Un impatient
Nous ne voulons plus attendre
Des mots sur une volonté de tout détruire, pour ne rien reconstruire…
Quelques éléments pour une (auto) critique
La récupération nihiliste, Anonyme (Barcelone)
Communiqué d’actions anarchistes et réponse aux nihilistes , Anonyme (Barcelone- mars 2013)
Textes et communiqués autour de l’anarchisme de praxis. Écrits par Alfredo Cospito, des anonymes, la Conspiration des Cellules de Feu, la Fédération Anarchiste Informelle / Front Révolutionnaire International, Nicola Gai, et Theofilos Mavropoulos.
Introduction
À mes compagnon-ne-s…
Première tentative…
Voici ma première tentative de mettre des mots sur des envies et des actes, de participer à la diffusion d’idées-pratiques avec lesquelles je me sens proche et dont les écrits sont assez peu diffusés en français. J’ai donc fait le choix de partager avec toi lecteureuse des textes et communiqués qui mettent en lumière (en partie) les propositions et critiques apportées par les « anarchistes de praxis » [1]. Pour moi, ielles proposent une nouvelles synthèse entre théorie et pratique, entre les moyens et les fins, entre raison et passion, entre l’individu-e révolté-e et le monde qui l’entoure. C’est une façon d’envisager l’anarchisme comme une pratique, qui affirme ou réaffirme des positions claires dans la lutte contre l’existant en insistant sur la nécessité de mettre en accord ses désirs et ses actes dans une perspectives immédiate notamment au travers de l’action. En développant une forme de conflictualité ouverte et permanente avec toutes les formes de pouvoir qu’elles soient individuelles et/ou institutionnelles, évidentes ou insidieuses. Ces groupes et individu-e-s font le choix de la critique par l’attaque, en infligeant un maximum de dégâts. En réaction à l’anarchisme insurrectionaliste « classique » partisan de l’anonymat, ielles communiquent sur leurs actions en leur donnant un sens particulier, en ouvrant un dialogue sur la théorie-pratique dans les milieux anti-autoritaires. C’est une proposition pour enterrer le passé, abolir le futur et vivre au présent une révolte sans entrave.
Cette façon de vivre l’insoumission fait écho à mes envies, mon parcours, en mettant des mots sur des émotions, des sensations, des critiques et des idées que j’ai souvent eu du mal a définir. C’est de là que j’écris ce texte, en cherchant à franchir les obstacles qui se dressent contre ma volonté de vivre passionnément mon désir de subversion.
Tout commença pour moi dans les grandes mobilisations anticapitaliste, oui mais voilà la belle époque des blacks-blocks et des contre sommets a rapidement atteint ses limites. Cela se résume désormais le plus souvent à donner un rendez-vous aux keufs. Parallèlement, j’ai l’impression que se sont développés les camps d’actions (No border, Bure [2], Pont de Buis [3]), comme pour pallier l’épuisement de ces temps forts mais tout en restant dans la volonté de construire des mouvements de grande ampleur, en intégrant un maximum de personnes d’horizon divers et variés. Comme souvent cela se fait au détriment des individu-e-s les moins enclins à faire des compromis, pour qui la volonté d’en découdre est un désir insatiable. Par ailleurs, certain-es de mes compagnon-nes ont consacré une énergie importante à mener des interventions dans les mouvements sociaux (CPE, loi travail...) ou des luttes partielles (zad, no tav, anti- nuk’) dans l’espoir de provoquer un basculement de la lutte spécifique vers une lutte contre tous les pouvoirs et toutes les dominations. À mes yeux, ces différents moments de luttes se sont souvent traduit par des échecs, des tensions , des compromis et beaucoup de déceptions. J’ai pas envie de devenir une composante de la lutte dont la passion destructrice serait écrasée par les innombrables jeux d’alliances et de politiques. J’ai pas non plus envie de chercher à faire partie d’un tout (qui ne veut pas de moi soit dit en passant), à m’intégrer à la grande mascarade de l’anticapitalisme, en me résumant à une force d’opposition radicale qui chercherait à emmener les masses (ou n’importe quelle autre entités sociale) vers plus de radicalité quitte à éroder le contenu subversif de mes idées-pratiques. Même si, bien évidement, je pense que ces temps forts sont important pour ce qu’ils permettent en terme de rencontre, de partage et d’émeutes alléchantes. De plus, je prends un certains plaisir à intervenir dans les luttes sociales pour y approfondir les contradictions et y renforcer les conflictualités. Le problème vient plutôt du fait de ne plus concevoir mes possibilités de conflit qu’au travers des ces moments. Et dans bien des cas j’ai pris de gros risques pour un potentiel offensif pas toujours à la hauteur.
Je suis conscient que pour beaucoup d’entre « nous » [4], du moins en france, avons commencé à mettre en pratique nos idées au cours de mouvements de luttes (CPE, zad(s), loi travail...) et que c’est difficile de remettre en question les logiques qui nous ont contruit-e-s politiquement. Cependant, j’ai pas envie d’attendre le prochain événements massif pour mobiliser mon corps et mon esprit. J’ai parfois la sensation qu’on se retrouve à suivre les échéances des mouvements sociaux ou pire de s’emparer d’événement (meurtre policier, expulsion massive de personnes en exil...) pour en faire des objets de luttes ! ? Comme si j’avais besoins qu’un grand nombre de personnes fassent écho à mes envies de révolte pour qu’elles soient légitime ? Comme si on cherchait des leviers sur lesquels agir, des luttes dans lesquels se jeter a corps perdus à défaut de développer nos propre propositions d’organisation et d’attaque de manière autonome. A croire que sans ces espaces-temps d’explosion sociale « nous » n’existerions pas, qu’on ne saurait plus pourquoi on on se bat ! Serait-il impossible de donner nous même du sens à notre révolte, développer des projets et des pratiques qui soient autonome des contextes sociaux dans lesquels ils s’inscrivent ?
Mis a part quelques voyou-te-s qui n’auraient pas attendu l’explosion pour commencer à incendier, l’anarchisme me semble aujourd’hui encore trop influencé par des vestiges du « mythe révolutionnaire », que les insurrectionnalistes « classique » peinent à détruire. En effet, leurs attachements à vouloir s’adresser aux exploité-e-s, aux opprimé-e-s, aux galérien-ne-s, en présupposant que ces personnes se révolteraient plus que les autres étant donné leurs conditions d’existence et leur place dans les rapports de dominations me paraît être une vision trop simpliste de la réalité et ne pose pas la question du contenu de la révolte et de la volonté individuelle. Dans certains cas, la volonté de se faire entendre conduit à occulter une partie du discours contre la domination de peur que les personnes rencontrées ne se sentent visées par ces critiques ou tout simplement qu’elles s’en désintéressent ou encore parce que ça détournerait la discussion de l’objectif initial. En particulier en ce qui concerne le discours sur le sexisme et le patriarcat. Quelque part cela me fait penser à la stratégie du « étape par étape », qu’il faut y aller doucement, graduellement pour emmener les « exploité-e-s » vers l’insurrection généralisée. Bien évidemment dans la pratique ce n’est pas aussi manichéen, mais parfois la frontière entre la stratégie politique et la propagande anarchiste me paraît ambiguë. Par ailleurs, au nom de ces stratégies politiques certains groupes se soumettent aux injonctions des autoritaires ; comme ce fut le cas au carnaval en soutien a la zad à Rennes [5]. A vouloir toujours chercher une croissance quantitative de la révolte ; on en perd l’aspect qualitatif qui est a mon sens un des principaux apports des anarchistes. Alors pourquoi troquer une part de l’éthique anarchiste pour jouer sur le terrain de la politique ? Il paraît évident que l’état, ses institutions, les bourges et leurs petites mains ou bras armés mènent une guerre sans merci à toutes celleux qui par leur existence, leurs choix remettent en cause les normes, les lois et l’ordre économique et social. Cependant, j’ai envie d’acquérir une autonomie de penser et d’agir dégagée des freins liés à la volonté de se trouver des alliés à tous prix, parmi les « opprimé-e-s » notamment. Parmis ces « opprimé-e-s » certain-e-s défendent tout un tas de trucs contre lesquels je me bat (les religions, la famille, les hiérarchies, l’argent, la morale...) pas plus qu’ailleurs mais pas moins non plus ! Autrement dit, quand bien même on aurait un ennemi commun cela ne veut pas forcément dire pour autant que nous voulons la même chose et que nous voulons l’atteindre par les même moyens. Ce qui ne veut pas forcément dire que je ne peux pas faire preuve de solidarité sur certains points ou dans des contextes spécifiques avec des personnes qui luttent contre des oppressions qui les concernent.
Aussi, je trouve intéressant de visibiliser des actes de révoltes anonymes mais parfois ça me saoul de voir que certain-e-s essayent de faire croire que ces actes s’inscriraient forcément dans une volonté de subvertir l’existant dans son ensemble, dans une perspective insurrectionnelle, révolutionnaire ou je ne sais quel projection de l’esprit militant. On dirait que certain-e-s cherchent à valider leurs théories sur la diffusion du conflit social en essayant de faire coller leurs analyses à la réalité sociale ce qui s’apparente à effectuer une transposition d’une idéologie politique sur des actes de rébellion.
Depuis que j’ai commencé à manifester consciemment ma révolte individuelle j’ai souvent eu du mal avec les idéologies et pratiques évoquées précédemment, et c’est à la lecture de certains textes d’ anarchistes-nihilistes que j’ai pu mettre des mots sur une des façons d’envisager la lutte contre toutes les dominations. Ces textes m’ont inspiré parce qu’ils font des propositions réalisables en terme d’organisation et de pratiques en amenant une intensité nouvelle, tout en remettant en question cette rationalité qui a tant marqué les mouvements révolutionnaires, rationalité qui contient les passions et étouffe les désirs, qui soumet la révolte individuelle à la perspective révolutionnaire et/ou insurrectionnelle. En somme, je préfère la planification et l’attaque à la stratégie, la passion destructrice à la révolution créatrice, la révolte individuelle à l’inertie des groupes, la formation de groupes informel autonome au développement de luttes sociales...
Contrairement a leurs détracteur-e-s, je crois en la reproductibilité des méthodes proposées et pourquoi pas même les techniques les plus sophistiqués, en tout cas j’ai pas envie de me priver de tel ou tel moyen de lutte sous prétexte qu’il nécessite une connaissance particulière ou que les flics utilisent les même outils. On arrive à faire de la mécanique assez pointue, des gâteaux vegan sans gluten vraiment bon, de la permaculture sur des sols arides et pourquoi pas des bombes ! On utilise des ordinateurs, des voitures, des téléphones portables et pourquoi pas des armes !
Néanmoins, je ne crois pas que toutes les critiques dont font l’objet les anarchistes de praxis soient infondées notamment en ce qui concerne la spectacularité, l’arrogance et la prise en compte des privilèges et des rapports de dominations intériorisés.
Notamment, et on le retrouve assez souvent dans les groupes de guérilla urbaine à travers l’histoire, l’utilisation intensive voire abusive de la bombe et parfois je pense plus pour le symbole que pour l’utilité réelle. La critique du symbolisme est pour moi au cœur de la recherche de cohérence, elle fait la différence dans l’intention de l’auteur- e entre la tendance plus ou moins spectaculaire ou destructrice d’une action. Faire rupture avec ce monde et les moyens de contestations pacifiés ne peut exclure une critique de la société du spectacle, de l’image et de l’événementiel qui a marqué nos imaginaires.
Par ailleurs, il m’a été reproché et à d’autres compagnon-ne aussi, une posture de super guerrier-viril, seul-e- contre les hordes d’apathiques, qui considèrent tous-tes celleux qui ne sont pas aussi radicales ou qui ne le défendent pas avec autant de fierté ne sont que des réformistes ou de futur traître, bref « des gens qui ne font rien ». Qu’on forme des groupes soudés mais excluant, avec lesquels on se sent plus fort-e mais qui nous donne aussi les moyens d’écraser les autres. Que les exigences passent souvent avant la compréhension, l’empathie ou la bienveillance. Malheureusement je crois que cette critique peut être étendue à beaucoup d’acteur-e-s de cette communauté d’attaque qu’est l’internationale noire [6]. Le côté « les seul-e-s vrai anarchistes sont celleux qui n’ont rien à perdre et qui sont prêt-e-s a tout » me met moi-même mal à l’aise principalement parce que quand j’y pense j’en ai des choses à perdre, essentiellement des personnes, des affects et des relations. Cette posture semble être le talon d’Achille des anarchistes de praxis qui se veulent être intransigeant-e-s en ce qui concerne l’action mais qui ne semblent pas s’en prendre avec la même vigueur aux rapports de dominations et d’oppressions inter-individuels et structurels qui s’incarnent en nous et dans nos relations. Bien que ce soit présent dans certains écrits, la place qui est accordée à ces réflexions est parfois un peu faible. Soit dit en passant et parce que je trouve que le langage en dis long sur notre manière de penser, je suis souvent gêné que certains textes soient masculinisés ou lorsqu’il ne reflète qu’une binarité de genre « homme/femme » et négligent les autres identités défini ou non (cette critique est aussi valable pour l’ensemble des anarchistes) [7].
En ce qui concerne la question des responsabilités individuelles je n’arrive pas à me fixer ; mais le faudrait il d’ailleurs ? J’oscille entre la vision apportée par les individualistes que l’esclave qui ne se révolte pas ne vaut pas mieux que le maître et une approche matérialiste du poids des systèmes de dominations sur le conditionnement des individu-e-s. N’ayant réussi à résoudre cette équation j’adapte mon regard en fonction des contextes et des implications personnelles. En clair, j’ai pas envie de penser que si tu ne te révolte pas tu ne vaut pas mieux que tes oppresseurs en niant l’existence des oppressions structurelles et de trajectoires personnelles singulières. C’est sûr qu’en tant que mec-blanc-cis-middle class j’ai pas eu les même obstacles à franchir pour me construire une individualité révoltée. D’un autre côté je peux pas m’empêcher de penser que si la civilisation patriarcale et capitaliste existe encore c’est pas uniquement grâce à la minorité qui détient l’essentiel des pouvoirs et leurs outils coercitifs, mais c’est rendu possible par la docilité, la servitude et la collaboration parfois zélées du restes du monde, des opprimé-e-s y compris. Seul une minorité d’individu-e-s se rebellent et même si bien souvent les révoltes partent de l’existence, le passage à l’acte ne s’explique pas en termes objectif et matériel. C’est à mon avis, le fruit de parcours, de sensibilités, de rencontres, de rage et de volonté que personne ne peut prévoir.
Par contre, je n’ai pas envie de rentrer ici dans les débats autour de l’anonymat ou de la revendication et en ce qui concerne les signatures permanentes je n’en voit pas l’intérêt pour ma part mais je ne rejette pas d’emblée un groupe qui essaye de se construire une identité qui soit le reflet de son éthique. Simplement, je soutiens tout type d’attaques, par les moyens jugés nécessaire par les auteur-e-s, qui s’inscrivent dans une perspective de lutte contre toutes les formes de dominations, revendiqués ou non, signés ou pas car je sais que, malgré nos désaccord, nous partageons cette passion, ces instants de vie, quelques fragments de liberté.
A celleux pour qui les schémas du passé ne peuvent contenir leurs envies de tout détruire, à celleux qui ne veulent rien reconstruire, ces textes offrent des pistes de réflexions, dans l’ici et maintenant, dans la constitution de groupes informels d’action, dans le dialogue ouvert au travers des revendications. A toutes celleux qui pense que l’attaque est nécessaire.
A celleux qui conspirent, qui font le choix de l’attaque, revendiquée ou non.
A celleux qui m’aident à aiguiser mon couteau par leurs communiqués, a celleux qui traduisent et permettent le dialogue entre anarchistes.
Pour que la praxis ne reste pas que sous la cagoule et bouleverse nos vies, nos relations, nos intimités.
Un impatient
Les textes
« Ne dis pas que nous sommes peu ; dis seulement que nous sommes déterminés » — par la CCF (première génération) et Theofilos Mavropoulos.
Contribution des neuf membres emprisonnés de l’Organisation Révolutionnaire de la Conspiration des Cellules de Feu et du prisonnier anarchiste Theofilos Mavropoulos à une rencontre anarchiste internationale appelée sous une perspective insurrectionaliste (Zurich, 10–13 Novembre 2012)
« Ne dis pas que nous sommes peu ; dis seulement que nous sommes déterminés. »
La question n’est pas si nous sommes plus ou moins pauvres mais si nous vivons d’une façon qui ne nous contient pas. Nous ne voulons pas répéter des choses qui ont déjà été dites.
Nous avons banni de nos pensées l’idée du pouvoir centralisé et nous ne croyons pas aux légendes sur le fantôme du prolétariat. Nous ne faisons donc ni face à un État isolé, qui donnerait des ordres depuis les palais de son Pouvoir, ni face à une société qui attend d’être réveillée afin de se rebeller. Aujourd’hui la société est une usine sociale diffuse produisant des attitudes, valeurs, éthiques et habitudes.
Elle fonctionne comme une machine sociale de mort qui dévore temps, espace, émotions et consciences. Le centre de l’État et le coeur du système sont dispersés dans des millions de petites et grandes représentations du Pouvoir dans notre quotidien. Ils se trouvent dans la langue que nous parlons, les images des publicités, l’architecture des villes, la réalité virtuelle de la technologie, la civilisation anthropocentrique, les armes des flics, les symboles nationaux des fascistes, les verrous de la propriété privée, les modèles dont nous tombons amoureux, les murs des prisons.
Il n’y a pas d’innocents. Nous faisons tous partie de la machine sociale du Pouvoir. La question est si nous sommes de l’huile ou du sable dans ses rouages. C’est pour cela que nous rejetons l’idée de l’innocence apparente de la société. Le silence n’est jamais innocent. Nous haïssons tant la main qui tient le fouet que le dos qui le subit.
Aujourd’hui la machine sociale se transforme. La crise économique qui se répand dans les sociétés occidentales privilégiées crée le besoin d’une transformation de la gestion du Pouvoir. Un nouvel État militaro-policier, combiné à une dictature de la technologie, est maintenant en train de protéger le pouvoir. Nouveaux corps policiers de sécurité, camps de concentration pour immigrés, réapparition de l’armée dans la rue, évolution des systèmes de surveillance, banques de données ADN, expériences de contrôle génétique, posent toujours plus de mines dans les domaines de notre vie.
Au même moment la masse sociale passe de l’ère du consumérisme frénétique à une période où les promesses financières sont brisées et l’angoisse se prolonge.
De nos jours cette angoisse prend la rue, proteste, se manifeste, s’indigne, crie, conteste. C’est une foule hétérogène qui fait des revirements dans ses contradictions. Une mosaïque de personnes comprise de gueulards, démocrates, réformistes, gauchistes, sans-parti, citoyens indignés, élèves, étudiants, syndicalistes, hooligans, nationalistes, anarchistes et ainsi de suite.
Pour cette raison, ceux qui voient dans ces nouveaux mouvements contre la crise économique une perspective de libération et de prise de conscience anarchiste seront vite déçus.
Une large partie de ce “mouvement” est nostalgique de l’ère passée d’abondance consumériste et ne souhaite aucune rébellion contre l’autorité. Un bon nombre de personnes indignées ont dormi avec leurs poches pleines et maintenant se réveillent avec des illusions en ruine. C’est pourquoi elles sont descendues dans la rue revendiquant le retour de leurs fantaisies consuméristes. Quasiment personne ne critique son ancienne façon de vivre ni ne désire son déraillement libertaire.
Au contraire, ils veulent que l’ancien ordre des choses se maintienne. En particulier en Grèce, quelques personnes devant la peur de l’anxiété économique s’en remettent à la lâcheté du racisme et de la propagande fasciste.
D’un autre côté, les professionnels de la rhétorique “révolutionnaire”, les réformistes de la gauche et leurs syndicalistes épuisent la rage sociale diffuse dans des marches-litanies, faisant ainsi parader le cadavre du compromis.
Quant à une large partie des anarchistes sociaux en Grèce, ils fantasment sur de pittoresques scénarios qui parlent de l’éveil social et du moment magique quand les conditions objectives seront arrivées. Mais quiconque dort avec des espoirs se réveille avec des cauchemars.
Pour nous, qui nous nous identifions comme anarchistes des praxis, insurrectionalistes, nihilistes et anti-sociaux, la révolte est en-dehors et loin des revendications économiques et des conditions objectives. Nous abolissons l’économie en tant que relation sociale entre nous et définissons nos conditions subjectives comme un point de départ de révolte. Pour dire la vérité, nous ne sommes pas intéressés par les termes économiques et les théories et nous ne partageons pas non plus avec la société l’anxiété des chiffres, des statistiques et du déficit financier. Nous savons juste combien nous suffoquons dans le monde contemporain de la captivité, que ce monde soit vraiment malade de la crise économique ou non.
Malgré tout, nous nous réjouissons de la crise économique. Elle est à notre avantage, elle crée des fossés dans le territoire de la souveraineté et nous aide à promouvoir notre propre offensive. Nous abandonnons le langage de la domination, tout comme la rhétorique de l’antidote révolutionnaire à la crise économique. À travers nos attaques, nous voulons approfondir la crise économique et provoquer le chaos dans les métropoles occidentales.
Comme nous l’avons déjà mentionné, une communauté complexe et contradictoire, des antifascistes hooligans aux patriotes conservateurs, réside dans les mouvements des indignés et les luttes intermédiaires. Voilà notre chance d’associer l’anarchie aux éléments les plus indomptés qui s’impatientent au sein de la lenteur des luttes intermédiaires. Pour voir cela advenir, nous devons agir en maintenant nos caractéristiques politiques autonomes claires, et non pas en les camouflant pour gagner des sympathies sociales. Nous espérons causer la polarisation et non se perdre dans la médiocrité de la contestation sociale.
