femme, hormis la société conjugale, est pour l’homme mauvaise compagnie, fatigante, énervante, démoralisante. - Entre mari et femme il convient que les rapports soient de chef à lieutenant, de curé à vicaire, de roi à ministre ; non d’associé à associé. - Il est absurde de dire que la société puisse être réformée par les femmes ; parce que la femme n’est elle-même que ce que l’homme la fait être. » (Carnet n°4, 1847)
« Cas où le mari peut tuer sa femme, selon la rigueur de la justice paternelle :
adultère,
impudicité,
trahison,
ivrognerie et débauche,
dilapidation et vol,
insoumission obstinée, impérieuse et méprisante.
(...) L’homme, époux, a le droit de justice sur sa femme ; la femme n’a pas le droit de justice sur le mari. Cette réciproque est incompatible avec la subordination matrimoniale. (...) C’est une honte pour notre société, une marque de déchéance, que la femme puisse demander le divorce pour incompatibilités d’humeur ou violences du mari ; tant qu’il n’y a pas de haine de celui-ci, immoralité, incapacité, de vices grands et sans motifs, la femme qui se plaint doit être présumée coupable et renvoyée à son ménage. (...) Si l’homme a reçu la supériorité d’intelligence sur la femme, c’est pour en user. Intelligence et caractère obligent. » (La Pornocratie ou les femmes dans les temps modernes, posthume, 1875)
« Notez que les femmes, à qui on a enlevé le blanchissage, la boulangerie, le soin du bétail, ont encore abandonné le tricotage et la couture. J’ai vu ma mère faire tout cela. Elle pétrissait, faisait la lessive, repassait, cuisinait, trayait la vache, allait au champ lui chercher de l’herbe ; tricotait pour cinq personnes et raccommodait son linge. » (La Pornocratie ou les femmes dans les temps modernes, posthume - 1875)
« Jeune homme, si tu as envie de te marier, sache d’abord que la première condition, pour un homme, est de dominer sa femme et d’être maître. » (Notes et Pensées)
« Une femme ne peut plus faire d’enfants quand son esprit, son imagination et son cœur se préoccupent des choses de la politique, de la société et de la littérature. » (Notes et Pensées)
« J’ai eu tort de dire trop de bien des femmes, j’ai été ridicule. » (Notes et Pensées)
Impressionnant, non ?...Méfions-nous des légendes.
L'Empereur Tom@to Ketchup
p. 320 ; t. II, p. 340.
[1] Toutes les citations de Proudhon qui suivent sont extraites de De la Justice dans la Révolution et dans l’Eglise, 1858, édition Rivière, t. IV.
[2] Enéide, IX, 188.
[3] Ibid.., V. 295.
[4] Ibid., V. 344.
[5] Jean, XIII, 23 ; XIX, 26, 27 ; XXI, 20.
[6] Introduction au volume des œuvres Complètes de P.J. Proudhon contenant Du Principe de l’Art, La Pornocratie ou les femmes dans les temps modernes, 1939, p. 304.
[7] Cité par Daniel Halévy, La Jeunesse de Proudhon, 1913, p. 36.
[8] Philosophie de la Misère, 1867, t. Il, p. 384 ; - Carnets, 1960-1961, t. I,
[9] De la Justice dans la Révolution et dans l’Eglise, édition Rivière, t. IV, p. 131-132.
[10] Ibid., p. 69.
[11] Daniel Ha1évy, La Jeunesse de Proudhon, 1913, p. 102.
[12] La Pornocratie ou les femmes dans les temps modernes, ouvrage posthume, 1875, p. 84.
[13] Lettre du 5 décembre 1831, Correspondance, 1875, t. I, p. XV.
[14] Halévy, op. cit., p. 122, 133.
[15] La Pornocratie..., p. 193.
[16] Lettre à Ackermann du 4 octobre 1844, Correspondance, t. Il, p. 158.159.
[17] La Pornocratie..., p. 264.
[18] Carnets, 1961, II, p. 12.
[19] Contradictions Politiques, 1864, ouvrage posthume, édition Rivière, p. 297. On peut comparer ce portrait à celui d’Hercule, athlète « aux cuisses longues et fortes » emprunté, avec complaisance, par Proudhon, à un manuel scolaire en latin (La Guerre et la Paix, 1861, édition Rivière, p. 15).
[20] La Pornocratie..., p. 33, 59-63. La Pornocratie..., p. 33, 59-63.
[21] Carnets, 1961, II, p. 11.
[22] La Pornocratie..., p. 30, 92, 198, 235, 265 - Contradictions Politiques, p. 298.
[23] La Pornocratie..., 33, 225, 170 - De la Justice..., t. IV, p. 304 ; - Carnets, 1961, II, p. 12.
[24] La Pornocratie..., p. 59 ; - Contradictions Politiques, p. 274.
[25] La Pornocratie..., p. 191, 194, 267.
[26] Ibid., p. 28 - Carnets, t. I, p. 227, 321, 342-343, 354 ; t. II, p. 202, 363.
[27] Juliette La Messine (la future Madame Adam, connue en littérature sous le nom de Juliette Lamber), Idées antiproudhoniennes, 1858 - Jenny d’Héricourt, La femme affranchie, 1860 ; - cf. Jules L. Puech, Introduction à La Pornocratie..., édition Rivière, 1939, p. 315.
[28] La Pornocratie...
[29] Philosophie de la Misère, t. II, p. 376 ; - cf. également Carnets 1960, t. I, p. 242 : « Tous sont contents pourvu qu’ils baisent (...) On fait l’amour en chien ».
[30] De la Justice..., t. IV, p. 71 ; - Philosophie de la Misère, t. Il, p. 384 ; - Lettre de Proudhon à Joseph Garnier, 23 février 1844 cit. par Sainte-Beuve, P. -J. Proudhon, 1872, p. 105.
[31] La Pornocratie..., p. 250 ; - De la Justice..., t. IV, p. 132.
[32] La Pornocratie..., p. 166 et 23, 31, 108, 113.
[33] Ibid., p. 229.
[34] De la Justice..., t. IV, p. 71.
[35] Avertissement aux Propriétaires, 1842, édition Rivière, 1939, p. 222
[36] La Pornocratie..., p. 164, 247, 261.
[37] De la Justice..., t. IV, p. 131.
[38] Ibid., p. 71.
[39] De la Justice..., t. IV, p. 54.
[40] De la Justice..., t. IV, p. 54-55.
[41] Philosophie de la Misère, édition 1867, t. II, p. 376, 385.
[42] De la Justice..., t. IV, p. 52, 298.
[43] Carnets, t. I, p. 232.
[44] La Justice poursuivie par l’Eglise, 1861, éd. Rivière, 1946, p. 237 ; - Carnets, I, p. 168, 275, 288-289 ; II, p. 113, 128.
[45] La Pornocratie..., cit., p. 252.
[46] De la Justice..., IV, p. 155.
[47] Carnets, I, p. 135, 190.
[48] Philosophie de la Misère, p. 379