Version diamant

Alors que je chemine au milieu de ma vie¹
Sur les terres arides de Méditerranée,
J’appréhende comme une lueur qui dévie
Les rides de la terre et le poids des années.

Au pont perdu de l’ancien monde,
Sous le plomb écrasant d’un soleil déclinant,
Émane en nos âmes sombres le besoin de survivre
Et l’on s’imagine déjà fleurir,
Dans les cieux rayonnants,
Les éclats de colère de nos espoirs qui fondent.

Me voilà arrivé·e au pont perdu de l’ancien monde
Sous le corps étouffant d’un soleil putréfiant.
Volte d’un vent de fronde, me voilà à rêver !

Je rêve de repeindre l’inerte de mille sèves
Exalter l’or aux roses, ô grenats de violettes,
Que se déchire la toile noire quand nos cœurs tempêtent !
Et qu’ils tonnent et qu’ils grondent, qu’ils grondent et qu’ils cognent ! Crève !
Que crèvent de leurs couleurs, germes arborescents,
Ces éclairs palpitant nos après fleurissants :
L’aube future ne pourra naître que de nos rêves.

Dans la nuit de nos vies, quand la terre s’éteindra
Nous panserons hardi·es cet horizon funeste,
Ferons vivre l’éclat, notre ciel brillera,
Et nos mains et nos âmes écloront en bouquets célestes.

Alors que l’on pourra croire tout terminé
Face au ravage des nuages incendiaires,
Face aux désastres de leur brasier funéraire,
On verra, que de nos esprits alertes, foudre rage !
Espérance assoiffée ! avenir calciné !
Résistant·es, nous survivrons d’amours et d’orages
Foudroyant nos colères qui grondent pour de bon
Nous serons les éclats de ces nuits de charbon
Nous serons renaissance à la fin de leur monde.

Au pont perdu de l’ancien monde,
N’entrons pas indolent·es dans cette nuit incertaine.
Luttons ! Luttons contre ces humains inconscients,
Refusons-leur que nos espérances soit vaines !
Rageons !
Rageons face à l’agonie de l’astre tombant,
N’entrons pas sagement dans cette nuit incertaine.²
Oh rageons :

« De la lumière et puis de la lumière encore !
Fracas de diamants à nos crépuscules morts !
 »

« De la lumière ! Et puis de la lumière encore.
Chaos de firmaments dans des gouffres d’aurore !
»³

L’aurore ose quand elle se soulève.⁴


Version charbon

Au pont perdu de l’ancien monde
Entends-tu nos cœurs crépiter ?
Perçant, frappant, battant, claquant
Leurs pouls de poètes partisans,
Dos au mur, prêts à débiter ?

Pressens-tu l’espoir qui combat ?
Ressens-tu la vie qui foudroie ?

Au pont perdu de l’ancien monde
Nous avons une problématique systémique, crois-tu qu’iels la voient ?
Regarde

Tu veux faire ta vie à crédit, achète une voiture
Tu veux intoxiquer l’air de tes enfants, prends ta voiture
Tu veux transformer l’être humain en mollusque, mets-le dans sa voiture
Tu veux grever les comptes des collectivités, privilégie la voiture
Tu veux participer au changement climatique, fais-le en voiture
Tu veux dégrader ton habitat, construis des voitures
Si ça ne te suffit pas, n’oublie pas les infrastructures

Nous avons une problématique épidémique : la vois-tu ?

En France on n’a pas de pétrole, mais on a décidé
De s’y enchaîner !
Quelle drôle d’idée
Après ça nous vient parler de souveraineté !

Remarque la culture du non-sens,
Du diesel et de l’essence !
Nous nous y opposons, et nous proposons
D’honorer la vie et ses essences
Simple question bon sens.

Progrès sans procès n’est que ruine de l’humanité

Il n’y a rien à attendre de nos écocideur·euses,
La pensée politique est dépassée
Le système démocratique sclérosé

Regarde-les s’afficher à distribuer des mousseurs
C’est sûr que les politiques aiment bien se faire mousser
Préfèrent piller la quaternaire que préserver les aquifères !
Ici, on n’a pas d’orages mais des forages,
Tant qu’on a des ressources, on tarit la source
Et on espère que les processions feront tomber la pluie :
Faites des oraisons
C’est la défaite de la raison

Le vieux monde doit mourir
Les vieux·eilles con·nes doivent partir
Ne plus laisser les jeunes con·nes parvenir

« Responsables mais pas coupables⁵ » ?
Irresponsables et donc coupables.
Bandes d’incapables !