Ainsi, nous faisons notre proposition pour intervenir dans les luttes sociales intermédiaires. De petits groupes flexibles d’anarchistes des praxis peuvent pénétrer dans ces larges marches-funérailles et générer le conflit contre des cibles sélectionnées du Pouvoir, soit en les frappant avec la méthode du hit ’n’ run (frapper et partir) soit — si les circonstances sont favorables — en érigeant des barricades et en attaquant les forces de police. Ces moments de conflit peuvent être un premier lieu de rencontre avec les éléments les plus “extrêmes” et indomptés qui prennent part aux manifestations. La première expérience d’attaque, d’action directe et de solidarité s’acquière là. Malheureusement, jusqu’à présent cette expérience est habituellement abandonner au hasard de la prochaine rencontre à la prochaine marche de protestation. Mais nous sommes fatigués de courir après les faits. Nous ne voulons pas attendre le prochain rassemblement afin d’attaquer. Pour cette raison, nous proposons en même temps la création et le soutien de groupes informels d’action directe anarchiste ; ainsi le vécu du conflit contre l’existant n’est pas confiné aux moments d’une manifestation ou d’une lutte intermédiaire. Au contraire, il sera organisé, coordonné et diffusé dans toutes les facettes de nos vies, rendant les émeutes permanentes dans notre quotidien. Ce que nous voulons c’est de transformer nos vies quotidiennes en une lutte constante contre l’autorité et sa civilisation.
Pour voir advenir cela, nous supprimons le hasard et les automatismes. Nous n’attendons ni les dates anniversaires ou commémoratives, ni la lenteur de la masse dans de larges rassemblements et manifestations.
En revanche, les groupes informels anarchistes d’action se dispersent quotidiennement dans le tissu social, cherchant à causer des sabotages qui court- circuiteront la machine sociale. De petits groupes anarchistes de guérilla peuvent facilement se déplacer dans le bagne de la métropole illuminée et porter des coups aux colonies de l’empire. Dans la nouvelle guérilla urbaine anarchiste que nous promouvons, nous élargissons les choix des cibles que nous attaquons, tout comme l’autorité développe ses formes. À côté des cibles typiques, comme par exemple les commissariats, les bureaux de parti politique, nous détectons aussi de nouveaux ennemis tels les agences publicitaires, les entreprises de statistiques, les industries pharmaceutiques, les entreprises d’information technologique, les symboles du spectacle, les scientifiques faisant des expériences génétiques, les laboratoires ADN, les écoles de cadres, les universités de journalisme et de commerce, etc.
De plus, un groupe informel de guérillas urbaines anarchistes peut causer des court-circuits dans le trafic normal des différents produits au sein de la métropole. Du blocage des rues à fort trafic en mettant le feu à des pneus, à l’attaque et la destruction des moyens de transport de masse (bus publics, trams, trains). Ainsi, alors qu’en apparence nous n’attaquons pas des cibles de la “ploutocratie” (parce que les rues et les véhicules de transport publics sont typiquement utilisés par tout le monde), nous sabotons le pouvoir.
Parce qu’ainsi en dévitalisant des zones de la métropole nous libérons le temps. Celui de penser, de sentir, de se poser des questions.
Après tout, la rébellion anarchiste c’est de poser des questions ; l’autorité c’est considérer que tu as toutes les réponses.
Ici nous voulons souligner un point. Quand nous parlons et pensons en tant que partie de la rébellion continue, nous savons qu’il existe des milliers de manières d’agir en tant qu’anarchistes. Souvent nous écrivons que nous voulons que d’autres puissent s’approprier les mêmes moyens que nous utilisons.
À propos de cette phrase nous voulons néanmoins éviter toute confusion qui pourrait entourer notre pensée. Quelques compagnons avec le terme de “moyen approprié” établissent arbitrairement une quelconque échelle qui mesure notre violence, délimitant ainsi les moyens du conflit qui mesure notre violence, limitant les moyens mêmes du conflit et isolant les actes tels la pose d’un puissant engin explosif ou l’exécution politique d’un officier du pouvoir. Selon ce type de raisonnement, de telles actions et l’emploi de ses moyens respectifs (explosifs, bombes à retardement, armes) sont souvent considérés comme requérant une spécialisation. Nous au contraire, nous croyons qu’aujourd’hui en particulier, chaque individu souhaitant prendre sa vie en main peut découvrir les façons d’apprendre et d’utiliser n’importe quel moyen d’action directe anarchiste, d’un caillou à une Kalashnikov. Nous ne voulons pas mettre de limites à notre offensive. Pour ne pas rester dans l’écrit, nous proposons aux groupes informels d’action directe de contribuer à la transmissibilité de leurs expériences en publiant et disséminant via internet des manuels pour la fabrication d’engins incendiaires/explosifs, de détonateurs à retardement, de fonctionnement des armes, etc.
Cette proposition est par ailleurs écrite dans le détail dans un autre de nos textes publié dans la dernière édition des compagnons de ‘325’, dans le cadre du dialogue que nous voulons ouvrir entre les anarchistes des praxis et les cellules de la Fédération Anarchiste Informelle (FAI).
Pour cette raison nous pensons que ce qui est nécessaire c’est de s’approprier la volonté pour l’insurrection anarchiste, et que les moyens ne sont rien de plus que des objets que nos mains et nos désirs nous suffirons à découvrir. Nous évitons ainsi les distinctions entre violence de basse ou haute intensité et nous détruisons la reproduction du mythe de l’expertise. Un exemple caractéristique de l’action anarchiste polymorphe est l’expérience de la FAI/FRI revendiquant la responsabilité tant de la pose de banderoles de solidarité et du blocage des entrées de magasins commerciaux avec de la colle au Pérou et en Bolivie, que la jambisation d’un cadre supérieur d’une entreprise du nucléaire en Italie et l’exécution de trois flics municipaux à Mexico. Après tout, nous avons aussi commencé a peu près comme cela en tant que Conspiration des Cellules de Feu, et nous ne sommes jamais fixés à l’arrogance des moyens et de leur hiérarchie informelle.
Pour continuer notre raisonnement sur les façons d’attaquer l’existant, nous pensons qu’aucun attaque ne parle de lui-même. Aujourd’hui rien n’est évident. Même les attaques contre des banques, des centres de rétention, les batailles de rue avec les flics pendant une manifestation, peuvent être faussés et apparaître comme quelque chose d’autre que ce qu’ils sont. Ce n’est pas seulement le pouvoir qui à travers le spectacle et les journalistes déformera ces beaux moments de guerre. Il y a aussi nos mythes sur ce que nous considérons comme allant de soi : le mythe de la société enragée qui soi-disant sympathise et soutient nos pratiques, le mythe de la violence de masse, le mythe de la “légitimité”...
Mais nous ne voulons pas la “sympathie” d’une foule d’applaudissants, nous n’attendons pas les masses afin d’agir ni n’avons de requêtes pour avoir raison ou tort. Nous sommes ce que nous sommes, à la recherche de complices et compagnons. Rien de plus. Nous sommes des anarchistes qui dénient l’ordre et nous voulons auto- déterminer nos actes, parce qu’ils sont nos invitations à tout un chacun qui veut prendre sa vie en main. Parce que nos actes sont ce que nous sommes. Nous pensons donc que les groupes informels anarchistes d’action directe ne doivent pas laisser le silence handicaper leurs actions, les abandonnant à la dictature de ce qui est chaque fois évident, mais il est important d’en revendiquer la responsabilité à travers des communiqués.
Par ailleurs si nous abandonnons une action à la merci de l’anonymat, c’est comme si nous la privions de son âme, le sens qu’elle véhicule. La communication qui est tant érodée et qui a perdu sa substance sous l’influence de la civilisation moderne, prend de nouveau sens et se libère à travers le discours de compagnons qui mènent chaque attaque. Ainsi l’acte en lui-même cesse d’être une fin en soi, elle n’est plus un nouvel article dans un quotidien ou juste un coup contre l’ennemi, mais elle devient quelque chose de plus : une partie d’une histoire distincte, un héritage qui s’écrit là maintenant par des gens qui partagent un désir commun, celui d’un affrontement continu et de la destruction de l’existant. Un héritage durable dans le temps et ouvert à la critique et l’évolution. Par-delà le fait de commettre des hostilités, nous croyons que de cette manière-là nous pouvons achever une perspective insurrectionnelle continuelle qui embrasse une galaxie internationale de groupes informels d’action directe et pose les bases pour un dialogue qui, à son tour, est crucial pour le développement des relations et de la camaraderie.
Chaque proclamation, chaque revendication est une invitation ouverte, une petite contribution à une discussion plus large, une façon de poser des questions et non de donner des réponses, une façon de s’auto-déterminer contre toute vérité officielle, une méthode pour communiquer avec des compagnons qu’on n’a jamais vus en personne ni même connus ; c’est l’extériorisation de la guerre contre le pouvoir que nous avons en nous.
Par ailleurs, chaque communiqué est le résultat du désir d’un groupe de compagnons qui se sont assis pour discuter, planifier et s’organiser, qui ont attaqué leur cible, ont ensuite discuté ensemble à nouveau, partagé leurs expériences, passé en revue leur action et souvent fait leur auto-critique, et ont choisi de communiquer leur vécu et la conscience de leur offensive. Pour nous, chaque cellule ou groupe informel est une expérience vivante de relations humaines dans une perspective libératrice. Surtout les cellules qui ont une continuité dans le temps sont des laboratoires de subversion, explorant le centre des relations humaines. Il est certain que les relations entre compagnons dans les groupes informels sont tentées, évoluent, s’usent, sont re- créées, et chaque individu se découvre de plus en plus. Une cellule ou une fédération anarchiste informelle ne court pas derrière les faits ; au contraire, elle les provoque. La construction des groupes informels dépassent le hasard des conditions historiques et n’abandonne pas le désir pour l’attaque à une spontanéité circonstancielle. En revanche, elle déclare sa propre guerre à l’existant dans l’ici et le maintenant, sans aucun report.
Ces groupes et noyaux sont le moyen pour dire adieu à l’inertie des masses. Nous les baptisons avec les noms que nous choisissons. Le nom de chaque groupe dans lequel nous participons est notre âme. C’est notre façon de s’auto-déterminer en rejetant toutes les identités sociales. Nous ne sommes ni prolétaires, ni opprimés, ni travailleurs. Nous ne voulons pas être perdus dans l’anonymat de l’unité de masse qui supprime notre individualité. Nous sommes le nom que nous avons choisi pour nous- mêmes. C’est pour cela que nous disons que le nom d’un noyau ne fonctionne pas comme un slogan publicitaire. Au contraire, c’est l’invitation à tout un chacun afin qu’il s’organise et agisse, en créant son propre groupe, pour ainsi atteindre le point à partir duquel un retour à la normale est impossible... Pour l’insurrection anarchiste continue qui ne touche jamais à sa fin. Parce qu’il y aura toujours un nouveau lever de soleil plus beau que tous les précédents.
Salutations fraternelles,
Conspiration des Cellules de Feu de la première période et le compagnon anarchiste Theofilos Mavropoulos
Fédération Anarchiste Informelle / Front Révolutionnaire International (FAI/FRI)
« L’urgence de l’attaque » par Nicola Gai (emprisonné pour la jambisation d’un responsable du nucléaire italien — septembre 2013)
« Si leur loi limites notre liberté nos actions limiteront leurs vies. »
Le fait que nous vivons dans un monde de merde où l’État et le capital nous imposent, le plus souvent sans encombre, toutes sortes de monstruosités est désormais établi. Pourtant, il est certain que seule une infime minorité de la population cherche à s’opposer, de manière plus ou moins consciente, à la suppression de chaque espace d’autonomie et de liberté qui rend la vie digne d’être vécue. Partie de cette petite minorité, nous anarchistes, conscients de l’urgence de détruire ce qui nous opprime : pourquoi ne sommes-nous pas plus déterminés et incisifs ?
Un des freins les plus grands et les plus sérieux à notre action est sûrement la peur de mettre réellement notre vie en jeu. Ceci est un aspect central de la lutte révolutionnaire, trop souvent insuffisamment abordé, parce que qu’il nous contraint à nous retrouver face à nous-mêmes et à nos faiblesses. Nous exaltons les soi-disant « petites actions », facilement reproductibles, qui n’effraient sûrement pas les « gens » et même si nous sommes conscients de l’urgence et de la nécessité de l’attaque destructrice du système autoritaire-technologique, nous sommes peu enclins à nous mettre en jeu jusqu’au bout, à nous considérer en guerre et à agir en conséquence.
Il est certainement plus facile de se retrouver ensemble à des centaines ou milliers de personnes pour défendre un territoire menacé par une certaine éco- monstruosité, que seuls à en attendre le concepteur devant sa porte. Je ne parle pas de courage, chacun de nous ressent de la peur et met en œuvre ses stratégies pour la contrôler et la gérer ; même celui qui participe à une dite « lutte sociale » risque la prison ou d’être blessé (il y en a des centaines d’exemples), je pense que ce n’est pas là qu’est la distinction, mais dans quelque chose de plus compliqué, à savoir la décision d’entreprendre des pratiques de lutte qui ne prévoient aucune possibilité de médiation avec le pouvoir, qui expriment le refus total de l’existant.
Nous participons à des assemblées dans lesquelles nous avons l’illusion de contribuer à prendre des décisions, même si en général nous adhérons à ce qui est suggéré par les compagnons les plus charismatiques ; inévitablement le compromis se fait toujours vers le bas, d’ailleurs il faut toujours avancer tous ensemble (à chaque fois) et n’effrayer personne. Nous avons l’illusion de contribuer à un projet commun même si trop souvent il n’est pas le nôtre ; le fait de nous retrouver « au milieu des gens » nous donne l’illusion d’œuvrer concrètement à l’insurrection prochaine.
Nous pouvons partager nos responsabilités avec d’autres et espérer ne pas rester seuls si les choses tournent mal. Nous ne nous rendons pas compte de ce que représente la liberté individuelle que nous perdons, nous sommes même rassurés des limites imposées par l’assemblée, nous pouvons camoufler notre indécision derrière le risque que notre impatience ne nuise au projet commun.
Mais c’est seulement lorsque nous décidons de mettre totalement notre vie en jeu et que, individuellement ou avec nos semblables, nous frappons le pouvoir là où nous pouvons lui nuire, c’est seulement alors que nous avons le réel contrôle et que nous pouvons affirmer, avec joie et sérénité, que nous sommes en train de faire la révolution. Mettre en œuvre une perspective d’attaque directe nous libère des entraves des luttes défensives, nous permet des perspectives infinies d’action et de liberté.
Je ne suis pas en train de faire la simple exaltation esthétique de l’acte individuel, je suis conscient que l’insurrection est un fait collectif qui éclatera quand les opprimés en armes se soulèveront, mais le sujet est la méthode avec laquelle contribuer à la provoquer, notre vie est courte et l’œuvre de démolition trop grande et nécessaire pour qu’il soit possible d’attendre que tous soient prêts. Je suis même convaincu que c’est seulement en soufflant sur le feu et avec l’exemple de l’action que nous pourrons approcher un tel moment.
Un autre frein que je vois à la possibilité d’attaque des anarchistes est le mode sur lequel de nombreux compagnons s’approchent du social, des dites « luttes sociales ». A mon avis, on part souvent d’une considération erronée, en se sentant différent des gens, et cela conduit à voir le social comme quelque chose sur lequel travailler, duquel s’approcher avec précaution pour ne pas l’effrayer et l’amener tout doucement à des positions plus avancées jusqu’à ce que, une fois prêt, nous nous retrouvions ensemble sur les barricades de l’insurrection.
Moi, je suis convaincu que les anarchistes font partie du social et doivent se comporter d’égal à égal avec les « autres », en combattant toutes ces attitudes « paternalistes » qui débouchent inévitablement sur la politique. Les anarchistes doivent frapper et attaquer avec toutes leurs forces, et d’autres qui ressentent les mêmes tensions prendront exemple sur notre action, nous trouverons de nouveaux complices et quand finalement tous les autres exploités décideront aussi de se soulever, éclatera l’insurrection.
Nous devons nous-même dicter nos échéances et moments de lutte, plus nous serons incisifs et en mesure de frapper les points justes, plus nous aurons de possibilités que se diffusent les pratiques d’attaque directe. Cela ne veut pas dire que l’on ne doit pas participer aux luttes qui naissent spontanément, mais nous devons le faire avec nos méthodes : le sabotage et l’action directe.
Si dans une certaine ville les personnes descendent dans la rue pour s’opposer à une nuisance, il n’est pas nécessaire de connaître chacune de ces personnes, que nous préparions la polenta ensemble et que pas à pas nous cherchions à faire élever de quelques centimètres la barricade qu’ils ont construit. Cela ne rapprochera pas la perspective insurrectionnelle, au contraire cela nous affaiblira, nous devons frapper l’entreprise qui construit, qui projette, qui finance la nuisance : nous devons mettre en évidence que chacun peut prendre en main sa propre vie et détruire ce qui le détruit. Nous devons nous affronter avec la police, non seulement quand elle tente de disperser une manifestation, mais la provoquer et l’attaquer, montrer que c’est possible, que l’on peut/doit frapper en premier ceux qui nous oppriment. On pourrait affirmer que ma façon de voir les choses et de comprendre l’action peut couver les germes de l’autoritarisme et de l’avant-gardisme.
Au contraire, je pense qu’elle contient en elle-même l’antidote à ces deux maux qui affligent l’action révolutionnaire. Les désirs propres ne se déguisent pas, on dit clairement qui l’on est et ce que l’on veut, et surtout dans un rapport paritaire avec les autres, on démontre qu’en armant ses propres passions chacun peut s’opposer concrètement à cet état des choses. À mon avis, la politique se niche justement dans le fait de se limiter pour rester en rythme avec tous les autres, dans le fait de mettre de côté certains discours pour ne pas « effrayer » les gens que l’on ne pense pas prêts à les comprendre.
Il doit être clair que les anarchistes cherchent des complices avec qui s’insurger et non pas une opinion modérément favorable aux vagues discours sur la liberté et l’autogestion. Une autre critique qui est souvent adressée à ceux qui pratiquent l’attaque contre l’État et le capital de manière plus ou moins intelligente, plus ou moins voilée, est celle de se jeter dans un tourbillon d’action-répression avec les appareils du pouvoir sans faire de pas en avant sur la voie de l’insurrection.
Bien sûr, il est difficile de nier que plus nous représenterons un danger pour le pouvoir, plus celui-ci s’acharnera à nous réprimer, mais cela, malheureusement, est naturel et un tel enchaînement de cause à effet s’interrompra seulement quand la multiplication et la diffusion des attaques provoquera la rupture insurrectionnelle. Penser que la révolution sera seulement le fruit de la prise de conscience des exploités, après des décennies d’« entraînement » dans le gymnase des luttes intermédiaires, guidés par une minorité éclairée qui lui tiendra la main, faisant à peine un pas vers eux, procrastinant continuellement le moment de l’affrontement armé, est une pure illusion.
Cette tactique est doublement perdante car en renonçant à l’action directe nous renonçons à vivre pleinement notre vie, à faire ici et maintenant notre révolution. Elle est également perdante car elle laisse entendre que l’État donnera le temps aux opprimés de se rendre compte de leurs propres conditions, de se reconnaître, de s’organiser et ensuite, peut-être, de s’insurger, avant de les écraser.
Un petit exemple pourrait être la Libre République de la Maddalena : balayée avant que quiconque puisse avoir l’illusion de représenter un réel danger pour l’autorité étatique. De plus, l’État, peut-être encore plus puissant que la force militaire, dispose d’une arme ultra-efficace : la récupération. Un exemple, quand le problème du logement se fait pressant, les luttes et les occupations se multiplient et les déménagements ne résolvent pas le problème, car le pouvoir peut jouer la carte de la légalisation. Une fois avec un toit sur la tête que fera l’exploité avec qui nous avons lutté côte à côte ? Peut-être qu’il en demandera plus, qu’il continuera à se rebeller, mais il sera plus facilement satisfait et nous serons contraints de nous plonger à corps perdu dans la prochaine lutte en espérant que cette fois ça aille mieux...
C’est uniquement quand notre action ne prévoit pas de possibilité de médiation, quand notre lutte est tournée vers la destruction de ce qui nous opprime que l’État ne peut pas nous arnaquer avec la récupération : ou il a la force de nous écraser ou il doit succomber.
Si nous avons la capacité d’essayer de diffuser la pratique de l’attaque et de l’action directe, si nous savons jeter de l’huile sur le feu des tensions sociales, en les exacerbant et en cherchant à en empêcher la recomposition, peut-être réussirons-nous réellement à incendier la prairie. Avant de conclure je voudrais m’arrêter sur un autre élément qui semble parfois être un frein à notre action : l’analyse des effets et des transformations de la domination. Trop souvent il semble que celle-ci ne serve pas à nous donner plus de capacité à avoir une incidence sur la réalité, mais à alimenter les peurs et le sentiment d’impuissance face à l’étendue du défi et à la monstruosité des nuisances à affronter.Plus nous analysons les aspects totalitaires et délétères de la technologie, plus nous dénonçons les projets autoritaires du pouvoir et moins nous affûtons nos armes. Nous terrorisons qui voudrait agir avec des connaissances plus ou moins approfondies sur les dernières trouvailles du contrôle.
Je ne soutiens pas que les analyses et les approfondissements ne servent à rien, mais qu’ils ne doivent pas devenir des fins en soi, des exercices de capacités intellectuelles détachés de l’action directe. À quoi cela sert-il de publier d’interminables listes d’entreprises responsables de la destruction de la nature si personne ne les attaque ? Rien que l’étendue et l’importance des appareils étatiques et économiques nous font déjà souvent douter de la possibilité de les frapper efficacement. Des désastres environnementaux comme la marée noire du Golfe du Mexique ou Fukushima semblent dire qu’il n’est pas possible de faire quoi que ce soit pour arrêter la guerre de la société industrielle contre l’homme et la nature.
Cependant nous ne sommes pas sans défenses, un minimum d’instruments d’analyse, l’action directe et la détermination de peu peuvent démontrer que nous ne sommes pas tous résignés à accepter passivement et en même temps indiquer aux autres exploités qu’il est encore possible de s’opposer. Par exemple l’action des compagnons du Noyau Olga de la FAI/FRI nous montre comment il est possible de se solidariser avec ceux qui subissent la catastrophe nucléaire, même à l’autre bout du monde, et de frapper concrètement l’industrie de l’atome.
J’espère que mes réflexions pourront servir à ouvrir un débat entre les compagnons, voué à mettre en lumière et à secouer tout ce qui nous limite dans l’action anarchiste. Courage et force pour les compagnons qui pratiquent l’action anonyme, courage et force à ceux qui donnent un nom à leur rage, courage et force à ceux qui avec leurs actions donnent vie à la FAI/FRI : il y a un monde entier à démolir.
