Non Fides
Pourquoi nous ne les soutiendrons jamais
Le Hezbollah, le Hamas ou tout autre groupe armé dit de « résistance anti-impérialiste »
Littéralement le Parti de Dieu (Hizb Allah), le Hezbollah se décline en deux silhouettes, une branche civile qui peut être comparée à un parti politique, et une branche armée, sa nature première. Il fut créé lors de l’invasion israélienne du Liban en 1982, d’emblée financé par l’Iran et la Syrie qui resteront jusqu’à aujourd’hui ses principales sources de financement avec entre autres, le commerce de diamants, le racket et autres sources de financement occultes comme le trafic international de drogue (notamment avec des filières démantelées en juin 2005 au Brésil et en Équateur). La branche armée du mouvement politique chiite libanais serait aujourd’hui plus puissante que l’armée nationale libanaise.
De plus, le parti joue un rôle social important au Liban. Il y est le premier employeur , il a aussi permis la création d’hôpitaux, d’orphelinats, d’écoles, de soupes populaires et autres services rendus à la population en échange d’une adhésion idéologique au national-islamisme du parti. Seulement le Hezbollah n’est pas un mouvement social implanté localement et attirant la sympathie puisque son traitement des civils passe aussi parfois par leurs utilisation en bouclier humain, provoquant la mort de nombreux libanais civils. Pourtant le Hezbollah, par ses fait d’armes contre l’armée israélienne, s’attire la sympathie de nombreuses puissances politiques arabo-musulmanes, mais aussi de nombreuses organisations d’extrême gauche, ou d’extrême droite notamment en France. C’est aussi le cas du Hamas, acronyme partiel de harakat al-muqâwama al-’islâmiya (« mouvement de résistance islamique ») mouvement islamiste palestinien sunnite important dont les attaques de sa branche armée, tout comme le Hezbollah, visent indistinctement civils et militaires israéliens.
Comment la majorité de l’extrême gauche et une partie du mouvement libertaire peut elle se solidariser avec ces partis totalitaires et ultra-religieux ? Cette solidarité, c’est « l’anti-impérialisme des imbéciles ».[1] Un alter mondialisme qui dérive et dérape. Qui dérape lorsque son anti-sionisme se mue en un antisémitisme, somme toute, assez classique dans l’histoire de la gauche. Qui dérive lorsque ses prémisses sont invalides. En effet, pour ces gens, « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». La politique déplorable du commandement israélien les poussent à soutenir toute forme de contestation de cette politique belliqueuse, et ce quitte à opérer des alliances avec l’islam politique, les ultra-religieux, les nationalistes arabes et l’extrême droite parfois neo-nazie. Quand les gudards rencontrent les gauchistes…
Daniel Bensaïd, maitre à penser et théoricien de la LCR, estime par exemple que « Tariq Ramadan peut être (ou devenir) un théologien alter mondialiste. Il peut constituer un allié de circonstance dans les combats contre l’uniformisation marchande et la misère du monde » [2] . Ramadan, fervent défenseur de l’Iran, du Hezbollah, du Hamas, de la femme au foyer, de l’excision et de la charia. C’est la déliquescence théorique qui pousse cette extrême gauche contestataire (mais institutionnelle) à se jeter dans les bras des premiers fascistes verts venus sous le simple prétexte de combattre un ennemi commun, ou parce que cet « islam de libération » revêt parfois la dalmatique rouge. L’Islam, qui signifie soumission, peut il être de libération ? Aucune religion ne peut prétendre libérer, nous connaissons l’Histoire.
Cette partouze idéologique a trouvée son catalyseur avec le conflit israélo-palestinien. On peut aisément s’étonner de l’aura de ce conflit qui malgré sa durée, reste d’un point de vue strictement géopolitique un conflit de faible intensité avec une population concernée bien plus faible que dans nombreuses autres guerres qui elles, ne semblent pas agiter autant de verve… Darfour, Somalie, Kenya, kashmir, Thaïlande, Timor, Tchétchènie, Afghanistan, Népal, Sri Lanka, Tchad etc.. comment ce pays qui compte moins d’habitants que la ville de Paris peut il prendre une telle importance symbolique dans la rhétorique fatigante de ces anti-impérialistes ?
Pourquoi sont ils si discrets sur les conflits qui ne concernent ni Israel, ni les Etats-Unis ? Comme le fait remarquer Yves Coleman dans la revue Ni Patrie Ni Frontières, « On se rappellera […] que les altermondialistes et les « gauchistes » ne connaissent dans le monde qu’une seule « théocratie », Israël ; qu’ils ignorent complètement la théocratie iranienne ; qu’on ne les entend presque jamais dénoncer les théocraties des pétromonarchies - sauf pour leurs liens avec les Etats-Unis - et qu’ils furent très discrets quand les talibans étaient au pouvoir en Afghanistan ». Les innombrables appels au boycott du salon du livre 2008 consacré à la littérature israélienne en sont la preuve. La Russie était l’invitée du salon du livre 2005. Il n’y a pas eut du tout de tapage, et pourtant ! La Tchétchénie, les meurtres politiques, les arrestations d’opposants … mais, chut ! ce n’est pas l’axe americano-sioniste.
