Coordination des Groupes Anarchistes
Pour en finir avec la culture du viol
Nous définissons le viol comme une agression qui consiste à imposer à une personne un acte sexuel. On peut dès lors mesurer combien le viol est courant et socialement admis dans notre société. La question du consentement est centrale pour nous, elle doit être travaillée en interrogeant les pratiques courantes et en dépassant les idées reçues. De même, de nombreux stéréotypes sur la figure de l'agresseur, celle de l'agressée, les circonstances, etc., sont à battre en brèche. Prenons ensemble la mesure de ce phénomène pour mieux le combattre.
Il y a maintenant deux ans, la CGA a adopté sa propre définition du viol :
« Le viol est un acte de violence par lequel une personne non consentante est contrainte à des relations sexuelles. Un viol, c’est une relation sexuelle non consentie, avec ou sans pénétration, avec ton/tes compagnons et/ou ta/tes compagnes, avec une inconnue, avec ou sans violence physique. Le viol, ce n’est pas seulement l’image stéréotypée d’un gros méchant qui nous poursuit avec une arme dans une rue sombre, mais c’est aussi un moment où on n’entend pas notre NON, un moment où nos limites sont dépassées. Ces limites peuvent être verbales et nonverbales, elles peuvent se traduire par des attitudes physiques et corporelles, elles peuvent aussi varier d'une personne à l'autre. Ne pas dépasser les limites, c'est s'assurer clairement du consentement de la personne, c'est s'assurer clairement de son OUI CONSTANT et respecter son absence de oui. »
Dans le droit français, le viol est une agression sexuelle impliquant, selon l'article 222-23 du Code pénal, « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise ». Une agression sexuelle est définie comme un acte de pouvoir de nature criminelle. Les Nations Unies définissent quant à elles le viol comme toute forme de relation sexuelle non consentie.
Comment définir la culture du viol ?
L'expression « culture du viol » concerne la façon dont on se représente le viol dans une société donnée à une époque donnée. Ceci fait notamment référence à un grand nombre de mythes autour du viol plus ou moins partagés : les hommes auraient des besoins sexuels vitaux et non maîtrisables, les femmes ne devraient pas s'habiller de telle ou telle manière, ou investir la rue et d'autant plus tard le soir, avec l'idée que le viol ne serait commis que par des inconnus tard le soir dans de sombres ruelles, avec l'idée que l'alcool serait une circonstance atténuante, avec l'idée que le consentement serait définitif une fois donné, ou qu'il serait automatique dans un couple, avec l'idée que si la victime ne crie pas ou ne se débat pas c'est qu'elle consent...
Une récente enquête de 2016, demandée par l'association « Mémoire traumatique et victimologie »,[1] a mis en relief un certain nombre de points complétant les propos précédents, à la fois sur les conséquences de la culture du viol en France (1 femme sur 6 déclare avoir subi des viols ou des tentatives de viol au cours de sa vie mais seules 10 % des personnes agressées portent plainte, et seuls 1 % des viols sont condamnés), sur les stéréotypes sexistes qui perdurent, sur la forte adhésion à la culture du viol (1 français sur 5 considère que beaucoup de femmes qui disent « non » à une proposition de relation sexuelle veulent en fait dire « oui », 40 % des français estiment que si la victime a eu une attitude provocante, cela atténue la responsabilité du violeur, 1 français sur 5 juge que lors d'une relation sexuelle, une femme peut prendre du plaisir à être forcée), sur la mise en cause des personnes ayant subi un viol, sur la méconnaissance des statistiques concernant cet acte criminel, tout en reconnaissant en partie l'impact que peut avoir un viol sur les personnes l'ayant subi.
Ce constat étant posé, il s'agit de faire entendre le plus largement possible que nous vivons bien dans une société où le viol est minimisé, naturalisé, excusé, toléré. Afin de participer au combat et à l'anéantissement d'une société qui légitime et encourage cet état de fait, la CGA a décidé de se doter de principes et de moyens d'action afin d'agir ici et maintenant. Les motions rendues publiques par la CGA sont longuement débattues en interne avant d'être adoptées. Rien n'étant gravé dans le marbre, cette motion, comme les autres, pourra être complétée et modifiée dans le temps.
La CGA adopte les principes énumérés ci-dessous :
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Le respect de l'anonymat des personnes agressées vis-à-vis de l'extérieur de l'organisation, ainsi que la confidentialité des discussions internes.
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L'exclusion de notre organisation (groupe, locaux, réunions, activités, cortèges) des agresseurs ayant commis des viols, des violences conjugales, du harcèlement sexiste, ou des agressions sexuelles,[2] en lien avec la personne ayant été agressée.
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Cette exclusion signifie pour nous le refus de travailler avec les mêmes agresseurs dans d'autres contextes politiques (réunions inter-orgas, événements co-organisés...)
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La dénonciation publique des agresseurs (tout en respectant les demandes des personnes agressées et le cas échéant, leur anonymat). Il s'agit pour nous ici de faire une place privilégiée aux personnes agressées trop souvent contraintes à se couper de leur réseaux sociaux pour ne pas risquer de rencontrer leur agresseur. Cette pratique permet également de limiter l’accès des violeurs et des agresseurs à des espaces de socialisation qu’ils considèrent comme leur « terrain de chasse ». La dénonciation publique est également une alternative aux poursuites judiciaires si la personne agressée ne souhaite pas y avoir recours, et peut aussi être menée parallèlement à un dépôt de plainte.
La CGA prend acte des points suivants :
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Chaque situation bénéficiera d'un partage d'informations oral lors des conférences téléphonées ou des réunions de coordination, puis d'une discussion et d'un examen spécifique en réunion de coordination
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Chaque situation sera traitée de la manière la plus adaptée possible (renvoi aux RE de l'organisation, au secrétariat de l'organisation ou à un groupe mandaté...)
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Chaque dénonciation émanant de la CGA sera validée en réunion de coordination, écrite en lien avec l'agressée, et diffusée plus ou moins largement en fonction des demandes de l'agressée.
La CGA se donne les outils suivants :
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La formation en interne comme en externe via des textes, des débats, des campagnes d'affichage.
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Le soutien aux ateliers d'auto-défense féministes et aux espaces mis en place pour soutenir les personnes ayant subi un viol.
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La création d'une banque de ressources sur son site concernant ces questions.
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La communication publique sur les outils (principes et procédures) mis en place, notamment en direction des organisations avec lesquelles travaille la CGA.
Motion adoptée par la Coordination des Groupes Anarchistes,
Le 12 mars 2017
[1] Voir http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/campagne2016/2016-Resultats-Enquete-Ipsos-Les-Francais-et-les-representations-sur-le-viol.pdf et http://www.memoiretraumatique.org/assets/files/v1/campagne2016/2016-Rapport-enqu%C3%AAte-Ipsos.dfp (Consultés le 22 janvier 2017).
[2] Nous faisons le choix de parler ici d'agresseurs, et plus particulièrement des hommes hétérosexuels cis. Nous ne sommes pas dans la négation que des viols puissent exister dans les milieux LGBT. Ces derniers s'appuient néanmoins sur des ressorts qu'il convient de comprendre pour pouvoir adapter nos outils. Nous n'avons pas encore fait ce travail.