Nicola Gai
Pour lui écrire : Nicola Gai, Casa Circondariale di Ferrara, Via Arginone 327, ΙΤ-44122 Ferrara, Italie.
Interview d’Alfredo Cospito (emprisonné pour la jambisation d’un responsable du nucléaire italien) par la CCF (grèce/italie – octobre 2014)
Des prisons grecques au module AS2 de Ferrara. Quatre mots en “liberté”.
Interview de moi-même par la CCF.
Avant de répondre à vos questions, je voudrais souligner le fait que ce que je dirai est ma vérité seulement. L’un des nombreux points de vue, sensibilités et nuances individuelles à l’intérieur de cet entrecroisement de pensée et d’action qui prend forme sous le nom FAI-FRI. Fédération informelle qui, en refusant toute tentation hégémonique, représente un outil, une méthode d’une des composantes de l’anarchisme d’action. Anarchisme d’action qui, seulement à partir du moment où il se fait informel, sans se renfermer dans des structures organisées (spécifiques, formelles, de synthèse) et quand il n’est pas à la recherche de consensus (et donc refuse la politique), peut être reconnu dans un plus vaste univers chaotique du nom d’« internationale noire ». Pour mieux nous comprendre, la FAI-FRI est une méthodologie d’action que seule une partie des sœurs et des frères de l’internationale noire pratiquent, pas une organisation, et encore moins une simple signature collective. Seulement un outil qui tend vers l’efficacité, et qui a pour objectif de renforcer les noyaux et les individualités des compagnon-ne-s d’action à travers un pacte de soutien mutuel sur trois points : solidarité révolutionnaire, campagnes révolutionnaires, communication entre groupes et individus :
SOLIDARITÉ RÉVOLUTIONNAIRE : Chaque groupe d’action de la Fédération Anarchiste Informelle s’engage à donner sa propre solidarité révolutionnaire à d’éventuels compagnons arrêtés ou en fuite. La solidarité se concrétisera surtout à travers l’action armée, l’attaque contre les structures et les hommes responsables de la détention du compagnon. Qu’il ne subsiste pas l’éventualité du manque de solidarité parce qu’on verrait moins les principes sur lesquels le vivre et le sentir anarchiste se basent. Par soutien en cas de répression, nous ne parlons bien évidemment pas de celui qui a un caractère d’assistance technico-légal : la société bourgeoise offre suffisamment d’avocats, d’assistantes sociales ou de prêtres pour que les révolutionnaires puissent s’occuper d’autre chose.
CAMPAGNES RÉVOLUTIONNAIRES : Une fois lancée une campagne de lutte à travers des actions et les communiqués correspondants, chaque groupe ou individu sera suivi par les autres groupes et individus de la Fédération Anarchiste Informelle selon leurs propres temps et modalités. Chaque individu ou groupe peut lancer une campagne de lutte autour d’objectifs particuliers en « promouvant » simplement le projet par une ou plusieurs actions accompagnées de la signature du groupe d’action spécifique auquel vient ajouté la signature de la Fédération dans le sigle. Si une campagne n’est pas partagée, et si cela est jugé nécessaire, la critique se concrétisera à travers les actions et communiqués qui contribueront à corriger le tir ou à le mettre en discussion.
COMMUNICATION ENTRE LES GROUPES ET INDIVIDUS : Les groupes d’action de la Fédération Anarchiste Informelle n’ont pas à se connaître les uns les autres, il n’y en a aucun besoin lorsque cela mènerait plutôt à prêter le flanc à la répression, à créer des dynamique de leaderisme des individus et à la bureaucratisation. La communication entre les groupes et individus se fait essentiellement à travers les actions elles-même, et à travers les canaux d’informations de mouvement sans nécessité de connaissance réciproque. (extrait de la revendication de l’attentat du 21 décembre 2003 contre Romano Prodi, à l’époque président de la Commission Européenne, extrait de « Il dito e la luna », pages 15-16)
Ce pacte de soutien mutuel dépasse de fait l’assemblée, ses leaders, les spécialistes de la parole, de la politique et les mécanismes autoritaires qui s’amorcent aussi dans les milieux anarchistes lorsque l’assemblée devient un organe décisionnel. Ce que l’internationale noire devrait pouvoir faire dans les prochaines années serait de reconstituer ce « fil noir » qui s’était étiolé depuis longtemps. Un fil qui rattache l’anarchisme d’hier, qui pratiquait la « propagande par le fait », fille du Congrès International de Londres de 1881, à l’anarchie d’action d’aujourd’hui, informelle, auto-organisée, nihiliste, anti-civilisation, antisociale. Nicola et moi, les uniques membres du « noyau Olga », ne connaissons pas personnellement les autres frères et sœurs de la FAI. Les connaître voudrait dire les voir enfermés entre les quatre murs d’une cellule.
Nous nous sommes convaincus de l’utilité de la FAI-FRI grâce aux mots (revendications) et aux actions des frères et sœurs qui nous ont précédé. Leurs mots, toujours confirmés par l’action, nous ont offert l’indispensable constance sans laquelle n’importe quel projet se réduit, à l’ère du virtuel, en inutiles et stériles paroles lancées au vent. Nous avions besoin d’une boussole pour nous orienter, d’un outil pour reconnaître et démasquer ceux qui ont fait de l’anarchie un simple terrain de jeu pour beaux-parleurs, un filtre pour distinguer les mots creux de ceux porteurs de réalité. Nous avons trouvé dans cette « nouvelle anarchie », dans ses revendications et les campagnes révolutionnaires qui y étaient liées, une perspective d’attaque réelle, qui amplifie nos potentiels destructifs, sauvegarde notre autonomie d’individus rebelles et anarchistes et nous donne la possibilité de collaborer, de frapper ensemble, sans nous connaître directement. Aucun type de coordination ne peut être inclus dans notre façon de nous projeter. La « coordination » présupposerait nécessairement la connaissance réciproque, le fait de s’organiser entre les sœurs et les frères des différents noyaux. Une telle coordination tuerait l’autonomie de chaque groupe et individu. Le groupe le plus « efficient », le plus préparé, le plus courageux, le plus charismatique aurait inévitablement le dessus, reproduisant les mêmes mécanismes délétères que l’on retrouve en assemblée. A la longue, on verrait ressurgir des leaders, des idéologues, des chefs charismatiques, on irait vers l’organisation : l’idée même de la mort de la liberté. On pourrait répondre à cela que dans les groupes d’affinité, dans les noyaux de la FAI pourrait aussi renaître un leader charismatique, un « chef ». Dans notre cas, les dégâts seraient toutefois limités, parce qu’il n’y a pas de connaissance directe entre les noyaux. La gangrène ne pourrait pas s’étendre. Notre façon d’être anti-organisatrice nous préserve de ce risque. Voilà pourquoi il faut se fier aux « campagnes révolutionnaires », qui excluent la connaissance entre groupes et individus, tuant de fait tout balbutiement d’organisation. Il ne faut jamais confondre les campagnes et la coordination. C’est l’informalité, c’est l’essence, selon moi, de notre projectualité opérative. Qu’il soit bien clair que lorsque je parle de groupes d’affinité ou de noyau d’action, je peux me référer à un seul individu comme à un groupe plus nombreux. Pas la peine d’en faire une histoire de nombres. Il est clair qu’une action spécifique est planifiée par les différents membres du groupe, et on ne peut pas parler de coordination à ce moment-là, et cette planification ne doit jamais s’étendre aux autres groupes FAI-FRI. En-dehors du groupe en tant que tel, il faut se « limiter » à ne communiquer qu’à travers les campagnes révolutionnaires et les actions qui en découlent. Notre connaissance de la FAI-FRI doit toujours rester la plus partielle possible, limitée à nos propres affinités. De la FAI-FRI, on ne doit connaître que les morsures, les griffures, les blessures infligées au pouvoir. Il serait mortel de créer quelque chose de monolithique ou de structuré, et chacun de nous doit éviter les équivoques ou les phantasmes hégémoniques. L’organisation limiterait énormément nos perspectives, en inversant le processus qualitatif vers le quantitatif. A travers l’action de l’un, la volonté de l’autre se renforce, par l’inspiration qu’elle lui a donné. Les campagnes se diffusent en tâches de léopard. Mille têtes contre le pouvoir rendent furieux, car il est impossible des les trancher toutes. Ce sont justement ces actions, et les mots qui les accompagnent (les revendications), qui nous permettent à coup sûr d’exclure les purs théoriciens amants des beaux discours, et nous donnent la possibilité de nous rapporter uniquement à qui vit dans le monde réel, en se salissant les mains, en risquant sa propre peau. Ces mots-là sont les seuls qui comptent vraiment, les seuls qui nous permettent de grandir, d’évoluer. Les campagnes révolutionnaires sont l’outil le plus efficace pour entailler, pour frapper là où cela fait le plus mal. En nous donnant la possibilité de nous répandre dans le monde comme un virus porteur de révolte et d’anarchie.
CCF : Pour nous connaître, dis-nous quelque chose de ta situation actuelle.
Alfredo : Il y a peu à dire. Nous avons été arrêtés pour la jambisation d’Adinolfi, administrateur délégué d’Ansaldo Nucleare. Par inexpérience, nous avons fait des erreurs qui nous ont coûté cette arrestation : nous n’avons pas couvert la plaque de la moto que nous avons utilisé pour l’action, nous l’avons garée dans un endroit trop proche du lieu et, surtout, nous n’avons pas vu une caméra de surveillance qui était sur un bar, une erreur extrêmement grave, que nous payons aujourd’hui. Nous avons revendiqué notre action en tant que noyau « Olga FAI-FRI ». J’ai été condamné à 10 ans et 8 mois, Nicola à 9 ans et 4 mois. Dans les mois qui viennent, nous aurons un nouveau procès pour association subversive. Voilà plus ou moins notre actuelle situation juridique.
CCF : Les prisonniers anarchistes et la prison. Quelles sont vos conditions dans les sections spéciales, comment se comportent les matons et quels sont vos rapports avec les autres prisonniers ?
Alfredo : En Italie, l’État démocratique veut nous isoler en utilisant les circuit de la Haute Sécurité, qui comportent de nombreuses restrictions, en nous reléguant dans des sections complètement séparées du contexte général de la prison. Aucun contact n’est possible avec les autres prisonniers, nous n’avons pas la possibilité de sortir, seulement deux heures par jour dans une petite cour de ciment. La censure contre moi et Nicola a toujours été renouvelée, nous recevons donc difficilement, et en retard, notre courrier et les journaux. Les choses les plus intéressantes nous sont confisquées à l’entrée et à la sortie. En ce moment, nous sommes enfermés dans une section AS2, c’est-à-dire une section de haute sécurité spécifique aux prisonniers anarchistes. Les « rapports » entre nous et les matons est un rapport d’indifférence réciproque et d’hostilité naturelle. Que pourrais-je dire de plus ? De mon point de vue, les protestations « civiles » à l’intérieur et à l’extérieur des prisons sont inutiles, l’aspect « vivable » de l’intérieur est une simple question de rapport de force. De la prison, il faut en sortir, et c’est à qui s’y trouve de s’en donner les moyens...
CCF : Pour nous, l’anarchie n’est pas un parti, elle n’a pas de commissions centrales. C’est un courant d’actions, de concepts, de valeurs. Quelles sont les tensions actuelles du mouvement anarchiste en Italie, quelles sont ses caractéristiques, ses contradictions, ses activités ?
Alfredo : C’est une question importante, qui nécessite une réponse articulée. Je fréquente le mouvement anarchiste depuis la fin des années 1980. Ces vingt dernières années, beaucoup de liens se sont rompus entre les compagnon-ne-s, de nombreuses dynamiques plus ou moins négatives se sont mises en marche, donnant parfois de mauvais fruits et favorisant des comportements de leaders et de politiciens. Mais de nouvelles perspectives, une nouvelle génération hors des assemblées, hors des mécanismes de la politique, a aussi fait entendre sa voix. Pour répondre à votre question sur la situation du mouvement anarchiste italien aujourd’hui, il me faut faire un pas en arrière. On pense souvent que l’insurrectionnalisme est un tout, unique, fait de concepts et de théories arrêtées dans le temps, dans leur rigidité « idéologique ». Une idéologie qui aurait carrément (chose aberrante) un chef suprême et ses dogmes. Rien n’est immuable dans le temps. Les femmes et les hommes forgent leurs idées à travers leurs actions. Ce ne sont pas les trois ou quatre compagnon-ne-s plus connus qui, à travers leurs livres et leurs articles, indiquent la voie à suivre, et encore moins les longues assemblées qui n’aboutissent à rien, mais bien ces compagnon-ne-s inconnus qui de par leur pratique d’attaque nous poussent à aller de l’avant, nous portant vers la vie. C’est justement à travers cette pratique qu’à la fin des années 90, les groupes qui nous ont précédé – Coopérative Artisane Feu et Affinités (occasionnellement spectaculaire), Brigade 20 Juillet, Cellule contre le Capital, la prison, ses matons et ses cellules, Solidarité Internationale – ont mis en discussion deux dogmes consolidés du soit-disant « insurrectionnalisme » : le caractère anonyme des actions et la prédominance de l’assemblée transformée en organe décisionnel. Deux points arrêtés qui trainaient inévitablement vers une inertie létale. En donnant une continuité et une voix à leur propre pratique à travers les revendications, en sortant des marasmes assembléistes et en ne se posant plus les limites de la compréhensibilité vis-à-vis des « gens » et du reste du « mouvement », l’anarchie a recommencé à faire peur. A grand renfort de bombes et de revendications, ces groupes ont détruit le dogme de l’action anonyme, faisant brèche dans le silence qui nous avait englobés après la vague répressive du procès Marini, et ont mis de sérieux obstacles face à ces dynamiques qui nous entraînaient vers un citoyennisme qui risquait d’annuler toute instance violente. Après l’apparition de ces groupes, beaucoup d’anarchistes ont fait assumer une connotation négative au terme « insurrectionnaliste », surtout quand les journalistes ont commencé à l’utiliser comme un synonyme de « terrorisme ». A ce moment, beaucoup de monde a fait un pas en arrière en soutenant que certains attentats « spectaculaires » et leurs revendications éloignaient les gens. Pour comprendre les divisions à l’intérieur de l’anarchisme d’action, aujourd’hui en Italie, il faut revenir à l’aube de la lutte en Val Susa contre la Haute Vitesse. En 1998, après les morts tragiques de Baleno et de Sole, il y eut de nombreux appels à la légitimité démocratique, à une justice « juste », à faire un procès « équitable », et pas seulement de la part d’éminents représentants du « radicalisme » démocratique, mais aussi venant du mouvement anarchiste. Une grande partie des anarchistes s’est engagée dans une croisade innocentiste à la limite du dénigrement. Sole et Baleno ont été présentés comme deux victimes innocentes, deux pauvres naïfs qui se sont fait prendre dans une histoire plus grande qu’eux. Après l’arrivée d’une dizaine de colis piégés adressés à quelques-uns des responsables de leur mort (des actions jamais revendiquées), presque tout le mouvement anarchiste prit ses distances de telles pratiques, par peur de futures vagues répressives, en les considérant au mieux comme n’étant pas « dignes » des anarchistes, et dans le pire des cas, de véritables provocations policières. Il y eut très peu d’exceptions, qui se sont naturellement attirées les attentions de la magistrature dans les années qui ont suivi. Depuis lors, la grande majorité des soi-disant « insurrectionnalistes » a été secouée par l’irrépressible envie, quasi suicidaire, de consensus, entreprenant une course imparable vers la société civile. En suivant la chimère de la lutte sociale/populaire, où que celle-ci se présente, en rebondissant comme des toupies devenues folles entre les centres de rétention, la Val Susa, l’occupation de logements, les luttes des détenus, en atténuant toujours un peu plus leur propre projectualité pour sembler crédibles, fiables, réalistes, en s’approchant toujours plus dangereusement du citoyennisme. Une petite partie d’entre eux, des années plus tard, se rendirent compte de la sale tournure graduelle et politique que prenaient les luttes sociales, et se sont réfugiés dans la classique tour d’ivoire en crachant sur tout et sur tout le monde, immergés jusqu’au cou dans un désespérant néant pratique. D’autres, pour leur part, expérimentèrent sans limite toute leur potentialité vitale, en se foutant des grandes théories et des plus grands systèmes. Les plus « lucides » des aspirants au social cherchèrent, au moins au début, à reproduire en Val Susa l’expérience des années 80 contre l’installation des missiles à Comiso. Expérience qui est encore aujourd’hui claironné comme exemple concret de méthodologie d’intervention insurrectionnaliste sur le territoire. A Comiso, la projectualité avait réellement eu, bien que critiquable en ce qui concerne son contenu politique-pratique, une perspective insurrectionnelle. La lutte intermédiaire, chasser les américains et leurs missiles, devait être l’étincelle d’une insurrection généralisée au cœur de la Sicile, comme dans la classique tradition de la Banda del Matese. Des ligues populaires factices composées seulement de compagnon-ne-s, des discours populistes adressés aux gens pour la terroriser et la pousser à la révolte, d’absurdes réunions avec la population sur de possibles viols de la part de soldats américains ont cherché à faire levier sur le machisme italien, transformant cette intervention en un phénomène tout à fait politique, très critiquable de mon point de vue mais toujours, il faut l’admettre, dans une optique insurrectionnelle. En Val Susa, les choses ont pris une autre tournure. Depuis le début, l’objectif insurrectionnel a rapidement été substitué par la simple lutte contre le TAV. La lutte intermédiaire a pris le dessus, on est passé du qualitatif au quantitatif, à compter les manifestants dans les blocages de routes, à lutter côte à côte avec les chasseurs alpins, les vigiles, les maires, les partis, perdant de vue l’objectif final : la destruction de l’existant. Pour la énième fois, le « réalisme » a annulé le potentiel vital de l’anarchisme. Personnellement, je ne critique pas a priori et de façon « idéologique » les luttes dites intermédiaires. Ce que je critique, ce sont les méthodes d’interventions, le fait de se poser en tant que référent et en posant des limites à notre propre action. On court inévitablement le risque de se constituer comme avant-garde. Tu ne fais alors plus ce que tu estimes juste, mais ce que tu penses pouvoir attirer les gens de ton côté, tu fais de la politique. A partir du moment où tu t’imposes à toi-même des limites par peur de ne pas être compris, tu es déjà de fait un sujet politique, et tu deviens alors une partie du problème, l’un des nombreux cancers qui infectent notre existence. Il ne faut jamais modérer nos propos ou nos actions pour pouvoir être digérés par le peuple, par les gens, ou on court le risque d’être transformés par l’objectif « intermédiaire » que l’on veut atteindre. En relisant aujourd’hui les vieilles revendications des groupes qui ont donné naissance à la FAI au début des années 2000, je me suis rendu compte qu’ils sont souvent intervenus dans les luttes intermédiaires avec leurs actions, en cherchant à atteindre des objectifs partiels : abolition des FIES, des centres de rétention, etc. Mais jamais en cherchant un consensus généralisé ou une croissance quantitative. Simplement en misant sur une croissance qualitative de l’action, de plus gros dégâts, une plus grande reproductibilité. La qualité de la vie d’un anarchiste est directement proportionnelle au dommage réel que celui-ci inflige au système mortifère qui l’opprime. Moins il accepte de compromis, plus forts et cristallins deviennent ses sentiments, ses passions, plus lucide devient sa haine, toujours aiguisée comme un rasoir. Malheureusement, la grande majorité des anarchistes agit sur la base du code pénal, et de nombreuses actions ne sont jamais menées à bien simplement parce que l’on a peur des conséquences. Nous devrons prendre acte du fait que la pire destinée qu’un anarchiste puisse connaître n’est pas la mort ou la prison, mais le fait de céder à la peur, à la résignation. Les actions et les écrits de l’internationale noire rendent évident à quiconque le refus total de cette résignation, la grande vitalité, l’énergie d’un mouvement qui fait de la qualité de la vie, du sens de la communauté et de la solidarité, de la lutte permanente, le centre de l’existence. La mort et la prison ont déjà fait leur apparition dans ce parcours, mais elles ne nous ont pas vaincus. Notre force est la pleine conscience de ce que nous sommes, la pleine conscience qu’une fois vaincue la peur, une vie pleine et digne d’être vécue nous apparaît, qui durera le temps qu’elle durera. C’est l’intensité qui compte. Pour revenir à votre question initiale sur les tensions, les caractéristiques et les contradictions du mouvement anarchiste aujourd’hui en Italie, je dois dire que le débat sur l’utilisation ou non de sigles et de revendications est encore très fort. Là encore, je n’en ferais pas un discours « idéologique », je n’ai rien contre les actions non revendiquées. Mais de mon point de vue, celles-ci tendent à être oubliées, n’ouvrent pas de discussions et ont un potentiel de reproduction moindre. Voilà pourquoi j’ai fait mienne la méthodologie de la FAI- FRI. Les « insurrectionnalistes » d’ici font au contraire un discours « idéologique » : qui revendique à travers un sigle est un ennemi à dénigrer. Ceux qui les connaissent savent très bien le pourquoi d’une telle intransigeance, le fait de communiquer à travers les revendications met en péril leur « pouvoir », leur hégémonie théorique. Les actions revendiquées mettent à nu leur néant pratique. Derrière eux, l’échec d’une projectualité insurrectionnaliste classique qui ne parvient pas à s’adapter à la réalité, et devant eux des discours doctrinaires, ou à peine mieux. Et c’est comme réaction à une réalité qui les écrase que pénètre la panique, la rage et la haine envers tout ce qui pourrait bouger en-dehors de leurs schémas rigides et désastreux. La composante majoritaire de l’anarchisme d’action, ici en Italie, est composée de ces insurrectionnalistes qui ont embrassé la tendance sociale avec un indubitable enthousiasme et sacrifice. Parfois, ils se « salissent » les mains dans l’action, mais toujours avec un œil tourné vers la société civile, en mesurant toujours bien leurs pas, avec une attention toute politique. Partis d’une projectualité insurrectionnaliste « classique », ils en sont aujourd’hui arrivés au « citoyennisme » révolutionnaire, miracle du réalisme politique. Dans quelques années, il deviendra difficile de les distinguer des militants de la Fédération Anarchiste Italienne, de qui ils sont toujours plus souvent accompagnés dans les manifestations, les défilés et les rassemblements. Toujours à célébrer d’improbables libres Républiques, ils font deux pas en avant, deux en arrière, en restant donc de fait au même point, mais toujours en bonne et sympathique compagnie. Le troisième inconfortable, la dite « variable devenue folle » de l’anarchisme d’action en Italie, la FAI informelle et encore plus tous les groupes qui l’ont générée : Cellules Métropolitaines, Révolte Anonyme Terrible, Noyau Révolutionnaire Fantazzini, Cellules contre le capital, la prison, ses matons et ses cellules, Solidarité Internationale, Sœurs en Armes, Noyau Mauricio Morales, Brigade 20 juillet, Cellules Armées pour la Solidarité Internationale, Révolte Animale, Cellule Révolutionnaire Lambros Foundas, Cellule Damiano Bolano, Individualités Subversives Anticivilisation, Conspiration Feu Noir et Nicola et moi du noyau Olga. Un peu plus d’une centaine d’actions sur l’espace de 20 ans. Ces années-là, j’ai assisté en tant que spectateur à la panique des anarchistes de tous les « courants ». Ceux qui étaient terrorisés par la répression et par la ressemblance avec l’acronyme de leur fédération. Ceux qui comme moi ne comprenaient pas ce qu’il se passait, ce qui était en train de bouillonner dans la casserole. Les accusations les plus infamantes ont fleuri en réaction : services secrets, autoritarisme. Les plus rusés ont ignoré le phénomène en espérant un rapide essoufflement, mais quand le virus FAI-FRI s’est répandu dans la moitié du monde, grâce à vous des CCF, les fleuves de paroles ont de nouveau fleuri et continuent à fleurir de la part « d’anonymes » censeurs de l’orthodoxie : « Archipel », « Lettre à la galaxie anarchiste », des fleuves de paroles jamais suivis de faits, du moins ici en Italie.