La solidarité et la dénonciation se fait à la tête du client, le juif étant le client le plus indésirables pour ces « anti-impérialistes » adeptes des séculaires théories du complot juif et de la plus récente théorie du complot américano-sioniste. Ces organisations s’attachent à dénoncer avec raison le terrorisme d’Etat israélien et sa violence envers les populations civiles arabes israéliennes, palestiniennes et libanaises et omettent (sans aucune innocence) de déplorer les victimes juives et arabes des tirs de kassam à Sderoth (par exemple). L’on voit bien rarement (entendre par la, « jamais ») de la part de ces mêmes organisations de condamnation de l’instrumentalisation des populations civiles réifiées en boucliers humains, de l’intégrisme islamiste du Hezbollah et du Hamas, de l’oppression radicale des femmes et des homosexuels, du concept de guerre sainte etcetera. Fait pour le moins étonnant de la part d’athées, de libertaires ou de marxistes. Cette soudaine tolérance de l’extrémisme religieux, en contradiction totale avec les slogans officiels de façade, montre bien la validité et la cohérence de ces organisations et nous rappelle à quel point hormis la droite et l’extrême droite, la gauche et l’extrême gauche représentent tout ce que nous détestons le plus.
La gauche de la gauche montre en effet de nos jours une résurgence inquiétante de l’antisémitisme. Mais pas cet antisémitisme très minoritaire et marginalisé par le reste du mouvement qu’étaient par exemple les révisionnistes d’ultra-gauche des années 70 [3] . Il s’agit cette fois d’un antisémitisme lattent (mais bien présent), pas assumé (pas assumable ?) et cette fois majoritaire dans de nombreuses fractions de ce mouvement sous couvert d’antifascisme. La majorité des militants LCR soutiennent ouvertement le Hamas. Les Indigènes de la République, qui luttent « sur des bases de races » soutiennent publiquement la Tribu Ka [4] et son leader Kemi Séba qui remplaça le banal slogan "black, blanc beur" par "Kémites, Aryens, Palestiniens". Indy media voit de plus en plus pulluler la prose d’antisémites de gauches. On a pu apprendre par exemple que Carla Bruni était une agent du Mossad [5] , que la justice était contrôlée par la franc-maçonnerie juive, ainsi que les médias, que les végétaliens étaient des sionistes puisque la vie d’une poule vaudrait plus pour eux que la vie d’un enfant palestinien. J’en passe et des meilleures. Le « complot sioniste » devient l’explication unilatérale du capitalisme [6] et la tolérance pour un antisémitisme qui se cache de moins en moins sous le masque de la solidarité avec la Palestine, devient légion. Comment des personnes qui se disent antifascistes peuvent elles défiler cote à cote avec ces fachos au lieu de les virer hors manif comme ils feraient (prétendument…) avec des neo-nazis ?
Cette extrême gauche confusionniste qui mêle pêle-mêle la solidarité anti-impérialiste anti-israélienne, les théories du complot sur le 11 septembre 2001, La défense inconditionnelle des luttes de libération nationale, toute forme de nationalisme de gauche, le soutien aux FARC, à Chavez, Ahmadinedjad, Castro et autres dictateurs et dictatures rouges-vertes-brunes et qui se ballade en keffieh et t-shirt Che Guevara ou EZLN de rigueur, qui ne vit que sur son propre folklore, qui aime les dieux et les maîtres, qui sert de passerelle et de cheval de Troie à l’extrême droite dans l’extrême gauche, qu’elle crève !
Et vite !
Le théorème parfait de la guerre civile
Suite à la publication sur notre site du texte Pourquoi nous ne les soutiendrons jamais extrait de Non Fides N°2, nous avons eu affaire à de nombreuses péripéties plus ou moins graves à notre sens… Ce ne sont pas tant les insultes de ceux que nous critiquons dans l’article qui ont pu nous déstabiliser. En effet, nous nous y attendions. De plus le texte a permis des discussions intéressantes avec certaines de ces personnes. Avec malgré tout un campement sur ses positions de chacune des parties mais aussi une amorce de débat où chacun (nous y compris) a pu nuancer ses propos. Bref, un débat constructif d’idées conflictuelles, ce pourquoi –entre autres raisons- nous publions notre journal et animons notre site. Ce qui a pu réellement nous foutre en rogne c’est la complaisance qu’ont pu exprimer pour cet article précis une mouvance politique que nous abhorrons profondément, la frange ultra-sioniste et ses relents identitaires dont les sites « desinfos.com », « juif.org » et le site de la « Ligue de Défense Juive » ont publiés Pourquoi nous ne les soutiendrons jamais. Car comme nous l’écrivions dans notre article, il n’y a rien que nous ne détestons plus que la droite et l’extrême droite. Mais ça aussi, on aurait pu s’y attendre.