De toutes façons, y’a plus d’eau
De toutes façons, on mourra tous de chaud
La flore fane, la faune cane⁶
Y’a que l’humain qui stagne
La terre crame, les océans s’enflamment
Y’a que l’humain qui flâne

Dirigeant·es des CollTer, entendez comme la terre crie
Redescendez sur Terre, il est temps que cela se termine
L’agonie est délétère, elle ne peut-être éternelle

Poursuivre l’extermination des autres espèces
C’est assurer le suicide de notre espèce

Au pont perdu de l’ancien monde,
Sous un ciel lourd agonisant,
La nuit s’annonce, terrifiante.
De nuages sangs en matins bruns, de matins bruns en soleils verts
Vois-tu ce qui nous guette ?

L’ombre de la bête immonde
Plane sur nos gouvernements fascisants
L’inquiétude est là, terrifiante
Oui, d’innocent·es en citoyen·nes, citoyen·nes nous votons, pervers·es
Qui nous a fait si bêtes ?

Quand il nous faudra affronter la sécheresse
Et nous soutenir, tous, en ces temps de détresses
Sûr qu’iels ne sauront qu’envoyer les CRS
Pour nous garantir le partage des misères

Et tous nos enfants vont grandir,
Tous nos enfants vont souffrir,
Est-ce là leur seul avenir ?

On est trop sérieux quand on a 17 ans
Et qu’on ne se souvient déjà plus de son enfance.

Au pont perdu de l’ancien monde,
Jeunesse, je n’ose te dire :
« Vous qui naissez ici, délaissez tout espoir⁷ »

Il vous faudra survivre au désespoir des cieux !
Étincelles d’aurores dans le désobéir,
Il vous faudra survivre au crépuscule des vieux !
Le futur, assurément, se fera sans eux.

Au pont perdu de l’ancien monde,
Jeunesse, j’écris ton non : « no future »
Au pont perdu de l’ancien monde,
Jeunesse, j’entends ton cri : « Vull Viure ! »


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¹ « Au milieu du chemin de notre vie, ayant quitté le chemin droit, je me trouvai dans une forêt obscure. » Première phrase de L'Enfer de Dante Alighieri
² cf. Dylan Thomas , Do not go gentle into that good night
³ « De la lumière. Et puis de la lumière encore.
Chaos de firmaments dans des gouffres d’aurore.
 »
– Victor Hugo, La fin de Satan
⁴ « Le cri : Audace ! est un Fiat lux. Il faut, pour la marche en avant du genre humain, qu’il y ait sur les sommets, en permanence, de fières leçons de courage. Les témérités éblouissent l’histoire et sont une des grandes clartés de l’homme. L’aurore ose quand elle se lève. Tenter, braver, persister, persévérer, s’être fidèle à soi-même, prendre corps à corps le destin, étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait, tantôt affronter la puissance injuste, tantôt insulter la victoire ivre, tenir bon, tenir tête ; voilà l’exemple dont les peuples ont besoin, et la lumière qui les électrise. Le même éclair formidable va de la torche de Prométhée au brûle-gueule de Cambronne. »
– Victor Hugo, Les Misérables
⁵ « Je me sens profondément responsable ; pour autant, je ne me sens pas coupable, parce que vraiment, à l’époque, on a pris des décisions dans un certain contexte, qui étaient pour nous des décisions qui nous paraissaient justes. »
– Georgina Dufoix (dans l'affaire du sang contaminé)
⁶ IAM, La fin de leur monde
⁷ « Par moi l’on va dans la cité des pleurs ; par moi l’on va dans l’éternelle douleur ; par moi l’on va chez la race perdue. La Justice mut mon souverain Auteur : la divine Puissance, la suprême Sagesse et le premier Amour me firent. Avant moi ne furent créées nulles choses, sauf les éternelles, et éternellement je dure : vous qui entrez, laissez toute espérance ! »
– Dante Alighieri, L'Enfer
⁸ « Je veux vivre » en catalan.