CCF : Dans tes écrits, lorsque tu parles de pouvoir, te réfères-tu exclusivement au pouvoir de l’État ou aussi au pouvoir diffus dans la société et dans ses structures ?
Alfredo : Quand je parle de pouvoir, je me réfère à tous ses aspects, les plus évidents comme les plus subtils, les plus cachés. Le pouvoir s’infiltre partout dans les rapports entre compagnon-ne-s, dans nos amours, dans nos rapports affectifs et amicaux. Je pense donc qu’il est primordial de rechercher une nouvelle façon de nous projeter, de vivre nos passions, d’interagir entre nous, pour augmenter la qualité de notre action, de notre vie, de notre être en premier lieu rebelles. Je continue de penser que la société n’existe que sous le signe de dominants et de dominés. Ou plutôt, entre dominants et ceux qui se laissent dominer. Il y a sûrement des responsabilités diffuses, et chacun de ces deux sujets sociaux contribue à la limitation de ma liberté, de mon bonheur. Le citoyen démocratique, en bon esclave, craint et respecte le pouvoir, mendie son attention, consolide les chaînes qui nous entravent les poignets. Et cela n’ôte rien au fait que les responsabilités ne sont pas les mêmes, il y a des gradations. Entre un homme et une femme de pouvoir, un riche, un manager, un industriel, un politicien, un scientifique, un technocrate et un « simple » citoyen, employé, ouvrier qui avalise sa vie par sa tranquillité, par son accord, qui avalise le statu quo de par son vote, je frapperai sans hésiter les premiers. Ce qui n’enlève rien au mépris que j’éprouve envers la « servitude volontaire » des résignés, et si le « bon » citoyen s’interposait entre moi et la liberté, je n’hésiterais pas à agir en conséquence. De par le peu d’expérience que j’ai, je peux dire que les gens, le peuple, les exclus, les opprimés, sont bien mieux que ce que nos yeux « idéologiques » nous font voir. Je ne lutte pas pour les résignés, mais pour ma propre liberté, pour mon propre bonheur. Unique référent possible de ma « communauté ». Mon concept de « communauté » est antithétique par rapport au concept intégralisant, autoritaire, abstrait de « société ». Mon être participe d’une « communauté » nihiliste, anarchiste, anti-civilisation, qui est totalement autre, en lutte permanente avec l’existant et qui me contraint à déclarer chaque jour la guerre à la « société ». Je ne veux atteindre aucun consensus, mais renforcer les liens de solidarité réelle avec mes frères et mes sœurs à travers l’action violente. L’internationale noire est ma « communauté » répandue de par le monde, des compagnons de route qui partagent mes besoins d’attaquer sans tergiversations, sans se connaître, nous qui dans les différences sommes une seule chose, un poing fermé, un coup dans l’estomac de la « société » : « combiner la froideur de la stratégie au feu de l’action ici et maintenant, l’intensité avec la durée, avec les fins directs de détruire l’appareil social pour la libération de nos vies » (CCF – Devenons dangereux). Dans la lutte, de nouvelles idées ont éclos, comme des graines dans le vent, transportées loin à travers le feu de l’action, les intuitions, et des stratégies impensables jusqu’alors sont nées. Dans une modernité dont les termes comme société et pouvoir relèvent leur statut de synonymes, je ressens le besoin de nouvelles significations, de nouveaux mots pour véhiculer ma « nouvelle anarchie » continue. Utiliser de nouveaux mots, parce que les vieux sont trop étroits. De nouvelles significations pour une projectualité complètement différente. Les mêmes mots, à des latitudes différents, peuvent représenter des concepts très différents. La soi-disant « organisation informelle », du moins comme elle a été théorisée en Italie entre la fin des années ’70 et le début des années ’80, est une chose bien différente de l’informalité de la FAI-FRI. Selon les insurrectionnalistes italiens, l’organisation informelle devait principalement se fonder sur l’outil de l’assemblée et sur la création de comités de base et de ligues autogérées. Où les anarchistes, en tant que véritable minorité agissante, après avoir contribué à leur création à travers des réseaux, des contacts, des affinités, auraient du chercher à orienter le « mouvement réel » vers des débouchés insurrectionnels. Le champ de bataille de cette stratégie insurrectionnaliste : la « lutte intermédiaire ». Les exemples « concrets » qui sont donnés sont toujours les mêmes : Comiso, que nous avons déjà cité, et la grève sauvage des cheminots de Turin en 1978 (??). C’est avec un certain embarras, je me souviens, que j’assistai à l’explication d’un compagnon, face aux juges du procès Marini, de la différence entre la méthodologie insurrectionnaliste et la conception de groupe armé d’Azione Rivoluzionaria (Action Révolutionnaire, organisation armée communiste-anarchiste des années ’70), tout ça pour prendre ses distances de l’idéologie de la lutte armée [lottarmatismo], subtilités d’une sorte d’insurrectionnalisme « noble » duquel je ne me sens en rien le fils. Aujourd’hui, certaines stratégies font leur réapparition chez les anarchistes en Italie dans les procès No TAV, avec en plus le dangereux corollaire de sympathies de la part de magistrats démocrates et d’intellectuels de gauche. Société civile accueillie à bras ouverts, pour contraster avec la peur qui suit la répression. Rien de plus éloigné de la conception antisociale, anti-organisation, nihiliste, exquisément anarchiste, de la FAI-FRI. Voilà pourquoi je ne fais pas référence à l’organisation informelle lorsque je parle de la FAI, mais à une différente méthodologie d’action. Certains mots sont dépassés, des mots comme « organisation », par exemple, je préfère ne pas les utiliser parce qu’ils ne nous représentent pas, ils sont autre chose que nous. Comme sont d’ailleurs les mots pouvoir et société, avec tout leur corollaire d’abominations et de monstruosités.
CCF : Une grande partie du mouvement anarchiste, tant dans la pratique que dans la théorie, s’opposent à l’État et aux institutions, mais n’en font pas autant contre la civilisation et la technologie. Au contraire, très nombreux sont ceux qui s’imaginent des usines auto-organisées et un « gouvernement anarchiste » de notre vie. Quelle est ton opinion sur la technologie et sur la civilisation ?
Alfredo : La vision de l’anarchisme scientifique et positiviste du XIXème siècle est celle qui prévaut encore aujourd’hui. Il y encore des gens qui, en 2014, se posent l’absurde « problème » de savoir quoi faire le jour après la révolution. Comment gérer la production, comment affronter les inévitables disettes, comment autogérer les usines, comment réguler les futurs rapports sociaux. Si je mets au centre de mon action mon opposition à la civilisation et à la technologie, le concept de révolution tel qu’il était entendu il y a un siècle est de fait mis de côté. Mettre en discussion l’ensemble de la civilisation présuppose une destruction totale, apocalyptique, utopique, irréalisable. La révolution, avec son « simple » et réalisable retournement des rapports sociaux, est bien peu de chose, ce n’est qu’un inutile palliatif parce que créateur de nouvelle civilisation. En déclarant la guerre à la civilisation, nous éteignons le besoin d’en vivre en-dehors (chose impossible, car elle ne nous abandonne jamais, nous la portons toujours en nous), mais vivons contre elle. En créant des communautés en guerre permanente avec la société, nous construisons des moments de bonheurs, nous vivons repus de l’intense joie de nos vies. La révolution est un outil insuffisant, avec son « réalisme » politique et concret, même dans sa variante libertaire, avec ses communes autogérées, avec son administration-gouvernement du monde, avec son inévitable création de statu quo : elle brise des ailes, enfreint des espoirs, crée de nouvelles chaînes. La révolte, avec sa charge infinie de rupture, avec son manque de perspective, avec sa négation absolue de la politique, réalise des espoirs et brise des chaînes. La femme et l’homme en révolte détruisent des chaînes sans vouloir en construire d’autre, et cela suffit à remplir n’importe quelle existence d’aventure et de bonheur.
CCF : Que penses-tu du réseau international de l’ALF et ELF ? Y a-t-il des perspectives de connexion avec la FAI ?
Alfredo : Pour les compagnons qui comme moi se sont formés dans les luttes des années 90 en Italie, la contribution que les groupes d’action de l’ALF, puis de l’ELF, et de leur réseau international ont donné à l’imaginaire révolutionnaire, anarchiste et au mode d’organisation en groupes d’affinité à été très importante. Leur perspective écologiste, animaliste a changé la vision de nombreux anarchistes. En Italie, leur propension au groupe d’affinité à été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme par les insurrectionnalistes, en tant qu’exemple concret d’organisation informelle. Les premières actions de l’ALF en Italie étaient étroitement liées à une vision anarchiste. Avec le temps, la perspective anarchiste est allée en s’effilochant. La seule objection que je me sens de pouvoir apporter aujourd’hui sur leur façon de faire est sur la contrariété qu’ils ont à attaquer les personnes. Même si je sais qu’il y a eu d’énormes débats, sincèrement, je n’arrive pas à comprendre cette position. Je comprends et parage plus la violence exercée par les ITS [Individualides Tendiendo a lo Salvaje, devenues Reacción Salvaje il y a quelques mois, NdT] mexicaines, leur conception anti-civilisatrice sauvage, anti-idéologique. En ce qui concerne les « connexions » entre la FAI-FRI, l’ELF et l’ALF, il n’y a pas de doute, c’est un fait dont il faut simplement prendre acte, il suffit de lire les revendications de l’ELF-FAI-FRI russe et de l’ALF-FAI mexicaine. Au risque de me répéter, je ne peux que rebattre le fait que la FAI-FRI est une méthodologie, une méthode, signer comme ça signifie inviter d’autres groupes FAI-FRI dispersés dans le monde à adhérer à une campagne de lutte, d’augmenter ses forces, de faire rebondir nos actions d’un bout à l’autre du monde. Rendre plus efficace et destructrice notre propre action. Rien de plus, rien de moins. Les sœurs et les frères de l’ALF et de l’ELF qui ont signé FAI-FRI ont adhéré à cette méthodologie, sans renoncer en aucun cas à leur histoire. Nous ne jouons pas à Risiko, la FAI-FRI n’est pas une organisation qui englobe des sigles dispersés dans le monde. On prend part à la FAI-FRI seulement au moment où l’on agit et que l’on frappe en revendiquant FAI, puis chacun retourne à ses propres projets, à ses propres perspectives individuelles, à l’intérieur d’une internationale noire qui comprend une multitude de pratiques agressives et violentes. Je me suis ensuite convaincu (et peut- être que je me trompe) que les frères et les sœurs de l’ALF et de l’ELF qui ont signé FAI l’ont fait pour souligner leur être anarchiste, leur adhésion à la projectualité anarchiste, à ce que j’appelle « nouvelle anarchie », pour prendre leurs distances de cet écologisme qui base tout sur l’empathie et sur la pitié.
CCF : A présent, la FAI est un réseau international d’anarchiste d’action, avec des dizaines de cellules dans de nombreux pays du monde entier. Le début de cette aventure a été l’Italie, en 2003, avec une lettre ouverte de la FAI adressée au mouvement antiautoritaire. Si tu le veux bien, dis-nous brièvement comment tu vois l’évolution de la FAI et quels sont aujourd’hui ses points de référence.
Alfredo : Quand, en 2003, j’ai lu la « Lettre ouverte au mouvement anarchiste et antiautoritaire », signée par la Coopérative Artisane Feu et Affinités (occasionnellement spectaculaire), Brigade 20 Juillet, Cellules contre le capital, la prison, ses matons et ses cellules, Solidarité Internationale, j’ai été très frappé. Beaucoup n’ont lu cette lettre que comme une amusante provocation adressée au vieil anarchisme dogmatique de la Fédération Anarchiste Italienne. Encore aujourd’hui, de très dignes compagnons, tels Gustavo Rodriguez, soutiennent cette thèse dans leurs écrits, mal informés par des anarchistes italiens qui ne savent rien et qui ont beaucoup fait depuis le début pour mettre des bâtons dans les roues à cette nouvelle tendance de l’anarchie. J’ouvre une brève parenthèse, les écrits de Roriguez sur l’internationale noire sont à mon avis remarquables, quelques points qu’il fait ressortir nous ouvrent réellement de nouvelles perspectives. Cela dit, j’ai pour ma part dès le début pris très au sérieux le choix de l’acronyme FAI, en n’y voyant pas seulement une attaque contre la vieille fédération formelle, mais comme une nouvelle projectualité. Même si j’étais à l’époque très loin d’une telle perspective, c’est à ce moment que j’ai commencé ce lent processus qui m’a conduit en 2012 à agir dans le noyau Olga de la FAI-FRI. En relisant aujourd’hui la « Lettre ouverte au mouvement anarchiste et antiautoritaire », je me rends compte de tout le chemin qui a été fait, d’à quel point a évolué cette conception de l’anarchie, et d’à quel point elle continue d’évoluer :
« FÉDÉRATION parce que nous l’entendons au sens de ramification diffuse et horizontale : fédération de groupes ou individus, femmes et hommes, librement et égalitairement unis dans la pratique d’attaque contre la domination, conscients de la valeur du soutien mutuel et de la solidarité révolutionnaire comme instrument de libération. Nous entendons la fédération comme ayant des rapports stables dans la durée, mais en même temps fluides, en constante évolution grâce à l’apport en idées et pratiques de nouveaux groupes ou individus qui décideront d’en faire partie. Nous pensons à une organisation non démocratique : sans assemblée plénière, représentants, délégués ou comités, dénuée de tous ces organes qui favorisent la naissance de leaders, l’émergence de figures charismatiques et l’imposition de spécialistes de la parole. La communication se basera sur le débat horizontal et anonyme, produit par la pratique elle-même (revendication des actions) et par la diffusion de théorie au moyen des instruments d’information du mouvement. En résumé, à l’élimination de l’assemblée se substitue le débat horizontal-anonyme entre les groupes/individus qui communiquent par la pratique. La fédération est notre force, la force des groupes/individus qui se soutiennent dans l’action, à travers un pacte de soutien mutuel bien défini.
ANARCHISTE, parce que nous voulons la destruction de l’état et du capital pour vivre dans un monde dans lequel “domine” la liberté et l’autogestion, où soit possible tout type d’expérimentation sociale qui ne comprenne pas l’exploitation de l’homme par l’homme et de l’homme sur la nature. Nous sommes radicalement hostiles à tout cancer marxiste, une sirène incantatrice qui incite à la libération des opprimés mais est en réalité une machine centralisatrice qui écrase la possibilité d’une société libérée pour remplacer une domination par une autre.
INFORMELLE. N’ayant aucun type de conception avant-gardiste et ne nous sentant pas non plus faire partie d’une minorité illuminée active, mais voulant simplement vivre aujourd’hui et immédiatement notre anarchisme, nous avons opté pour l’organisation informelle, soit l’informalité comme le seul instrument organisatif qui puisse nous préserver des mécanismes autoritaires et bureaucratisants, préservant notre indépendance comme groupes/individus et nous garantissant une certaine marge de résistance et une continuité dans la confrontation avec le pouvoir. La Fédération Anarchiste Informelle, bien que mettant en pratique la lutte armée, refuse la conception qui se base sur des organisations monolithiques, structurées de manière “classique” : bases, réguliers-irréguliers, clandestinité, colonnes, cadres dirigeants, énorme nécessité d’argent. Les structures nous paraissent facilement ébréchables par le pouvoir : il suffit du cas classique de l’infiltré ou du délateur pour faire tomber comme un château de carte l’organisation entière ou une grande partie d’elle. A l’inverse, dans une organisation informelle constituée de 1000 individus ou groupes qui ne se connaissent pas entre eux (ou plutôt, qui se reconnaissent à travers les actions menées et le pacte de soutien mutuel qui les lie), les cas fâcheux d’infiltration ou de délation restent circonscrits au groupe en question, sans s’étendre. De plus, celui qui fait partie de la Fédération Anarchiste Informelle n’en est militant avec tous les effets qu’au seul moment spécifique de l’action et de sa préparation, ce qui n’implique pas la vie et la perspective toutes entières des compagnons, permettant de ranger définitivement au grenier toute spécialisation dans la lutte armée. Une fois enracinés, le pouvoir rencontrera d’énormes difficultés pour nous détruire. »
(extrait de la revendication de l’attentat du 21 décembre 2003 contre Romano Prodi, à l’époque président de la Commission Européenne, extrait de « Il dito e la luna », pages 14-15).
L’élan vital de la FAI-FRI est son renouvellement permanent, sa stimulante évolution. Aujourd’hui, le besoin de dépassement de vieux concepts comme « organisation », « société libérée », « révolution » est plus que jamais nécessaire. D’autres concepts comme « fédéralisme », « informalité », « soutien mutuel », « débat horizontal-anonyme entre groupe/individus à travers la pratique », « refus des assemblées plénières » maintiennent tout leur force, demeurant les piliers sur lesquels fonder notre projectualité. Les anarchistes d’action de la FAI de ce 2003 se sont donné de nouvelles perspectives et ont développé de nouvelles connexions. En ignorant les délires vides des théoriciens purs de l’insurrection, et contre tout « réalisme » politique, ils ont fait en sorte que des concepts comme le nihilisme et la lutte antisociale refassent surface, plus vivants que jamais. Le cerveau de la FAI-FRI est ce débat chaotique et continu de femmes et d’hommes à travers l’action. De nouveaux mots et de nouvelles perspectives viendront décrire de nouveaux parcours que nous n’imaginons pas encore aujourd’hui, des mots qui à leur tour seront dépassés par des concepts encore plus efficaces et destructeurs parce qu’ancrés dans l’action. Une expérimentation continue de révolte, rien d’établi, rien d’immuable das le temps si ce n’est un insatiable désir de liberté et la tension continue de l’anarchie. Avec l’action contre Adinolfi, Nicola et moi avons adhéré (bien qu’en retard) à cette projectualité, en apportant notre contribution anti-civilisation et anti-technologie à la FAI-FRI. Sur la même ligne, les contributions de la FAI anglaise, chilienne et mexicaine sont vraiment intéressantes. Mais sachez tout de même que les nouvelles que nous recevons en prison sont peu nombreuses, et censurées, donc notre connaissance de ce qu’il se passe dehors est très limitée. C’est l’évolution que vous, la CCF, avez apporté à l’internationalisation de la FAI qui a permis d’imprimer cette accélération qui a fait naître en parallèle le concept d’« internationale noire ». Le point de référence de la méthodologie FAI-FRI ne peut qu’être cette « internationale », avec tout son univers d’actions revendiquées ou non, d’affrontements, de barricades et d’attaques violentes. La « nouvelle » perspective nihiliste, avec tout son potentiel anti-organisateur, est le plus grand fruit de ce dialogue à travers les actions. Un rôle extrêmement important, vital, ont aussi ceux qui, à travers les actions et pas seulement dans la discussion, critiquent notre méthodologie en mettant en relief le risque que nous courrons toujours, que tout se réduise à un sigle. Pour dépasser ce risque, il nous faut développer le plus possible les « campagnes révolutionnaires », qui trop souvent restent trop peu entendues par les autres groupes FAI-FRI. Même si parfois (et j’espère toujours plus souvent) ils nous surprennent, comme par exemple l’opération « Phénix », commencée en Grèce et répandue ensuite dans la moitié du monde.
CCF : L’anarcho-nihilisme est peut-être la tendance la plus calomniée de l’anarchie, tant par les anarchistes « officiels » que par la propagande d’État. Quelle est ta position sur l’anarcho-nihilisme et sur les critiques qui en sont faites ?