« Les ennemis de mes ennemis, sont mes amis »
Ce dicton merdique est l’apanage de ceux pour qui la fin justifie les moyens, mais aussi de ceux pour qui la confusion politique n’est pas un problème, mais une arme. Elle est souvent le meilleur moyen pour ces gens là de propager leur virus.
« Les amis de mes amis sont mes amis
Les amis de mes ennemis sont mes ennemis
Les ennemis de mes amis sont mes ennemis
Les ennemis de mes ennemis sont mes amis »
Voici le théorème parfait de la guerre civile. Voici la pensée qui meut le M.D.I (mouvement raciste noir) de Kémi Seba à s’associer à Nomad88 (milice raciste blanche). De même pour Dieudonné et Jean Marie Le Pen. De même pour la raclure soralienne qui n’hésite pas en dépit de tout bon sens (ce qui caractérise fidèlement le confusionnisme) à associer dans ses affiches les figures de dictateurs sanguinaires gauchistes et de dictateur sanguinaires fascistes en se revendiquant de tous à la fois… L’extrême droite a choisi comme nouveau moyen de lutte la confusion, adaptons nous à la nouveauté. La lutte contre l’extrême droite doit dorénavant s’équiper d’un nouvel atout essentiel, celui de l’anti-confusionnisme.
La lutte antifasciste « de rue », souvent le symptôme d’une mythomanie accrue des nouvelles générations se revendiquant des « chasseurs de skins » des années 80 doit rester à sa place, c’est à dire pour l’instant, dans l’aveu d’impuissance généralisé qui est le notre. Par contre, là où nous surpassons largement l’ennemi droitiste, c’est sur le terrain des idées et de la démonstration de rigueur en terme de pensée. Car même le plus habile des théoriciens facho ne pourra jamais esquiver bien longtemps les contradictions inhérentes aux discours racistes, nationalistes, traditionalistes ou identitaires. Ce sont d’ailleurs ces lacunes qui les poussent à user de la confusion pour conquérir de nouveaux terrains inexplorés jusqu’alors par leurs ancêtres politiques.
Le mouvement dit antifasciste devrait cesser de montrer ses muscles (même si il en avait…) et lutter plus qu’il ne le fait déjà sur le terrain des idées. Avant de se fantasmer guérillero apache, il faudrait peut être se souvenir que l’un des principes maîtres de la guérilla asymétrique est l’adaptation aux armes de l’ennemi. Adaptation qui nécessite au préalable une remise en question des pratiques et des techniques de luttes. Nous sommes de tout cœur avec ceux qui vont dans ce sens dans le mouvement dit antifasciste, et ce malgré de nombreuses divergences qui ne seront (a priori) jamais assez fortes pour empêcher un front commun contre ces mouvements minoritaires d’extrême droite. Qu’ils soient juifs, musulmans, catholiques, noirs, néo-nazis ou fascistes. Que les choses soient claires.
Toujours pour que les choses soient claires, revenons à nos moutons. Que les pro-israéliens de tout genre sachent que notre rejet des discours pro-palestiniens ne fait pas de nous vos amis car nous combattons tout autant les discours pro-israéliens. L’oppression des arabes israéliens, des palestiniens et des libanais est le fait de ceux que vous mettez à la tête de vos États que nous comptons bien démanteler un par un en commençant par vos prisons, vos temples et votre économie.
Pour un monde sans États, ni frontières, ni patries ni nations. Un monde sans Tsahal, sans Hamas, sans armée ni milice.
Deux États, c’est toujours deux États de trop.
Rédigé dans l’urgence par le collectif
[1] Selon la formule d’Eric Krebbers dans De Fabel van de illegaal, trimestriel néerlandais.
[2] Fragments mécréants. Mythes identitaires et république imaginaire. 2005.
[3] Cf. par exemple « La Vielle Taupe » qui devient clairement antisémite en 1979 lorsque Pierre Guillaume republie un livre du négationniste Paul Rassinier
[4] « Kemi Seba a été condamné comme noir, et, à travers lui, c’est nous tous, Noirs, Arabes et musulmans, qui avons été condamnés ». La tribu Ka organisait régulièrement des réunions interdites aux Blancs (les « Leucodermes »), aux Juifs (les « Hyksos ») et aux Arabes. Ils souhaitent la séparation noirs/blancs et accusent les juifs d’avoir perpetrés la traite des noirs.
[5] Quand une cible traditionnelle du conspirationnisme en rencontre une autre, juifs et services secrets.
[6] Cf. le vieux mythe du capitalisme rotschildien ancré à la gauche francaise depuis le XIXe siècle.