Alfredo : Par nihilisme, je veux dire volonté de vivre tout de suite et maintenant la vraie anarchie, laissant de côté l’attente d’une révolution future. Vivre l’anarchie veut dire lutter, s’armer, affronter l’existant sans attendre. Il n’y a que dans ce conflit que l’on peut savourer la pleine félicité, et son ensemble de rapports, de complicités, d’amours, d’amitiés, de haines. Il n’existe pour moi aucune autre façon de vivre pleinement et avec satisfaction le présent, la vie. Dans ce nihilisme se réalise mon anarchie, réelle, concrète, aujourd’hui, tout de suite. Le nihiliste détruit, il ne construit rien, parce qu’il ne veut rien construire. Une révolution créerait inévitablement d’autres chaînes, de nouvelles autorités, une nouvelle technologie, une nouvelle civilisation. L’anti-civilisation ne peut qu’être nihiliste, parce que c’est dans la destruction de la société que cette nouvelle anarchie se réalise. Détruire non pas parce que la volonté de destruction est aussi une volonté créatrice, mais parce que nous ne voulons plus rien construire. Détruire parce qu’il n’y a pas de futur dans la civilisation. Je ne suis pas surpris outre mesure que le nihilisme soit la « tendance » anarchiste la plus calomniée par les anarchistes eux-mêmes. Dans sa dimension concrète et sans pitié, elle nous enlève la fin heureuse de la comptine avant la nuit (la révolution future) et nous contraint à l’action, ici et maintenant, faisant peur à ceux qui, devenus lâches, sont toujours prêts à remettre le conflit à plus tard. Mon nihilisme va de pair avec ma vie, avec l’action, rejette la figure du grand homme, et n’a rien à voir avec l’individualisme de palabres du siècle passé ou de nos jours. Mais il a beaucoup en commun avec l’anarchie individualiste et anti-organisatrice d’hommes d’action comme Novatore, Di Giovanni, Galleani.
CCF : En tant qu’anarchiste nihiliste, acceptes-tu l’idée que « la société de masse fera sa révolution lorsque les conditions seront mûres » ?
Alfredo : En tant qu’anarchiste nihiliste, je suis clairement contre toute vision déterministe de l’anarchisme, contre tout anarchisme « scientifique ». Je ne pense pas que l’histoire nous conduise vers l’anarchie en nous prenant par la main. Au contraire, je pense que notre destin est celui d’aller toujours à contre-courant. La société se basera toujours sur une forme ou un genre d’esclavage. La seule pensée que nous puissions un jour réaliser la « société parfaite » me terrorise. L’anarchie se transformerait en régime. L’utopie se ferait dystopie. Je préfère tendre vers l’anarchie et réaliser mon bonheur dans cette tension continue. Les conditions murissent lorsque la volonté prend le dessus sur la peur, les conditions sont toujours bonnes pour un geste de révolte. Et tant mieux si par la suite la révolte devient communauté à travers la complicité avec d’autres individualités, et dans ce cas notre force se multiplie au centuple, et notre plaisir grandit lui aussi proportionnellement. Seuls les femmes et les hommes d’action peuvent comprendre le potentiel réel de la volonté : des choses en apparence impossibles sont réalisées, des actions désespérées deviennent des exemples, renforçant notre volonté. Un anarchiste dépourvu de courage est un anarchiste sans volonté, il sait ce qui est juste mais n’a pas la force de le confirmer par les faits, il reste à regarder, et au mieux il parle et écrit. Il est le plus infortuné des êtres.
CCF : Quelle est ta position sur les structures anarchistes formelles (par exemple les fédérations), lesquelles mutilent leur pratique et leur théorie au nom de leur dimension massive et de l’acceptation sociale ?
Alfredo : Les structures formelles ont une tête — les dirigeants —, des bras — les militants —, des jambes — les commissions de correspondance. L’informalité de la FAI-FRI a la tête dans l’individu, les bras dans les groupes d’affinité et les jambes dans l’action violente. Il ne faut cependant pas penser que le groupe d’affinité soit une exclusivité des structures informelles, il existe de nombreux exemples d’organisations anarchistes formelles qui basent leur action sur les groupes d’affinité : la FAI [Fédération Anarchiste Ibérique, créée dans les années ’30, NdT] espagnole avant 1936, la FIJL [Fédération Ibérique des Jeunesses Libertaires] et leurs groupes d’action après la victoire de Franco, etc. Cependant, dans tous ces cas, il y avait une coordination, une ligne à respecter, une direction politique. La liberté de l’individu était limitée. La caractéristique principale de l’informalité de la FAI-FRI est la totale absence d’organisation, de direction, de coordination. La totale autonomie de chaque groupe et individu. A l’organisation est substitué le dialogue à travers les actions, et le moteur n’en est plus la société, mais la communauté en lutte. La soi-disant « organisation » informelle telle qu’elle a été théorisée en Italie prévoit, qu’elle le veuille ou non, une direction, des experts de l’informalité qui conduisent les assemblées, dirigeant de manière indirecte les groupes d’affinité. Le plus doué, le meilleur dans le discours, le plus charismatique a la possibilité de s’imposer sur les autres. La « hiérarchie » qui se forme à travers cette « informalité » est la plus subtile et la plus difficile à éradiquer, parce qu’invisible. La stratégie insurrectionnelle informelle « classique » prévoit d’avoir des rapports avec des organisations spécifiques, des ligues, des comités populaires, parce que dans ses perspectives se trouve la révolution, l’augmentation quantitative. Perspective absente dans la FAI-FRI dans sa tendance antisociale, anti-civilisation. En nous, il n’y a pas de politique, pas de compromis, et de cette façon nous ne courrons pas le risque de devenir une classe dirigeante. Je ne supporterais pas de faire partie d’une organisation parce que ma liberté individuelle en serait limitée. Après, il y a tout le discours sur la répression. Il est beaucoup plus facile de démanteler une organisation que 10, 100, 1000 individus et groupes d’affinité qui ne se connaissent pas entre eux, mais c’est une chose secondaire.
CCF : Aujourd’hui, en Grèce, quelques squats anarchistes se montrent comme alternative aux centres culturels plutôt que de construire des points de rencontre pour des nouveaux compagnons ayant l’intention d’agir. Quelle est la situation en Italie et que penses-tu des squats ?
Alfredo : Je n’ai jamais eu beaucoup de sympathie pour ce qui est appelé centre social en Italie. Dans les années ’90, les endroits que nous occupions se définissaient « ni centres, ni sociaux », nous venions en mode ludique, existentiel, individualiste, nous n’avions pas de perspective sociale ou communicative avec le quartier qui nous entourait, nous cherchions essentiellement la qualité de notre vie, de nos rapports, nous critiquions durement le « militantisme ». C’est peut-être d’ailleurs pour cette raison que certains d’entre nous, se foutant totalement de la communication, exprimaient une forte violence contre le système. Je crois que l’occupation, le squat, s’il crée de la conflictualité, des complicités et de l’action, peut devenir un endroit splendide où vivre la conflictualité envers le reste du monde. Ensuite, à dire vrai, je les ai très peu fréquentés ces dernières années, et j’ai cherché mes complicités ailleurs.
CCF : Tous les anarchistes d’action se débattent dans le dilemme entre l’activité publique et l’activité illégale. Quelle est ta position ?
Alfredo : Je suis convaincu que les seules actions ayant une réelle incidence sont les actions illégales. On ne peut vivre l’anarchie qu’à travers l’illégalisme. Ce qui n’enlève rien à l’importance des journaux, des livres, des brochures, des manifestations, des occupations, mais la priorité, l’activité irremplaçable et à côté de laquelle ne peut passer un anarchiste ne peut être que la confrontation directe avec le système, l’action violente. Le système le sait bien, en démocratie, on te laisse dire ce que tu veux. Les vrais problèmes arrivent quand tu mets en pratique ce que tu dis. Je ne suis pas d’accord avec les compagnon-ne-s qui disent que toutes les actions ont la même dignité. L’action violente en a plus que les autres. Au diable des risques de spécialisation, surtout quand la seule spécialisation actuellement en vigueur est celle de la plume.
CCF : Dans quelques pays d’Europe, il y a une tension connue comme anonymat – politique. Les souteneurs idéologiques de l’anonymat-politique soutiennent que « les revendications et les acronymes comme la FAI créent la propriété de l’action ». Nous, la CCF, pensons que nos actions nous déterminent nous-mêmes et que la revendication n’est pas un titre de propriété, sinon un acte de guerre. Qu’en penses-tu ?
Alfredo : L’absence d’acronymes ou de revendications ne suffit pas à nous sauvegarder du risque d’autoritarisme et d’avant-gardisme. Les compagnon-ne-s de la « Lettre à la galaxie anarchiste » nous accusent d’avoir une volonté hégémonique, d’être une organisation, l’une des nombreuses fédérations anarchistes. Tout comme les magistrats qui nous ont condamnés, ils voient en nous une organisation, un pseudo parti armé. Convaincus que notre objectif soit d’être reconnus par l’État, ils font de nous une caricature lottarmatista. A cette « fine » et « inébranlable » conviction, ils en font suivre d’autres, plus porteuses de propositions et plus optimistes : la conviction qu’il suffit de ne pas la revendiquer pour qu’une action devienne comme par magie reproductible, le patrimoine de « tous » ; que l’on sort automatiquement d’une perspective politique quand on ne se donne ni nom ni acronyme ; que ceux qui communiquent à travers les instruments que le « mouvement » s’est donné – assemblées, conférences, journaux, revues, sites – n’encourent pas les mécanismes de leadership autoritaires et de spécialisation et – cerise sur le gâteau – qu’en ne revendiquant pas, les tribunaux ont du mal à nous réprimer. Disons que ces points arrêtés sont l’épine dorsale de l’insurrectionnalisme social « classique » tel qu’il s’est diffusé en Italie, en France, en Belgique... avec ses hauts et ses bas, ses succès et ses échecs. Abandonnons toutes les sottises que ce « courant » de l’anarchisme informel, dans sa composante italienne, a retourné contre la FAI-FRI : accusations contre la pratique des colis piégés, jugée abjecte (??) ; accusations de vouloir l’hégémonie du mouvement et de rendre invisible les actions anonymes (??), l’accusation d’être une organisation, un parti (??) et, pour finir, l’accusation d’être une avant-garde. Des insultes qui ne facilitent certes pas une discussion équilibrée et qui ne me surprennent pas plus que ça, vu les précédents. Les mêmes compagnon-ne-s soutenaient il y a quelques années que ceux qui mettaient en pratique l’enlèvement de personnes n’était pas digne de se définir anarchiste (??), pour ensuite s’indigner si des anarchistes, dans un excès de panique avec leurs « points sur les i… », prennent leurs distances vis-à-vis de notre tir (celui de moi et Nicola) de Gênes. Il m’est difficile d’entretenir des rapports avec ces compagnon-ne-s, pas tellement à cause des insultes, mais plutôt parce que de telles déclarations de tentatives ici en Italie, et je souligne en Italie, sont accompagnées depuis plus de 15 ans d’énormément de théorie et d’extrêmement peu de pratique, pour ne pas dire le néant absolu, et il serait hypocrite de leur part de faire semblant que ce n’est pas le cas. En Belgique, où cette vision de l’informalité déplace concrètement ses pas, les faits sont évidents, tout comme, malheureusement, les réponses répressives de la part du pouvoir. Malgré tout ce que peuvent en dire les souteneurs de l’anonymat, aucune théorie ne peut nous donner la certitude de l’impunité, surtout quand l’action cesse de devenir symbolique pour se faire destructive. Et ce ne sera certainement pas le refus d’un acronyme, l’anonymat d’une action qui nous rendra imperméables à la répression. Et parfois, la soi-disant « innocence » ne suffit même pas. Ensuite, pour dire la vérité, ceux qui agissent avec un code pénal en main m’ont toujours inspiré un certain dégoût. Mon approche de l’action revendiquée ou pas est pragmatique. Je n’en fais pas une question idéologique ou de principe, mais de concret et d’efficacité. Moi-même, dans certains cas, je pourrais être porté à ne pas revendiquer. La FAI-FRI est à mon sens un outil très efficace, mais rien de plus qu’un outil, l’un des outils que ma communauté, l’internationale noire, adopte au sein de sa guerre contre la société, contre la civilisation. Une fois cela dit, j’ai adopté la méthode de la FAI-FRI parce qu’opposé à toute organisation, pour éviter d’être sujet à des leaderships de quelque sorte que ce soit, pour outrepasser, grâce à la communication faite dans les revendications, tous les mécanismes comportant le risque d’autoritarisme comme les assemblées, les ligues, les noyaux de base, les comités, les mouvements, pour sauvegarder mon anonymat et surtout pour renforcer mon potentiel destructeur à travers les campagnes révolutionnaires, sans limiter ma liberté individuelle. Ne connaissant pas les autres frères et sœurs de la FAI-FRI, le charisme et l’influence ont du mal à s’imposer, limitant ainsi de façon remarquable les risques pour notre liberté. Seuls parlent les faits, seule compte l’action fille de la volonté. Au sein de l’insurrectionnalisme « classique », face à l’anonymat, tout le monde connait tout le monde, les idées et les occasions se forgent à l’intérieur des assemblées, donnant trop d’espaces aux inénarrables spécialistes de la théorie, de l’idéologie. En dépassant le assemblées plénières et en ne communiquant qu’à travers les actions, la FAI-FRI nous permet de ne pas perdre un temps précieux à discuter pendant des heures d’énormes systèmes avec des gens qui ne se sont jamais sali les mains dans l’action et qui ne se les saliront jamais. Ce qui nous permet, comme dernière analyse, d’évincer de nos vies ceux qui ne mettent pas en pratique ce qu’ils disent. Aujourd’hui, je ressens le besoin de voir fleurir les énergies que je mets dans l’action, qu’elles se reproduisent, construisent, rebondissent d’une partie du monde à l’autre dans de nouveaux parcours. Avec les revendications, les actions se parlent, se diffusent, et augmentent dans leur virulence. La pratique dudit anonymat de l’action ne me satisfait pas du tout, pour autant que celui-ci soit respectable et agréable, parce qu’il ne renforce pas notre action, n’ouvre aucun discours, qu’il se fatigue à la longue, nous limitant, nous dispersant, nous isolant. Cela réduit énormément le reproductibilité du geste qui, s’il n’est pas accompagné de mots, s’éteindra. L’anonymat de l’action dans une perspective sociale a un sens de camouflage. On cherche à convaincre les gens, on recherche le consensus pour faire la révolution, on fait semblant d’être « des gens » pour faire en sorte que notre action devienne un patrimoine « collectif », parce qu’en ne la revendiquant pas, « n’importe qui » aurait pu la réaliser. L’action non revendiquée, dans ce cas, a effectivement un sens fort, un sens très politique, social, un sens qui risque de faire de nous l’une des nombreuses avant-gardes en place. Naturellement, ce sens ne pourra jamais être le mien, parce que je rejette toute perspective sociale dans ma façon d’agir. L’anonymat de l’action dans une perspective sociale trouve son sens dans le plaisir ludique que l’on trouve en faisant saigner ce qui nous détruit, cette immense satisfaction de faire ce qui doit être fait, tout simplement parce que c’est juste. Ce n’est pas rien, cette perspective égoïste fait entièrement partie de l’arsenal antisocial des pratiques de l’internationale noire. Elle a été ma pratique de par le passé, elle pourrait le redevenir dans le futur, mais aujourd’hui, la FAI-FRI est ma perspective sur le monde. La question à laquelle se confronter aujourd’hui n’est pas celle de revendiquer ou non les actions, entre utiliser un acronyme ou non, mais entre la conception politico-sociale de l’anarchisme et la conception nihiliste-antisociale de l’anarchie. Un choix crucial, entre anarchisme et anarchie, révolution ou révolte, vieille ou nouvelle anarchie, un choix crucial et inévitable. Le discours anti-civilisateur ne peut exister dans une optique sociale, tout comme ne peut exister un discours anti- technologique dans une optique sociale. Société, civilisation, technique ne peuvent se passer les unes des autres. Historiquement, seuls les partis et leur arsenal autoritaire, hiérarchique, ont fait la révolution. Il n’y a rien de plus autoritaire qu’une révolution, rien de plus anarchique que la révolte. La révolution structure, organise, se fait civilisation, progrès. La révolte déstructure, n’a pas de futur, vit dans le présent, suspend nos existences dans un éternel « ici et maintenant », ne rassasie jamais nos désirs, nous poussant toujours en avant, à la recherche perpétuelle de l’impossible. Une tension continue qui ne nourrit de la destruction de l’existant. Quand je parle de « nouvelle anarchie », je veux dire cette anarchie qui se passe tranquillement du concept de révolution, de réalisme, de politique. Le diable au corps de Bakounine, la folie visionnaire de Cafiero, la soif de justice de Ravachol et de Henry, la haine et la vengeance de Di Giovanni, l’impatience de Filippi, les poésies et le plomb de Novatore, le désespoir sanguinaire de Bertoli font tous partie de cette « nouvelle anarchie ». L’internationale noire, mes frères et sœurs de la FAI-FRI sont aujourd’hui l’incarnation de cette « nouvelle anarchie ». Le temps est venu de prendre acte que nous sommes autre chose, qu’un abîme nous sépare du vieil anarchisme. Il n’y a en nous plus d’espace pour les grandes illusions : révolution, progrès, civilisation. Notre parcours est différent de celui de l’anarchisme social, réaliste, rationnel, positiviste, force de proposition, créateur de nouvel ordre et civilisation. Un parcours différent, le nôtre, qui trouve dans l’anti-civilisation la clôture d’un cercle. Un cercle qui ne nous mène nulle part, sinon à vivre pleinement la vie. Nous définir comme porteurs d’une « nouvelle anarchie », aussi ingénu que cela puisse paraître, nous sert à nous distinguer de l’anarchisme politique, mais aussi d’une sorte d’insurrectionnalisme social teinté d’idéologie.
CCF : « La solidarité entre anarchistes d’action va au-delà des mots ». Comment les anarchistes italien-ne-s ont-ils vécu votre procès, et comment s’est exprimée leur solidarité ?
Alfredo : Il y a deux types de solidarité. L’une passive, qui sert trop souvent à se laver la conscience de sa propre inactivité, et qui ne colmate pas la distance entre les mots et les faits. Et une solidarité active, concrète, une solidarité réelle que certains appellent révolutionnaire, faite en silence dans l’anonymat, dans laquelle seules les actions destructives parlent aussi à travers les mots qui les accompagnent. Inutile de dire laquelle des deux je préfère. En dernier lieu, la meilleure solidarité que je puisse recevoir est de voir que la projectualité de cette nouvelle anarchie, sous toutes ses formes, continue à évoluer, indifférents aux coups répressifs qu’elle endure. Je ne nie pas que chaque fois qu’une action nous mentionne comme prisonniers de guerre, en Italie comme dans le reste du monde, mon cœur se remplit de joie. Voilà quelle est ma vie d’aujourd’hui. La guerre continue. Ne jamais se rendre, ne jamais plier.
Longue vie à la FAI-FRI.
Longue vie aux CCF.
Vive l’internationale noire.
Alfredo Cospito
Les communiqués
Attaque incendiaire contre une entreprise d’exploitation animale par la Cellule Anarchiste d’Attaque Incendiaire « Feu et Conscience » - FAI/FRI (Chili-avril 2015).
Jour après jour, minute après minute, le pouvoir se maintient et se reproduit dans les relations sociales de tous ceux qui acceptent cet ordre basé sur l’exercice de l’autorité, de la domination et de l’exploitation ainsi qu’en chacune des institutions, entreprises et machineries qui permettent leur développent normal, sans oublier jamais l’action volontaire des dignitaires du pouvoir et de leurs complices : patrons, politiciens, policiers et citoyens défenseurs du pouvoir et de la soumission, qui s’efforcent de faire en sorte que l’ordre établi se maintienne et fonctionne.
Lorsque l’on décide de se confronter à l’autorité sous toutes ses formes et expressions, la lutte pour la libération totale acquiert tout son sens car elle englobe les différentes scénarios à travers lesquels le pouvoir exécute sa domination. Notre lutte ne parcelle pas, elle intègre, ce qui fait que lutter pour la liberté totale implique de lutter également contre l’État, le capital, le spécisme, les hiérarchies, la spécialisation et les diverses expressions de l’autoritarisme.
Et malgré les efforts de le l’État chilien pour éliminer les idées et les pratiques de révolte, l’attaque directe des groupes d’action anarchiste continue.
Le matin du 7 avril, nous avons attaqué les bureaux administratifs de l’entreprise carnassière Ganadera Rio Bueno S.A., qui se dédie à l’enfermement et à la tuerie d’animaux dans leurs prisons fangeuses pour leur postérieure commercialisation en tant que marchandise pour la consommation humaine massive. Nous l’avons fait à l’aide d’un engin incendiaire pourvu d’un mécanisme de retardement qui a fonctionné sans problèmes, endommageant une partie de la façade du bâtiment.
Les raisons sont claires et il y en a plus qu’il n’en faut. Quand nous avons décidé de lutter pour la libération, nous avons assumé la lutte de façon intégrale et totale, sans hiérarchiser les espèces. Voilà pourquoi nous ne pouvons rester passif/ves face à la machine spéciste et assassine que représente cette entreprise, nous ne pouvons pas rester passif/ves face à l’enfermement, l’isolement et la mort de centaines d’animaux.
Notre lutte est antispéciste parce qu’elle est avant tout anti-autoritaire, elle est pour notre libération, celle de la terre et celle des animaux.
Les symboles et les structures du pouvoir se trouvent partout, la question est d’oser et de faire le pas vers l’offensive, en mettant en pratique nos idées et valeurs de libération, nos connaissances et notre ingéniosité en guerre.
Et si nous comprenons la lutte comme un acte multiforme et que nous ne hiérarchisons pas les moyens et les instruments que nous employons, nous faisons un appel à la multiplication des actions d’attaque directe. Nous le faisons humblement, mais aussi avec la certitude que la proposition anarchiste de l’attaque autonomes à travers des groupes d’affinités d’individus organisé-e-s de manière horizontale est possible, réelle et toujours en vigueur et nécessaire.
Nous revendiquons également cette action comme partie de la proposition organisationnelle pour l’action de la Fédération Anarchiste Informelle – Front Révolutionnaire International (FAI-FRI), car nous partageons les objectifs qu’elle se donne : ATTAQUE ANARCHISTE AUTONOME, toujours en offensive et libre de hiérarchies et de spécialisations ; INTERNATIONALISME, puisque la praxis anti- autoritaire ne reconnaît pas de barrières, d’États ni de nations, en nous connectant avec d’autres volontés insurgées autour du monde ; et SOLIDARITE, parce que nous n’oublions pas nos compagnon-ne-s enfermé-e-s dans les prisons du pouvoir.
Nous inscrivons également cette action dans le Projet Phoenix, pour donner de nouvelles impulsions à l’action violente anti-autoritaire sur ce territoire dominé par l’État du Chili, comme forme d’affronter la répression et de démontrer que l’attaque anarchiste est toujours vivante et ne se rendra pas.
Actuellement, le pouvoir global tente d’assurer sa domination en faisant évoluer son mode d’opération de répression à travers une façon d’agir toujours plus totalitaire. Avec ses opérations répressives, le pouvoir s’en prend à des compagnon-ne-s anarchiques et révolutionnaires pour tout mettre sous la large et répandue idée de « terrorisme ». Ainsi, les entourages solidaires sont frappés pour punir le soutien aux prisonnier—es et isoler encore plus celles et ceux qui sont entre les grilles. Les dernières opérations répressives en Espagne, l’incarcération de parents de compagnon- ne-s de la Conspiration des Cellules de Feu en Grèce en sont un exemple, tout comme l’est la récente arrestation de Enrique Guzmán, ami solidaire du compagnon Juan Flores, que le pouvoir tente d’impliquer dans l’attentat contre une caserne de police. La cruauté médiatique se pose aussi comme une autre expression de la répression étatique, comme cela s’est vu dans le cas de Juan Pino et Natalia Collao, accusé-e-s d’avoir incendié un bus des transports publics, et qui ont aujourd’hui besoin de notre solidarité.
Force et solidarité avec les compagnon-ne-s de la Conspiration des Cellules de Feu en Grèce et à tou-te-s les prisonnier-e-s en lutte sur ce territoire.
Une étreinte à Nicola Gai, Alfredo Cospito et tou-te-s les anarchistes prisonnier- e-s en Italie. Saluts complices à Mario et Carlos López, compagnons du Mexique aujourd’hui en clandestinité. Solidarité avec Mónica Caballero, Francisco Solar et les anarchistes détenu-e-s en Espagne. Santé éternelle au prisonnier Mumia Abu-Jamal, qui résiste en lutte aux USA.
Amour et solidarité en guerre avec Nataly Casanueva, Juan Flores, Guillermo Durán, Juan Aliste, Freddy Fuentevilla, Marcelo Villarroel, Carlos Gutierrez, Hans Niemeyer et Sol Vergara. Que l’appel à l’agitation du 10 au 20 avril soir fructifère en action multiforme !
LE JOUR EST VENU DE PASSER A L’OFFENSIVE POUR EN FINIR AVEC LA PEUR ET LA COMODITE MULTIPLIONS LES ATTAQUES CONTRE LE POUVOIR.
Cellule Anarchiste d’Attaque Incendiaire « Feu et Conscience ».
Fédération Anarchiste Informelle – Front Révolutionnaire International – Chili
Attaque à l’explosifs contre les Forces Aériennes du Chili par la Cellule Anarchiste d’Attaque Incendiaire « Feu et Conscience » - FAI/FRI (chili - novembre 2015).
Dans un scénario politique d’évidente décomposition des forces représentatives traditionnelles, et à travers toute une gamme de propositions qui cherchent à réformer le modèle de domination en construisant des formes « populaires » d’administrer le pouvoir, notre choix continue d’être la rupture absolue avec le monde de l’autorité, comme unique sortie de la catastrophe de la domination.
Et dans cette rupture, l’attaque directe contre les institutions et les représentants de l’oppression et du pouvoir continue d’être une propagande de la nécessité de la révolte individuelle et collective pour la destruction de tout ordre social, à la recherche permanente de notre liberté.
Armé-e-s de ces idées transformées en quelques grammes de poudres, quelques litres d’essence et un mécanisme d’activation qui nous donne quelques minutes pour partir sans problèmes, nous avons attaqué des dépendances de la Force Aérienne du Chili appartenant au Service Religieux de Commandement du Personnel à l’aide d’un engin incendiaire, dans la rue Cienfuegos de la ville de Santiago, au cours de la matinée du mardi 6 octobre. Tout cela a été réalisé à une heure et avec une charge incendiaire qui fasse en sorte qu’aucun-e passant-e ne puisse être blessé-e, car ce ne sont pas les objectifs de nos attaques.
Pour une raison qui nous est encore inconnue, notre artefact n’a pas généré les dommages espérés. Nous cherchons l’efficacité de l’action, mais son simple déroulement, exécution et concrétisation démontrent déjà que l’attaque anarchiste est toujours possible, que le pouvoir est vulnérable et que tout n’est pas sous son contrôle.
Ce qui a motivé notre action n’est pas seulement l’évidente impunité sur la répression sous la Dictature, c’est l’existence même des Forces Armées que nous frappons en tant que partie de l’attaque continue contre tout type d’État (démocratique, dictatorial, populaire) et contre toute forme de domination.
A travers cette action, nous prenons part à un parcours initié par d’autres révolutionnaires qui ont lutté armé-e-s contre l’impunité de celles et ceux qui ont participé à la répression soutenue dans les pactes entre l’actuelle élite gouvernante et les agents de la dictature qui ont assuré une transition pacifique et négociée vers la démocratie.
Une fois de plus, nous appelons à ce que les ennemi-e-s de l’oppression contribuent à la propagation des attaques contre le pouvoir en tant que partie de la large scène de l’affrontement pour la récupération de nos vies.
L’agir rebelle et le feu insurgé peuvent se matérialiser de multiples façons, mais il faut aiguiser de pair le discours et la pratique afin que les actes simples se connectent avec les actions plus lourdes.
Il est important que ces actions soient bien planifiées, mais il est également fondamental de prendre conscience de ce que l’on fait et de ses conséquences. La correspondance entre le type de discours et le type d’action appelle toujours à en finir avec la complaisance qui piège la lutte et en finir avec l’idée que la violence contre les oppresseur-se-s ne serait motivée que par une simple adrénaline juvénile.
Toutes les actions apportent quelque chose, mais elles ne sont pas toutes égales entre elles.
Avancer et approfondir nos idées en même temps que nos actions évite que le fait de placer une banderole soit revendiqué par un langage guérillero, ou qu’une action incendiaire/explosive soit revendiquée par le discours simpliste de « anti-tout parce que c’est comme ça ».
Laissons de côté les choses vagues ainsi que le pompeux et l’autoréférentiel. Nous n’avons pas découvert la poudre, dans tous les sens que cela peut signifier, nous ne sommes pas de super humain-e-s éloigné-e-s de la réalité. Nous sommes des compagnon-ne-s anti-autoritaire qui conspirent depuis l’affinité et l’informalité en appelant par les faits à la propagation des attaques contre le pouvoir. Nous affrontons l’autorité, ses serviteurs, ceux qui condamnent les actes de violence révolutionnaire et qui depuis l’inaction les minimisent par des critiques fétichistes ou militaristes sur le matériel utilisé.
Que celles et ceux qui pensent que les attaques peuvent être plus puissantes mettent la main à la pâte ! Nous avons commencé.
Une fois de plus, nous saluons tou-te-s les compagnon-ne-s en prison. Avec une force spéciale pour Juan Flores et Nataly Casanova ; pour Marcelo Villarroel, Juan Aliste et Freddy Fuentevilla ; pour Natalia Collado et Javier Pino ; pour Gabriel Pombo Da Silva, Francico Solar et Mónica Caballero en Espagne ; pour Alfredo Cospito et Nicola Gai en Italie ; pour Fernando Bárcenas qui se remet de deux grèves de la faim au Mexique ; pour Marco Camenisch en Suisse et pour les compagnon-ne-s de la Conspiration des Cellules de Feu en Grèce.
Salut à tous les groupes d’action anti-autoritaire autour du monde et à toutes les cellules de la Fédération Anarchiste Informelle.
<strong>POUR LA PROLIFERATION DE GROUPES D’ATTAQUE AUTONOMES ET ANTIAUTORITAIRES.
POUR LA COORDINATION INFORMELLE EN AFFINITÉ.
ATTAQUE SOLIDARITÉ INTERNATIONALISME.
CONTRE TOUTE IDEOLOGIE, SOCIETÉ ET POUVOIR</strong>.
Cellule Anarchiste d’Attaque Incendiaire « Feu et Conscience ».
Fédération Anarchiste Informelle-Front Révolutionnaire International – Chili
« Face aux attaques du pouvoir, l’offensive continue » par les Individu-e-s pour la Dispersion du Chaos-FAI/FRI (espagne - mars 2016)
Après les dernières opérations de police contre le milieu anarchiste, beaucoup a été dit et a été écrit, la plupart du temps, les communiqués et les opinions ont été en grande partie une plainte ou une “condamnation” de la répression du pouvoir. Face à la dernière opération répressive et les réactions qui ont suivi, nous considerons que nous aussi nous voulons donner notre point de vue.
Tout d’abord il faut comprendre que la répression qui a eu lieu est la réponse logique de l’État face a nous qui sommes considérés comme ses ennemis. Nous ne comprenons pas les communiqués victimisant dans lesquels l’état d’esprit (bien sûr écris avec des mots très appropriés ) est de supplier l’État de cesser de lancer ses hordes de flics a “l’aveugle” contre les anarchistes. Disant que la répression est injustifiée (et bien sûr on use et abuse du terme « montage »). Disant que nous ne ferions jamais rien de mauvais. Disant qu’ils nous attaquent car l’on “pense différemment”... Ils essayent de donner de nous une image de « normalité » et essayent par tous les moyens de rendre cette image publique la plus propre et la plus socialement acceptable possible. Ils font de leur mieux pour se distancer des discours ou des pratiques violentes, tombant ainsi dans le jeu du pouvoir et utilisant le même langage, des distinctions sont faite entre « bon(e)s » et « mauvais(es) » anarchistes, promouvant de l’intérieur la même criminalisation.
Arrivé à ce stade, entre ces “anarchistes” il y a ceux/celles qui n’ont aucune honte à donner des interviews aux médias, donnant une image lamentable et, ce qui est bien pire, se positionnent comme les portes-parole du “mouvement anarchiste” (et à y être de tous mouvements sociaux). Ces aspirants politiques ou aspirants guides de masse font leur possible pour éloigner l’anarchisme de son caractère subversif et conflictuel, le dépeignant comme un simple mouvement d’activisme social, vide de tout discours et pratique de confrontation au pouvoir et à l’ordre existant.
Ensuite, il y a les discours de ceux/celles qui parlent continuellement de l’horreur de la répression, du fait que nous sommes tou(te)s surveillé(e)s, que nous ne pouvons rien y faire, ces attitudes ne font rien de plus que semer la panique et la paranoïa collective, et derrière ces discours et attitudes il y a ceux/celles qui, pour cacher leur immobilisme, utilisent comme prétexte l’omniprésence de la répression, des suivis, le classique “mais moi je suis fiché” etc... Celui/Celle qui ne veut rien assumer, c’est sa décision personnelle, mais se cacher derrière une peur incontrôlée et bien souvent sans fondement et s’employer à répandre ce sentiment défaitiste est dangereux et contre-productif. Cela ne veut pas dire qu’il y a les “lâches” et les “courageux(ses)”, il est tout à fait normal d’avoir peur des détentions au poste de police, de la prison, des coups, de la torture et des meurtres de bourreaux ou de matons...
Pourtant, libérer la peur conduit à la panique et a la paranoïa, ce qui à son tour conduit souvent aux discours défaitistes appelant à la passivité, à l’immobilisme, et affirmant qu’il est préférable de “bien se (com)porter” autant pour soi-même que pour le reste des compagnons(gnes) afin de ne pas être la cible des enquêtes policières.
Pour en finir avec le sujet nous affirmons que l’État ne nous a même pas montré la partie émergée de l’iceberg, ceci n’est rien comparé à ce qu’ils pourraient faire, et de fait, il suffit de regarder la répression présente actuellement dans d’autres parties du monde (et il n’y a pas besoin d’aller bien loin) ou même dans l’état espagnol il y a quelques décennies. Il doit être clair que, du moment où nous nous positionnons comme anarchistes, nous vivons dans le risque et la possibilité d’être frappé(e)s par la machinerie répressive, même en dehors de nos pratiques, parce que, comme nous l’avons déjà vu, il y a des moments où la dite machinerie répressive cherche plus à provoquer la peur chez l’ennemi en s’en prenant à tout le monde au lieu de donner des coups précis, donc, aux yeux du pouvoir n’importe (la)lequel d’entre nous est une cible potentielle.
Malgré tout le déploiement des opérations policières, les arrestations et les calomnies qu’ils ont effectués (et qui restent à venir) le pouvoir sait que nous resterons toujours des individu(e)s impossible à contrôler, impossible ù effrayer quelque soient leurs tentatives. Ils ne pourront pas en finir avec notre soif de détruire tout ce qui nous opprime. Nous sommes ravi(e)s de voir que malgré tout ce qu’il c’est passé, ils n’ont pas réussi à stopper l’offensive contre l’existant. Tous les jours, il y a celleux qui, sans céder à la peur ni à la soumission sociale, continuent l’attaque permanente. L’action anarchiste multiforme a continué de se diffuser à travers les différents quartiers, peuples et villes sous forme de publications et de textes combatifs, d’affiches, de graffitis, de pancartes, de sabotages, d’incendies et d’explosifs, coupant les routes a coup de de barricades, d’affrontements, d’attaques contre les bâtiments du pouvoir et organisant des émeutes lors de manifestations...
Bien que la tendance au sein de l’État espagnol soit toujours de ne pas revendiquer les actions, que beaucoup d’entre elles restent muettes et sont réduits au silence, nous savons pertinemment qu’elles ont plus ou moins eu lieu. La violence minoritaire a continué et continuera, et si l’on parle de violence, ouvertement et sans complexe, c’est parce que nous sommes convaincus que le pouvoir ne tombera pas de lui-même ni qu’aucun messie ne tombera du ciel avec la solution toute faite.
Nous n’utilisons pas des mots comme « auto-défense » ou « contre-violence », nous ne parlons pas non plus de violence anarchiste seulement quand il y a un contexte adhésion des masses à ce qui n’est plus acceptable. Nous avons constaté que, malgré tout, la pratique insurrectionnelle et l’attaque sont encore possibles, la police ne peut pas être partout, ils ne peuvent pas nous espionner ou nous contrôler tou(te)s, un peu de bon sens, une bonne planification et une bonne volonté sont plus que suffisants pour prouver que l’image d’un monde contrôlé et pacifiée n’est qu’une illusion, à nous de briser cette illusion de tranquillité.
Parce que face aux attaques du pouvoir et face à la misère de certain(e)s « anarchistes » qui ne se soucient que de donner une image de « bon(ne)s garçon/fille innocent(e) intégré(e)s à la société » afin de se sauver elleux mêmes, nous, nous armons nos désirs et nos passions, nous, nous passons à l’attaque.
Aux masses et à leur passivité, nous offrons juste notre agressivité, nous n’attendons rien d’elleux et nous nous jetons pleinement dans la révolte permanente anarchique.
Nous sommes quelques révolté(e)s qui avons décidé de rester fier(e)s, dignes et de prendre le risque d’oser vivre l’anarchie ici et maintenant.
Les paroles sans actes sont pour nous paroles mortes, c’est pourquoi nous profitons de ce communiqué pour revendiquer les actions suivantes (faites dans différents arrondissements de Barcelone) :
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L’incendie de plusieurs véhicules appartenant à différentes entreprises privées ou publiques, la plupart d’entre elles étaient des sociétés de sécurité.
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Attaques d’agences bancaires en brisant le verre de leurs vitrines et de leurs DAB avec des marteaux, des pierres et de la peinture, voire en les incendiant.
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Incendies de différents conteneurs et destruction de mobilier urbain.
Avec ce communiqué, nous souhaitons saluer affectueusement tou(te)s nos prisonnier(e)s, en particulier Monica et Francisco qui sont détenu(e)s depuis plus de deux ans sans baisser la tête, aux compas Nicola et Alfredo, aux compas de la CCF et à tou(te)s les compas prisonnier(e)s actuellement au Chili comme a tou(te)s les compas prisonnier(e)s partout dans le monde.
C’est ainsi que nous saluons nos prisonnier(e)s et nous nous rappelons de tou(te)s celleux qui sont tombe(e)s au combat.
Nous saluons également tous celleux qui jour après jour, continuent de miser sur le conflit et l’insurrection anarchiste permanente, faisant aujourd’hui et pour toujours de l’anarchie une menace permanente.
Pour un Décembre Noir partout !
Pour l’Internationale Noire d’Anarchistes de Pratique !
Pour l’extension du Chaos et de l’Anarchie !
Rien n’est fini, la guerre continue...
Individu(e)s pour la Dispersion du Chaos – FAI / FRI
« Projet Nemesis : une proposition ouverte » par la Conspiration des Cellules de Feu / FAI-FRI (grèce - novembre 2016)
« Celui qui parle de guerre, doit avoir un plan... »
L’autorité la plus insidieuse est celle qui porte la promesse de la globalité. C’est pourquoi nous sommes passés de la monarchie à la démocratie, et non à la liberté. Le mot “Sécurité” est particulièrement apprécié par la démocratie. Plus nous entendons parler de “sécurité”, plus nos vies et notre liberté reculent. Par dessus tout, le pouvoir et la démocratie contemporains ont poussé la société à faire des compromis et à se soumettre presque volontairement. La démocratie agit comme une usine transparente qui produit des relations sociales. Les individus se soumettent à l’idéologie gouvernementale, aux normes sociales et aux comportements disciplinés, et considèrent que ce que nous vivons aujourd’hui (la tyrannie économique, le chantage de l’esclavage salarié, la dictature du spectacle, la surveillance technologique) est un ordre du monde naturel et inévitable.
Pourtant même au sein d’une autorité omniprésente, les patrons, les officiels, les chefs et les propriétaires existeront toujours. Aujourd’hui, la visibilité des personnes au pouvoir est particulièrement limpide. Politiciens, dirigeants d’entreprises, armateurs, éditeurs, journalistes, juges et flics sont les personnes au pouvoir. Le projet Nemesis vise à s’attaquer à ces personnes. Il s’agit de notre coup à jouer pour que la peur change de camp.
Au lieu d’attaquer les symboles impersonnels de la justice, nous pensons qu’il est très important de transposer nos attaques à l’environnement personnel de nos ennemis : maisons, bureaux, lieux de sociabilisation et véhicules. Nous savons que pour le pouvoir, “personne n’est irremplaçable” mais nous savons aussi qu’un coup porté personnellement à l’un d’entre eux instillera la peur à cent autres. Nous créons un héritage de peur pour les gens de leur espèce et les personnes susceptibles de les remplacer. Il s’agit là du contrepoids minimum que nous pouvons apporter dans la balance de la terreur sur laquelle l’ennemi a tout le contrôle. Cette balance de la terreur causée par les meurtres de travailleurs pas leurs patrons, les tueries policières, les milliers d’années de prison prononcées par les juges, les mensonges des journalistes, les lois et les ordres des politiciens. Dans tous ces cas, l’ennemi a un nom et une adresse.
Les attaquer personnellement montre que les personnes au pouvoir ne sont pas invincibles. en même temps, au lieu de confiner l’insurrection anarchiste au conflit occasionnel avec les flics, nous pouvons faire de la révolution une composante permanente de nos vies en débuscant les personnes qui se cachent derrière les ordres et les décisions qui régissent nos vies, en analysant leurs mouvements et leurs itinéraires, et en organisant nos propres cellules offensives qui répondront aux provocations de l’autorité. Nous ne nous attendons pas à un débordement social qui conduira à des mobilisations de masses, mais nous devenons des catalyseurs de l’histoire au travers de nos actions, en créant la dichotomie “du côté du pouvoir ou du côté de la liberté”. Nous créons des espaces et des temporalités où nous écrivons l’histoire de nos propres mains plutôt que de la subir passivement. La guérilla urbaine anarchiste est une manière de regarder la vie droit dans les yeux, dans le but de former un authentique “nous” collectif. C’est la construction d’un processus de libération anarchiste avec courage, cohérence et détermination. Nous n’évaluons pas nos actions uniquement en fonction du coup porté à l’ennemi mais aussi de la possibilité de changer nos propres vies.
Le projet Nemesis est une proposition internationale de créer une liste avec les noms des personnes de pouvoir afin que nous puissions les attaquer là où elles se sentent en sécurité, dans les coulisses... dans leurs propres maisons. L’explosion de la bombe chez la procureure G. Tsatani était la première attaque, le premier acte du projet Nemesis. Nous partageons ce projet avec toutes les cellules de la FAI-FRI et tous les anarchistes d’action à travers le monde, voulant débuter un dialogue sur la diffusion de la lutte anarchiste. Et nous savons que le meilleur dialogue pour l’estimation d’une action ne peut être autre chose qu’une nouvelle action...
A travers le projet Nemesis nous saluons tous nos compagnons et compagnonnes retenus prisonniers dans les cellules de la démocratie à travers le monde et qui ne sont plus à nos côtés. Il est en particulier dédié aux membres de la CCF Olga Economidou, George Polydoros, Gerasimos Tsakalos, Christos Tsakalos, notre compagnonne anarchiste Angeliki Spyropoulou et les compagnons italiens de la FAI Alfredo Cospito et Nicola Gai.
A toutes celles et ceux qui n’ont pas enterré la hache de guerre...
Conspiration des Cellules de Feu / FAI-FRI
Nous reviendrons bientôt.
Quelques éléments pour une (auto) critique
La récupération nihiliste, Anonyme (Barcelone)
En critiquant le nihilisme [8] nous ne voulons pas mépriser ce courant philosophique et révolutionnaire ni les gens qui s’identifient à lui. Plutôt, nous voulons souligner le rôle qu’il joue souvent. Ce n’est pas une caractéristique intrinsèque au nihilisme, mais une caractéristique historique qui se répète régulièrement. Tout d’abord, nous voulons affirmer que nous sommes inspirés par les coups puissants réalisés par les compagnons nihilistes, depuis la Conspiration des Cellules de Feu et d’autres groupes contemporains, jusqu’à des groupes historiques comme Narodnaya Volna. Nous considérons que nous faisons partie de la même lutte et faisons cette critique à partir de la solidarité.
De tous les courants radicaux anticapitalistes, le nihilisme est peut être l’unique qui a été nommé et dans une certaine mesure crée par le spectacle lui-même [9]. Le terme “nihilisme” trouve son origine dans un livre écrit par le russe Turguenev (un écrivain intéressant, mais qui au final est un progressiste et pas un radical), qui a utilisé ce terme pour décrire les nouveaux révolutionnaires anarchistes et socialistes qui commençaient à apparaître en Russie. C’était des gens qui ne croyaient en rien – “nihil”.
L’adoption de ce nom comme une identité idéologique serait comme si, dans 100 ans, des radicaux de tout le monde s’appellent eux-même “koukouloforistes” ou “encapuchistes” [10]. En d’autres termes, à son origine nihilisme est une expression appliquée par la presse pour ridiculiser ou provoquer la peur autour d’un courant politique.
Une caractéristique du nihilisme des origines a été son rejet total du christianisme et de n’importe quelle croyance ou superstition non rationnelle, et ainsi, une forte adhésion au rationalisme. Dans ce cas, loin d’être radicale, sa position resta dépassée. À ce moment là, le christianisme était déjà en train d’être remplacé comme religion de l’État par la science elle-même, par le rationalisme fétichisé des nihilistes.
Pour le dire autrement, leur désir de paraître très radicaux a été plus fort que leur capacité d’arriver, à travers la pensée critique, à une analyse vraiment radicale qui permette d’identifier les racines du système qu’ils détestaient.
De nos jours on se rend compte du même modèle. Les nihilistes détestent (et avec raison) la gauche et tout ce qui y ressemble, même un peu, ou à ses pratiques [11]. Mais ils ne se rendent pas compte que ça fait déjà des décennies que la gauche est en train de disparaître. Actuellement c’est le spectacle qui revêt une importance plus grande dans le rôle de la récupération de la lutte. Ironiquement, mais fidèle à ses origines, le nihilisme actuel est la plus spectaculaire des luttes anticapitalistes.
Son impact le plus important est dans l’espace virtuel : sur internet et dans les médias.
À la suite d’une vague d’attaques à Barcelone revendiquées sur internet par le groupe “Anarchistes Nihilistes”, de nombreux compagnons se sont demandés si cette impressionnante série d’actions avait vraiment eu lieu ou si c’était bidon. Pas parce que nous ne croyons pas qu’il y ait des compagnon-ne-s nihilistes à Barcelone qui soient courageux et préparés pour attaquer, nous savons qu’il y en a, mais parce que beaucoup des attaques revendiquées ont eu lieu dans nos propres quartiers et nous n’avons eu aucune autre information qu’un article sur Indymedia. Il faut reconnaître que dans une ville aliénée c’est normal de ne pas être au courant des événements qui se déroulent d’une rue à l’autre, c’est pourquoi cela pourrait être une coïncidence que la répercussion principale de ces actions ait lieu sur internet. Mais nous savons que les attaques qui ont été faites au sein des luttes sociales ont eu une répercussion plus importante : on en a parlé dans la rue et elles servaient de référence – négative ou positive, on s’en fiche – pour d’autres personnes en dehors de nos cercles.
Ultérieurement le même groupe a commencé à publier des vidéos avec ses communiqués, ce qui a prouvé que les actions étaient réelles. Mais ça n’a pas augmenté la répercussion directe dans les luttes, ça a seulement fait lumière sur leur spectacularité.
Nous sommes d’accord avec les nihilistes sur le fait qu’il ne faut pas attendre qu’il y ait des mouvements sociaux pour attaquer le système, mais nous ne sommes pas d’accord sur le fait de rejeter ces mouvements et les personnes qui les composent. Pour nous, c’est important de les connaître et de savoir si ce sont des politiques de base ou des personnes réelles, et comme telles, de possibles complices.
Nous nous souvenons de lorsque nous avions 15 ou 12 ans, la joie, la sensation d’émotion dangereuse, que nous avons ressenti en entendant parler d’attaques fortes contre le système. C’est aussi pour cette raison que nous menons des attaques dans les moments les plus visibles : afin d’envoyer des signaux à d’autres personnes, perdues et inquiètes comme nous.
Il est clair que les nihilistes n’attaquent pas simplement pour des motifs personnels, par pur plaisir ou par besoin d’attaquer – une motivation que nous soutenons totalement – parce qu’ils communiquent leurs attaques sur Indymedia avec l’intention de les répandre. Par conséquent il y a un élément stratégique dans leurs actions. Mais stratégiquement on ne peut pas justifier qu’une lutte véritablement radicale adopte et maintienne les formes les plus spectaculaires et surtout reste dans l’espace virtuel.
Lorsque les personnes qui menaient déjà des attaques incendiaires contre le système ont commencé à utiliser les sigles de la Fédération Anarchiste Informelle (FAI), ils ont intentionnellement choisi une forme que leur donnerait une force virtuelle et se sont assurés que la presse prenne note de leur existence. Lorsque les personnes qui ont crée la Conspiration des Cellules de Feu ont abandonné la pratique bien établie au sein de l’espace anarchiste non gauchiste (ou insurrectionnel) en Grèce, et au lieu d’avoir une existence temporelle et de signer chaque communiqué par un nouveau nom (ou n’écrire aucun communiqué), ils se sont formés en un groupe permanent avec une existence symbolique et une mise en avant, assurant son succès dans les moyens de communication.
Nous n’avons qu’à regarder les luttes des années 60 et 70 pour confirmer que la presse, et donc l’État, ne veut pas avoir à faire à une lutte décentralisée et chaotique sans un ennemi bien défini. C’est pour cela qu’ils financent les académiciens : pour redéfinir en permanence leur ennemi. Dans tous les cas, lorsque est apparu un groupe armé gauchiste qui se considérait comme le fer de lance et voulait diriger toute une lutte hétérogène, la presse a réagi immédiatement, convertissant le groupe en un symbole de la lutte, le fixant dans un rôle central et une présence médiatique forte. Dit autrement, il s’est produit une forte confluence entre les stratégies de la presse et celles de ces groupes. Groupes comme la FAI ou la CCF, qui en même temps qu’ils agissent comme les plus radicaux, deviennent vraiment une forme de lutte qui appartient à la gauche révolutionnaire, et comptent sur les moyens de communication pour qu’ils leur donnent une répercussion importante [12].
Certains d’entre eux partagent aussi d’autres caractéristiques avec la gauche : comme les marxistes, ils cherchent le sujet révolutionnaire qui est le seule capable de se rebeller, et le seule digne de respect. Pour les Anarchistes Nihilistes de Barcelone il s’agit des “jeunes criminels” à qui ils imposent leurs idées [13]. Dans le cas d’un groupe très hétérogène, comme “les jeunes criminels”, ils imaginent une conspiration large et révolutionnaire consciente, même si ces nihilistes sans aucun doute connaissent très peu de jeunes qui correspondent à cette description. Et même s’ils affirment que “nous voulons nous unir avec tous les éléments de la lutte“, ils laissent entendre clairement qu’ils rejettent la forme de lutte, avec une arrogance suprême, de tous ceux qui ne sont pas nihilistes ou en affinité avec eux.
Un autre aspect curieux de ces groupes : souvent leurs communiqués, imprégnés d’un ton des plus révolutionnaires, s’adressent à l’ennemi. Ils sont écrits dans un “toi” qui inclut l’État, les riches et les réformistes. Le public préféré de beaucoup de nihilistes, dans la pratique, est celui qui doit être détruit. Mais la négation n’est pas possible lorsqu’il y a un quelconque dialogue. Malgré cela, parfois les nihilistes revendiquent leur transparence ou lisibilité à l’État. Par exemple, “cette affinité et complicité [...] se trouve et se reconnaît à travers le désir commun des attaques ici et maintenant, à travers des signaux de fumée compréhensible parfois seulement pour nous-même et nos ennemis” [14].
Il faut dire que, même si cette façon aussi cohérente de vivre la guerre sociale est admirable et inspiratrice, c’est une conception de la guerre très similaire à la conception qu’a l’État lui-même : un conflit entre deux antagonistes qui se résout par des actions armées dans le but de la destruction de l’infrastructure, du personnel et de la capacité d’organisation de l’un d’eux. La motivation nihiliste se base sur le courage etl’idéal, et comme telle, elle n’a pas de limites, alors que la motivation autoritaire est limité par les possibilités calculées de gagner. Les nihilistes iront à la guerre même lorsqu’ils savent qu’ils ne peuvent pas gagner, et c’est admirable. La différence avec les guérillas maoïstes c’est que le schéma nihiliste n’inclut pas l’éventuel participation des masses à l’organisation politico-militaire de la guérilla. C’est un autre point en faveur du nihilisme. Mais malgré ces deux éléments tant soit peu libertaires, la vision nihiliste de la guerre sociale mène à la militarisation du conflit (le développement du conflit selon une logique étatique) et comme tel, l’augmentation du pouvoir de l’État pour “lire”, comprendre, cerner et réprimer l’ennemi. Pour éclairer la critique, à la différence du maoïsme ou de n’importe quel autre courant révolutionnaire mais autoritaire, nous ne croyons pas que le nihilisme soit capable ni n’est prêt à reproduire un État, mais il mène la lutte sur un terrain étatique.
On ne peux pas proposer la création d’un monde nouveau sans la destruction de celui-ci. Et nous ne pouvons pas planifier la forme du nouveau monde vu que pour l’instant nous ne pouvons pas imaginer les conditions à venir. De plus, en planifiant la forme du monde, ou la planification de la forme de n’importe quelle collectivité plus grande que notre cercle de proches, nous agissons de façon autoritaire. Mais l’État n’existe pas seulement dans ses structures matérielles, mais aussi dans les relations sociales qui se reproduisent, et une relation ne peut être détruite sans la création simultanée d’une nouvelle relation. Il y a toujours une relation entres les corps et êtres d’un même espace. Sans parler de la création de nouvelles relations sociales, on ne peut pas parler honnêtement de la destruction de l’État. Pour le dire autrement, nous en sommes arrivés à une bifurcation entre la proposition d’attaquer l’État et la proposition de détruire l’État. La proposition qui parle plus de destruction, la proposition nihiliste, peut être incapable de réaliser cela, vu qu’elle se dédie uniquement à l’attaque. Ça serait une vision très triste de la “révolte permanente” : attaquer les symboles de l’État sans être capable de toucher la base de son pouvoir.
Du fait que c’est une pratique d’attaque et non de destruction (vu que la destruction des choses non physiques mais sociales requiert aussi un aspect créatif, aspect que les nihilistes ne proposent pas [15]), cela amène facilement sur le tapis le concept de violence. Le discours sur la violence de beaucoup de nihilistes (et pas de tous) est un dialogue en opposition avec le discours pacifiste des citoyens. C’est un dialogue entre l’ange et le démon, mais toutefois un dialogue. Au lieu de rejeter la dichotomie du spectacle par rapport à la violence, ils prennent le pôle opposé du pacifisme au sein du même paradigme crée par lui. Le truc le plus vieux de la démocratie c’est le contrôle des termes du débat pour que les deux choix qui se montrent, le bon et le mauvais, reproduisent la logique du pouvoir et de l’État. Ce n’est pas possible d’arriver à une vision radicale au sein du paradigme étatique. Malgré cela, le nihilisme, depuis ses origines a représenté le diable en personne, le choix du mal défini et désigné par le spectacle même. Le conflit transcendantal du nihilisme est le suivant : choisir la posture du mal qui mène à bien toutes les fonctions qui donnent sens à l’opposition pacifiste et citoyenne, à choisir le projet de la négation radicale des fondements du système et, comme tel, la négation de la hiérarchie patriarcale des tactiques, la catégorisation et fétichisation de la violence et les formes aliénées et spectacularisées de communication.
La récupération nihiliste est une récupération des moments symboliques des luttes hétérogènes au sein d’un discours sur la violence, qui est le même travail que la presse réalise en ce qui concerne ces luttes, même si la presse le fait pour provoquer la peur et le nihilisme le fait pour provoquer une illusion simplifiée et virtualisée de sa propre force, au sein d’une narrative héroïque de combat entre l’Autorité et le Rebelle.
Cette narrative et la spectacularisation antérieurement mentionnée sont aussi alimentées par le choix des objectifs d’attaque : souvent ce sont des personnages ou des symboles du rôle de l’État (comme les politiques ou les façades des ministères) au lieu d’engrenages de l’État. Cette approche de la lutte est une autre chose que les groupes nihilistes comme CCF ou Narodnaya Volna d’il y a un siècle partageaient avec des groupes de gauche comme les Brigades Rouges ou la RAF. Nous aimons l’idée que les bâtards qui nous gouvernent aient peur ou encore mieux, sentent les baisers amers des balles ou du couteau, mais nous croyons que ça n’est ni intelligent ni libertaire de diriger une grande partie de nos attaques contre les masques du pouvoir, et d’une façon tant professionnalisée que c’est presque impossible pour ce type d’attaques d’être généralisée.
En prenant en compte que beaucoup d’entre eux ont choisi une hiérarchie patriarcale de tactiques, par une vision de soi-même comme acteurs principaux d’un combat héroïque contre l’État, et qui soient conditionnés par un rejet total de la gauche (par cela nous voulons dire qu’ils ne font pas la différence entre la gauche en tant que force institutionnelle et les mouvements ou personnes que la gauche prétend institutionnaliser), c’estpratiquement inévitable qu’ils fassent face à d’autres anti- autoritaires qui ne sont pas de la même ligne avec un orgueil exagéré et qu’ils les confondent avec les ennemis.
Aux émissaires et martyres de la lutte armée, même si ils peuvent représenter des lignes très différentes et même contradictoires, comme Lambros Foundas de Grèce ou Marcelo Villarroel du Chili, les nihilistes les agglomèrent et les acceptent comme compagnons, comme les seuls qui luttent, et parlent du reste comme si nous étions pacifistes et réformistes.
Nous savons que ça n’est pas le cas. Nous savons que nous avons allumé de nombreux feux, et que nous avons fait beaucoup d’autres choses également importantes. Lorsqu’ils répondent à nos critiques comme si nous étions vendus, nous savons qu’ils ont seulement peur du débat. C’est possible que certains d’entre eux aient tout leur sang dans leur cœur et pas une goutte dans le cerveau. Mais nous sommes fatigués qu’ils cassent toujours la solidarité. Ils doivent apprendre à critiquer d’autres lignes de lutte sans adopter l’arrogance et l’élitisme qui appartient à une avant-garde.
Nous sommes des anarchistes qui critiquent la part de notre tradition qui vient de la gauche, mais nous sommes aussi reconnaissants pour toutes les erreurs de cette tradition, vu que ce sont des opportunités pour apprendre. Nous croyons en la négation totale de toutes les bases du système actuel. Par cela nous voulons aussi dire la négation de leur spectacularisation, leur aliénation et isolement, la conquête et la destruction de l’imagination, la dichotomie entre la violence et la non-violence, et leur concept de militarisation qui a aussi influencé nos propres luttes.
Nous terminons par un salut solidaire aux compagnon-ne-s Anarchistes Nihilistes, Lobos Negros et toutes les personnes qui réalisent des attaques dans les rues de Barcelone. Nous espérons que vous continuerez vos actions et critiques, mais aussi que les voies de communication et la solidarité qui nous unissent s’amélioreront.
Au sujet de certains sites anarchistes
Auparavant nous avons publié un article annexe à celui-ci (“Communiqué pour des actions anarchistes à Barcelone et réponse aux compagnons nihilistes”). Et des sites comme Liberación Total et War on Society ont refusé de les publier. Il s’agissait d’un communiqué sur des actions directes accompagnées par un texte critique sur certains concepts de lutte dans le milieu anarchiste. Les deux sites publient presque exclusivement des textes de ce genre. Nous nous demandons à quel moment vous avez débattu et décidé que des actions d’attention, de transmission de la mémoire collective de notre lutte, de création de relations communes et de soutien mutuel, ne constituent pas des actions importantes ? Dans quel texte ou conversation vous avez argumenté sur pourquoi seules les attaques sont importantes ? Et à quel moment vous avez analysé et conclu que cela ne constitue pas une hiérarchie patriarcale de tactiques, ou que le patriarcat ne constitue pas un système de pouvoir indispensable dans l’évolution de l’État et du capitalisme ? Est-ce que vous pouvez articuler une vision propre de la racine de l’État et du capitalisme qui ne passe pas par le patriarcat ? La vérité c’est que nous doutons qu’un tel processus de débat, de pensée critique ou d’analyse historique existe. Et la question à laquelle personne ne peut répondre : si votre manque de pensée critique provoque plus d’échec stratégique, qui va être là, soutenant et récupérant le fil de la lutte, comme tant d’autres fois oubliées ?
Mais ce qui nous dégoûte vraiment c’est que d’autres fois vous avez publié nos textes, mais cette fois-ci il semble que vous préfériez que nous gardions le silence. Nous luttons dans les rues côte à côte, cependant lorsque nous critiquons la vision de la lutte que certains ont, on nous met dans le même sac que les réformistes, gauchistes, citoyens et pacifistes : et ce qui nous dégoûte le plus c’est que si nous mourrons dans cette lutte, ce qui peut arriver autant à nous qu’à vous, vous ferez de nous les nouveaux symboles de votre vision partielle de la lutte. S’il vous plaît, un peu plus d’autocritique, compagnons !
Communiqué d’actions anarchistes et réponse aux nihilistes , Anonyme (Barcelone- mars 2013)
Avec ce communiqué nous voulons revendiquer les actions suivantes, comme faisant parti d’une lutte pour la destruction de l’État, du Capital, du patriarcat et tout système de domination, une lutte pour la création libre de relations volontaires et solidaires à niveau global et au niveau local ; en d’autres termes, un lutte pour l’anarchie.
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5 janvier : le soir nous avons conté une histoire à un enfant sur les maquis et la lutte anarchiste contre Franco et contre la démocratie.
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13 janvier : nous avons cuisiné un repas sain pour une compagnonne qui a une maladie chronique.
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17 janvier : nous avons écrit une lettre à un compagnon en prison pour avoir participé à une émeute.
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12 février : nous avons gardé les enfants d’amis en situation de précarité économique obligés de se salarier.
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16 février : nous avons discuté ouvertement avec nos voisins au sujet de la nécessité de brûler des banques et d’attaquer la police pour réaliser nos rêves.
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19 février : nous avons dit à des activistes de gauche que les encapuchonnés n’étaient pas des flic infiltrés mais que c’était nous, et qu’il était bien de se mettre une capuche et de prendre les rues par la force.
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28 février : nous avons offert des légumes de notre jardin à des amis et des voisins, sans argent ni contre-partie.
Pourquoi nous revendiquons ces actions ? Ces derniers mois nous avons aussi renversé des poubelles, brûlé des banques, blessé des journalistes, brisé des vitrines de magasin et attaqué des policiers.
Pour nous les attaques contre le système sont essentielles dans notre lutte. Mais nous nous sommes trompés nous-même. Une lutte ne consiste pas seulement en des attaques. Les attaques NE sont PAS plus importantes que la nécessité de prendre soin de nous, de maintenir et diffuser notre histoire collective, de créer des relations basées sur le don, la solidarité et la réciprocité, d’imaginer de nouveaux mondes et de nouvelles luttes, de confronter notre isolement et d’établir des relations subversives et honnêtes avec des gens qui sont en dehors du ghetto catégorique et politique dans lequel le Spectacle nous cache.
Il devient évident que nous avons perdu à plusieurs reprises dans le passé, et que le plus dur de tout est la fracture historique et la perte de notre mémoire de lutte ; c’est de devoir partir de rien. L’hyper-aliénation, contre laquelle le nihilisme est la réponse logique, n’est pas plus que le résultat de la défaite dans des luttes passées. Nous nous trouvons dans un ensemble qu’il faut détruire, uniquement parce qu’il ne reste plus rien de ce que nous avons construit dans le passé. Pour ne pas tout perdre à chaque fois que nous nous soulevons, nous devons nous soutenir, pas comme des individus isolés mais comme une commune, comme une lutte collective et multi- générationnelle. Et ça, on ne peut pas l’obtenir en donnant une priorité exclusive aux attaques.
La hiérarchie des tactiques appartenant à la gauche a été très peu modifiée au sein du nihilisme : ils ont choisi le fer de lance, les actions soi-disant plus importantes, comme les seules qui importaient, et ils ont oublié le reste.
C’est une vision patriarcale et contre-productive. C’est l’oubli de toutes les actions, d’abord invisibilisées par le patriarcat, ensuite par le capitalisme, et enfin par la gauche soi-disant anticapitaliste, qui sont nécessaires pour la vie et aussi pour la lutte. La tactique la plus agressive n’a de sens et ne peut être soutenue que dans un complexe d’actions de tout type, tant qu’elles sont libertaires et directes.
En ne comprenant pas que lutter signifie porter avec nous un nouveau monde qui attend de naître des cendres du système de domination, nous nous transformons en de simples armes contre le capitalisme, en outils destinés à détruire, sans les autres choses dont les humains avons besoin pour vivre et lutter. C’est le capitalisme qui veut nous traiter comme des outils. Nous ne devrions pas faire la même chose.
En vrai ça nous fait plaisir d’entendre parler des attaques des nihilistes et d’autres compagnons. Nous savons très bien que le courage et la rage sont deux des éléments les plus importants pour se rebeller. En particulier à Barcelone, il nous a semblé que c’était une erreur que ces dernières années il y ait moins d’attaques illégales alors que sont apparues plus d’opportunités de participer à des espaces larges. Naturellement, l’augmentation des attaques, réalisées par des nihilistes et par des compagnons plutôt “sociaux”, nous a plus. Et à un niveau global, nous avons ri lorsque nous avons appris que le directeur de la centrale nucléaire Ansaldo en Italie s’était pris une balle dans le genou et ça nous a fait plaisir de lire des cartes de compagnons (nihilistes et autres) emprisonnés en Grèce qui ne se sont pas laissé prendre par la peur.
Mais trop de fois nous avons vu des compagnons qui, à cause du désespoir, de l’impatience et de l’aliénation, se sont négligemment jetés dans la guerre contre l’État que nous vivons tous au quotidien. Ils ont toujours finis morts ou en prison, et ceci plusieurs fois en moins d’un an. Et ensuite qu’est-ce qui s’est passé ? Les compagnons qui avons survécu nous avons fait tout ce que nous pouvions pour nous entre-aider et aider les prisonniers, pour ne pas oublier ceux assassinés, pour ne pas laisser la répression prendre le dessus, pour ne pas perdre toute notre force et ne pas permettre une fracture historique qui nous enlèverait notre mémoire collective de lutte.
Mais peu à peu cette mémoire se perd, et tous les quatre ans apparait un nouveau groupe qui néglige les autres tâches de la lutte pour se consacrer uniquement à la destruction de notre ennemi commun. Et lorsque nous les soutenons mais aussi lorsque nous les critiquons, ou même parfois sans même les critiquer, ils nous traitent de lâches pour nous consacrer à d’autres tâches (bien que nous participons aussi aux émeutes ou aux actions nocturnes), pour diverger avec eux idéologiquement et ne pas glorifier leur groupe ou fédération informelle.
Ils ne savent pas à quel point ils ont déjà perdu, parce qu’une tâche qu’ils négligent c’est la transmission de la mémoire. Au lieu d’une mémoire profonde, vivante et stratégique, ils ont seulement leurs martyrologies. Et ainsi nous devons voir comment nos amis et compagnons deviennent des symboles, et finalement des armes, de l’idéologie. Certains des compagnons morts étaient effectivement nihilistes. Mais au sein de la martyrologie nihiliste il y a aussi des compagnons qui sont récupérés et qui ne faisaient parti d’aucune de ces bandes, ou bien qui appartenaient clairement à l’autre bande de cette division stupide entre “sociaux” et “antisociaux” (comme Lambros Foundas). Leurs noms et images sont utilisées pour encourager des attaques, la destruction totale, sans s’arrêter pour réfléchir sur leur erreurs ou sur les vrais projets que ces compagnons avaient lorsqu’ils étaient vivants.
C’est évident que nous devons lutter, et ça implique des possibilités de mort ou de prison. Mais ça ne signifie pas que nous devons célébrer la mort ou la prison. Le suicide aussi est une forme de résistance, mais n’est pas révolutionnaire.
C’est évident que nous devons nous souvenir de nos morts et prisonniers, mais ça ne veut pas dire de les transformer en martyres ou héros.
En conclusion, nous voulons critiquer l’état actuel de la littérature anarchiste, comme étant basée de façon disproportionnée sur des communiqués superficiels qui manquent de contexte, d’analyses et de réflexion, et qui seulement mettent en valeur les attaques et pas les autres tâches que nous devons effectuer pour nous maintenir vivants et forts.
Bien sûr, cela nous aide à être au courant des actions clandestines faites par d’autres compagnons. Cela nous donne la force et la joie de lire qu’un symbole du pouvoir a été cassé ou brûlé. Mais c’est beaucoup plus utile de penser ( et écrire) au sujet des stratégies de conflictualité, selon chaque moment et lieu, au lieu d’encourager la vision quantitative de la lutte.
Nous refusons de convertir notre rébellion en une équation mathématique pour mesurer notre rage : plus nous donnons de coups et nous faisons des incendies, plus forts nous serons ; plus importants sont les dommages, plus importante sera l’action. C’est la pensée d’un économiste, d’un général ou d’un idiot.
Pour toutes ces raisons, nous avons décidé d’écrire ce communiqué pour revendiquer une série d’actions que nous considérons aussi importantes que les attaques qui ont lieu actuellement. Ce sont des actions que nous faisons chaque semaine, normalement sans le penser deux fois ni le publier sur internet. Nous les publions maintenant pour rendre visible une préoccupation personnelle et une faiblesse généralisée à travers l’espace anarchiste.
<strong>CONTRE LES COMMUNIQUÉS !
POUR L’ANARCHIE ET TOUTES LES TÂCHES DE LA LUTTE !</strong>
L’exigence, Anonyme
Il existe dans les milieux qu’on fréquente des codes politiques implicites : s’habiller en noir, parler de telle ou telle manière, etc. Si des gen-te-s revendiquent l’exigence, la cohérence personnelle comme une part de leur idéologie politique, d’autres ne le revendiquent pas mais mélangent attitude personnelle et idéologie politique, et donc créent un code implicite (non-revendiqué politiquement mais qui devient une part d’une vision politique et qui crée un sorte d’hégémonie dans des sous- secteurs du milieu). Pour d’autres, ces deux plans (humain/moral et politique) sont séparés. En effet, ce n’est pas parce que quelqu’un-e a une vision stratégique/éthique radicale qu’il/elle doit avoir une vision morale/exigeante vis-à-vis des autres êtres humains. Tu connais sans doute certaines personnes qui ont une vision stratégique/éthique radicale mais pas une vision morale/exigeante de l’être humain. Je fais ici une différence entre éthique et moral, éthique renvoyant à ce qu’on trouve logique de faire en fonction des conséquences de cet acte et moral renvoyant plutôt à ce qu’on doit faire pour être de bonnes personnes. Je conseille de se renseigner sur la distinction que fait Sartre entre responsabilité morale et responsabilité existentielle.
Parler de cohérence ou d’exigence renvoie à deux questions très différentes suivant que l’on parle de la cohérence dans les formes d’action d’un groupe ou d’un individu dans la lutte (pour simplifier, on peut alors parler de radicalité) et de la cohérence comme niveau de qualité auquel l’être humain doit arriver.
Dans le deuxième cas, la non-cohérence d’un individu peut se traduire par des comportements oppressants envers les autres membres du groupe, c’est vrai, mais le problème n’est pas le bas niveau de cette personne, c’est plutôt comment éviter ces comportements afin d’être tou-te-s à l’aise. Si une personne fait chier, c’est peut-être bien qu’elle ne reste pas dans un groupe, mais ça doit être calculé en fonction de son impact, pas en fonction de son niveau de qualité humaine. Quelqu’un-e peut être la meilleure des personnes dans un contexte, mais engendrer des dynamiques pénibles dans un autre.
Dans le premier cas (formes d’action dans la lutte), je n’arrive pas à voir l’impact de la non-cohérence individuelle dans un engagement politique. La radicalité est, je crois, liée à la stratégie du groupe. Je trouve la volonté importante dans la lutte, mais dans le cas seulement d’une volonté individuelle que veut se fédérer afin de passer à l’action politique, ce qui pour moi est l’expression d’une volonté de vivre, d’une force vitale basique. La volonté de cohérence peut être une volonté de vivre, si elle est une volonté de cohérence avec soi-même. Si je trouve que quelque chose a du sens, je sacrifie une partie de moi-même à une autre partie de moi-même que je trouve plus importante, ce qui est éthique comme expression de soi dans le monde, avec un coût de frustrations immédiates à endurer. D’ailleurs toutes les personnes de volonté savent supporter la frustration, car l’affirmation de soi nécessite parfois la frustration, le confort allant souvent de pair avec la perte de confiance en soi et la non-affirmation de soi (affirmation pas dans le sens d’une prise de pouvoir sur l’autre, mais dans le sens d’une prise de pouvoir sur soi à travers l’existence).
La volonté morale est une volonté de mort, une volonté d’aliénation de soi-même à des normes morales, à des modèles de référence considérés comme supérieurs à soi- même. Les détenteurs et détentrices de ces normes sont plus haut-e-s dans la méritocratie, la concertation collective des normes et valeurs, etc. Ielles sont le point de référence qui peut valider ou refuser ton être. Le regard des autre est alors un dispositif de pouvoir qui évalue si l’aliénation à soi-même est assez grande pour correspondre à la norme.
Pour que fonctionne un groupe qui expérimente de nouvelles pratiques, le point le plus important est-il l’effort de volonté morale des individu-e-s ? Le groupe doit-il être à un niveau humain suffisant pour que sa critique soit efficace et pour qu’il puisse trouver des adeptes dans le monde extérieur ? Les héros, les libres-penseurs, les courageux qui n’ont pas peur de se remettre en question sont donc l’avant-garde que les moutons doivent suivre ? Ou bien tout personne est-elle parfois traversée par des mécanismes de conservation et parfois par des forces rebelles ? Est-ce que la lutte devrait vraiment être anticipée par une avant-garde de gen-te-s qui ont atteint un niveau suffisant pour être un exemple pour les autres ?
Une hiérarchie se crée alors entre les individu-e-s selon le critère de la volonté morale. Et si des individu-e-s n’ont pas atteint un niveau de cohérence suffisant, ne vont-ils jamais être à même d’attaquer le pouvoir ? Est-ce juste le rôle de l’avant- garde ?
Est-ce que la tendance à la domination dérive de la volonté de domination des individu-e-s, de ses mauvaises intentions ? Je ne pense pas, je crois plutôt que le pouvoir dérive des moyens matériels nécessaires à son exercice et de la possibilité de légitimer et exiger le rapport de pouvoir vis-à-vis des autres, par des discours, des normes, etc. Les gen-te-s dominant-e-s, dans la micro-politique, sont souvent des gen-te-s qui croient être dans leur droit, et veulent le faire accepter par les autres, ce ne sont pas des personnes « méchantes » ou égoïstes, mais des personnes qui ont un gros ego et qui arrivent à faire croire à eux-mêmes et aux autres que leur importance leur est due.
De plus, l’exigence est un niveau décidé collectivement auquel un-e individu-e doit arriver. Il y a là reproduction du mécanisme social qui crée l’envie du pouvoir : la morale. Celle-ci permet de casser la volonté de vivre, qui est égoïste à la base, mais aussi potentiellement solidaire. Après une première phase égoïste, l’enfant peut coopérer avec les autres à des fins collectives et comprendre que l’autre souffre parce qu’il est égoïste comme lui. Il/elle évite alors de blesser l’égoïsme des autres parce qu’il/elle se reconnaît dans l’égoïsme des autres. La morale donc, permet de casser et canaliser la volonté de vivre vers les chemins socialement acceptés, et de légitimer les volontés de domination dans le cadre socialement accepté : si une personne exerce une domination dans le cadre de la morale sociétale, elle se perçoit comme légitime. C’est une politique de la névrose : la volonté de vivre est réprimée pour faire entrer la société dans l’individu-e ; elle est donc détournée vers la domination dans laquelle l’être humain peut défouler sa volonté de vivre frustrée au travers de la destruction légitime de la volonté de vivre de quelqu’un-e d’autre.
Je veux différencier le travail sur les structures et le travail sur l’exigence. Dans le cas d’un travail sur les structures afin d’empêcher la domination, si une personne a un fonctionnement nuisible dans un groupe ou un contexte, l’exclusion peut être pertinente. Par exemple, à un soirée samedi dernier, un mec faisait chier les nanas, il a été mis dehors, ce qui a rendu la soirée plus libre pour les personnes présentes. Cette exclusion était utile. Dans le cas d’un travail sur l’exigence, une personne en elle-même, en n’atteignant pas les prérequis moraux, pollue et diminue le niveau humain du groupe. Mais est-ce que dans un groupe les personnes sont présentes dans leur totalité ? Je pense pour ma part que dans une situation sociale, une personne n’est jamais présente dans sa totalité, on a plutôt affaire à un rôle.
Pour moi, un groupe, une pratique, un mécanisme est un outil externe à l’individu-e qu’il/elle utilise dans un but. Bien sûr, l’individu-e influence le groupe, y met une partie de lui-même ou d’elle-même, mais le groupe reste une œuvre extérieure. Si je construis une maison, elle exprime mon idée du beau, mais je ne suis pas la maison que j’ai faite. Dans le cas d’une volonté de cohérence politique, l’individu-e s’identifie avec son groupe ou sa pratique politique, il mélange les deux plans, il ne peut pas accepter de faire partie d’un groupe qui ne le représente pas totalement, qui salit sa cohérence.
En gros, la théorie exprimée ici est que l’exigence est un mécanisme basique de création de la nécessité d’un rapport hiérarchique. La volonté de vivre est bloquée et détournée vers la morale sociétale, donc vers la volonté de domination.
Est-ce que le problème de la domination est dû à des egos individuels destructifs ou à des mécanismes qui leur permettent de prendre de la place ? Est-ce qu’un milieu politique qui a pour pratique de surveiller et mettre des étiquettes sur les autres ne donne pas l’espace aux egos d’écraser les autres, via des figures comme le moralisateur/la moralisatrice, le courageux/la courageuse, le/la cohérent-e ?
Est-ce que la cause du pouvoir est la volonté de pouvoir ? La mauvaise intention des gen-te-s ? Ou ne serait-ce pas plutôt les structures qui créent le pouvoir ? Est-ce que la force motrice des luttes doit être la volonté de justice, la force morale, la cohérence, le sens de culpabilité, l’effort de s’identifier à un modèle extérieur ? Ne serait-ce pas plus intéressant que la force motrice des luttes soit une volonté de vivre qui s’allie et se reconnaît dans la volonté de vivre des autres ?
Pour prendre un exemple, deux rats sont dans une cage où l’eau est en train de monter, il leur reste peu de temps pour l’ouvrir et sortir seul-e serait beaucoup plus facile. Certains rats vont s’entre-tuer pour s’en sortir. D’autres rats, avec un sens moral très développé, vont se retenir de tuer l’autre et vont soit mourir, soit trouver une solution pour s’en sortir.
Mais la grande question n’est pas d’arriver à faire améliorer la qualité morale des rats pour qu’ils ne se battent pas dans la cage, c’est plutôt comment ne pas finir dans cette cage de merde ? Comment construire des structures de libération ?
Bibliographie et Sources
En ligne
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Contra info - fr-contrainfo.espiv.net
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Indymedia nantes - nantes.indymedia.org
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Chat noir émutier - lechatnoiremeutier.noblogs.org
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Attaque - chronique de la guerre sociale en france — attaque.noblogs.org
Plus sur l’internationale noire (en anglais)
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’ 325 ’ - 325.nostate.net
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Act for freedom now ! - Actforfree.nostate.net
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Contra info - En.contrainfo.espiv.net
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Inter arma - Interarma.info
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War on society - Waronsociety.noblogs.org
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Dark Matter - darkmatter.noblog.org
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Untorelli press - untorellipress.noblogs.org
Brochures
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Ecrits en solidarité et communiqués Monica Caballero et Francisco Solar
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Mon nom est personne, contributions anarchiste à un débat autour de l’anonymat et l’attaque
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Communisation, le déclin sénile de l’anarchie, CCF
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Le soleil se lèvera toujours, CCF
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Toutes les valeurs des cette société sont des prisons de haute sécurité, (ed.Ravages)
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Contre l’unité (ed. Ravages)
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De la politique à la vie (ed. Ravages)
P.S.
Je n’ai utilisé que des textes et communiqués déjà traduits.
Pour toutes remarques, contributions et critiques : nousnevoulonsplusattendre (at) riseup.net
[1] Anarchiste de « praxis » ou anarchiste « d’action » est utilisé pour représenter l’ensemble des groupes ou individu- e-s pour qui l’attaque, la communication, la solidarité et l’internationalisme sont au cœur de leurs pratiques, ceci étant cela ne représente pas une pensée politique uniforme, mais plutôt une méthode, sous ce terme on peut retrouver différentes tendances anti-autoritaire.
[2] Bure et sa région, dans l’est de la france, ont été choisi pour l’enfouissement de déchets nucléaires. Depuis plusieurs années une lutte hétéroclite est en cours.
[3] En référence aux manifestations contre l’usine d’armement Nobel-Sport situé a Pont-de-Buis-les Quimerch’(France).
[4] Le « nous » fait référence dans ce paragraphe aux petit milieu anar-squat-vandal-toto dont les bases politiques ne sont pas toujours très claires dans lequel j’ai évolué.
[5] Organisé en partie par les appelistes, qui en avait fixé les contours, notamment en mettant la pression aux vandal-e-s pour ne rien casser et se limiter a de la peinture, avait été le théâtre de confrontation physique entre anarchiste et autoritaire. Plus étonnant un certains nombre compagnon-ne-s anti-autoritaire avaient respecté les injonctions de la manif sans rechigner ! (cf : Vive le Kassnaval sur indymedia nantes)
[6] Ce terme est employé pour représenter l’ensemble des groupes et individus de différentes tendances qui ont fait de l’attaque et la communication entre anarchistes d’actions le centre de leurs interventions.
[7] Je souhaite préciser que dans la plupart des cas j’ai utilisé des textes traduits par d’autres et je ne sais pas a quel point la volonté des auteur-e-s a pu être modifiée lors des traductions.
[8] Par nihilisme nous entendons un courant de lutte qui n’est pas bien défini, mais qui peut être reconnu à travers une certaine affinité dans les questions suivantes 1) un refus du capitalisme, de l’État, de la gauche, de la société (compris comme l’ensemble des forces qui organisent la vie quotidienne), et n’importe quelle forme de domination ou pacification des conflits. 2) une pratique qui se centre exclusivement sur les attaques physiques contre la paix sociale, les édifices ou les agents du système, et en second lieu sur l’organisation de la propagande et de la communication autour de ces attaques, avec l’intention d’encourager sa reproduction dans d’autres lieux (on trouve une vision claire de la seconde priorité dans le communiqué des prisonniers de la CCF en Grèce, “Lettre de la CCF en solidarité avec les compagnons réprimés en Italie”, publié le 5 avril 2012). 3) la croyance dans la négation totale du système, de telle manière que la formulation de propositions ou visions en ce qui concerne l’auto-organisation ou la création d’un monde ou d’une communauté libertaire sont aussi refusés. 4) un pessimisme en ce qui concerne la révolution qui pourrait faire renoncer à la possibilité de “gagner”, et même le concept de révolution, mais qui dans n’importe quel cas fonde la volonté de lutte non pas dans des possibilités de réaliser une révolution, mais plutôt dans la nécessité personnelle d’attaquer et de ne pas vivre comme un esclave.
[9] Les “indignés” pourraient aussi être cités, sauf que pour arriver à être radicaux et anticapitalistes les participants de ce premier mouvement ont du dépasser leur propre identité de citoyens indignés.
[10] du grec κουκουλοφοροι et de l’espagnol encapuchadxs, tout deux désignant les personnes qui ont le visage caché en manif. En français on dirait casseurs cagoulés.
[11] Dans leurs communiqués d’avril et mai 2012 les Anarchistes Nihilistes critiquent durement la gauche. Le communiqué du 1° novembre 2012 de la “Coordination Nihilistes II” de Barcelone revendique le sabotage de quelque 130 DAB au cours des trois mois passés, avec les “Lobos Negros”. Le texte ne désigne pas la gauche mais parle d’une “attitude d’activiste” et des syndicats. Les auteurs gardent leur plus grande critique pour la CGT, syndicat anarcho-réformiste. La critique se focalise sur un événement dans la manifestation de la veille, lorsque le SO de la manif a cassé la gueule à un jeune qui lançait des œufs. La critique de la pacification qu’exerce la CGT est précise : sa tendance bien à elle de pacifier est vraiment de trop, c’est un danger que beaucoup d’anarchistes oublient, tranquillisés par leur drapeau rouge et noir. La Coordination Nihiliste signale l’hypocrisie de la foule qui accepte ce fait, car si ça avait été la police qui avait cassé la gueule au jeune ils auraient tous gueulé contre la démocratie. C’est un bon argument, mais leur indignation vis à vis de l’usage de la violence de la part de la CGT est problématique parce qu’un syndicat peut pacifier une foule par des moyens beaucoup moins visibles.
[12] Par exemple, on note une certaine préoccupation et déception, dans le troisième communiqué de la CCF-FAI du Mexique, que le procureur, tout comme les médias de communication, “se joint aussi au silence et à la minimisation cachant notre lutte”.
[13] Ou dans un autre paragraphe, “les protagonistes sont ces jeunes sauvages, problématiques, déracinés, ces jeunes de minorités ethniques et de basses classes sociales, dont par un cri nihiliste-révolutionnaire nous commençons à ouvrir les yeux”. Il se pourrait que certains auteurs – même si pas tous – de ce communiqué appartiennent à la démographie mentionnée. Mais, d’une, il y a juste une petite partie du reste de la jeunesses criminelle qui est est familiarisée au nihilisme révolutionnaire ou d’accord avec celui-ci, et de deux, la démographie est un travail de l’État, du marxisme ou des politiques de l’identité. La citation est extraite du communiqué “Anarchistes Nihilistes de Barcelone” du 25 avril 2012. Dans son communiqué du 9 mai 2012 ils disent clairement qu’ils parlent de “ces jeunes” comme des personnes extérieures pour qui lutter et signalent que “nous luttons pour eux parce que ce sont les seuls qui, bien qu’inconsciemment ou non, se rebellent contre la société capitaliste, qui sont victimes d’agressions fascistes et policières.” On peut constater que ce n’est pas vrai que “le jeune qui doit maintenir sa famille seul, qui passe ses journées dans la rue à chercher de la nourriture ou à faire de la récup’” n’est pas le seul qui se rebelle contre la société capitaliste, mais c’est lui que les Anarchistes Nihilistes ont décidé de mettre en avant comme le sujet révolutionnaire et comme victime pour qui il faut lutter. Vu qu’ils luttent au nom du seul vrai rebelle, tous les autres nous ne sommes pas de vrais rebelles si nous ne sommes pas d’accord avec les compagnons nihilistes sur comment lutter. À la différence du communiqué de mai (“La ville des bombes reviendra”), celui d’avril (“Nouvelle vague d’attaques incendiaires et sabotages ...”) est vraiment beau. “Pour nous, nos compagnons ce sont les jeunes qui, au lieu d’occuper leurs écoles et de lancer des déclarations réformistes, décident de détruire celles-ci faisant exploser les cages et brûlant les livres manipulateurs”, qu’on se le dise ! Mais ils persistent dans leur contradiction manipulatrice, d’un côté ils font appel à une grande solidarité (“Nous voulons nous joindre avec tous les éléments de lutte” et “Les actions sont dédicacées à tous ceux qui lors de la grève du 29 mars ont reçu des flash-balls, ont été arrêtés, emprisonnés, jugés et frappés”) et d’un autrecôté ils ne reconnaissent pas les luttes différentes de la leur. Par exemple, de nombreuses personnes qu’ils mentionnent, frappées ou arrêtées lors de la grève, sont gauchistes ou soc-dem. Alors, ce sont des compagnons ou non ? Ils ne méritent la solidarité seulement lorsqu’ils deviennent des martyrs ?
[14] Le texte d’introduction de l’édition espagnole du livre sur la CCF, Reventando lo existente, reflexiones del combate minoritario, 2011, p.6.
[15] Les “Anarchistes Nihilistes” de Barcelone ne se considèrent pas entravés par leur manque de rêve, mais au contraire plus “dangereux”.