L’Encyclopédie Anarchiste — Z
Z
ZÉLATEUR, TRICE
Le terme zélateur ou zélatrice peut être appliqué à quiconque, homme ou femme, se prodigue en faveur d’un mouvement, d’une doctrine, d’un parti. Mais l’emploi de ce mot est devenu très rare dans le langage courant : d’ordinaire, il comporte même une nuance de moquerie à l’égard de la personne ainsi qualifiée. Un zélateur, une zélatrice sont, dans l’esprit de beaucoup, des individus dont le cerveau est mal équilibré ou l’ardeur par trop intempestive. Néanmoins, parmi les dévots, il continue d’être employé fréquemment, et dans un sens laudatif.
Dans les confréries et les associations pieuses, qui permettent aux fonctionnaires pontificaux d’exploiter méthodiquement les laïques crédules, on appelle en effet zélateur ou zélatrice, selon le sexe, la personne chargée de recueillir les cotisations, de transmettre les mots d’ordre et de réchauffer le zèle des adhérents, dans une paroisse ou une région déterminée. Ajoutons que les femmes, les plus cancanières et les plus laides, ont une prédilection marquée pour ce rôle. De la sorte, elles peuvent gagner le ciel en exerçant leur besoin de disputer et de médire ; leur vanité est également satisfaite, car à l’église, dans les processions, dans les réunions paroissiales, elles se pavanent officiellement à la tête du troupeau des bigotes. Pour capter la confiance des femmes, de celles qui sont riches surtout, l’Eglise s’est montrée incomparable.
Rappelons enfin qu’à l’époque où Vespasien commença la guerre de Judée, en l’an 67 de notre ère, certains juifs, qui luttèrent avec ardeur pour l’indépendance de leurs pays, furent appelés zélateurs. Ils étaient disciples de Judas de Galilée, et leur influence fut grande pendant quelques années. Les exactions des Romains avaient, en effet, provoqué une révolte générale des habitants de la Palestine ; mais les excès des zélateurs eurent des conséquences désastreuses pour la cause qu’ils voulaient servir. Comme toujours, lorsque la misère et la détresse sont grandes, faux messies, prophètes politiques, charlatans religieux pullulaient. A Jérusalem même, les zélateurs poursuivirent une lutte violente contre le grand sacrificateur Ananus. Ce dernier les assiégea dans le temple qu’ils avaient transformé en citadelle, mais finalement il fut vaincu par suite de la trahison de Jean de Giseala, son homme de confiance, et de l’intervention des Iduméens qui le tuèrent ainsi que l’autre pontife nommé Jésus. Devenus maîtres de la ville, les zélateurs se divisèrent, plus tard, en deux factions, commandées, l’un par Jean de Giseala, l’autre par Eléazar ; une troisième faction s’ajouta, par la suite, aux deux autres et reconnut l’autorité de Simon, un chef de bandes redoutable. De fréquents combats ensanglantèrent Jérusalem. Lorsque Titus assiégea la ville, une trêve survint entre les factions, ce qui n’empêcha pas Jean de Giseala de se débarrasser d’Eléazar par ruse. C’est le 8 septembre de l’année 70 que la capitale de la Palestine fut prise ; la plupart des habitants furent réduits en esclavage ou tués, Jean implora la clémence des vainqueurs et fut condamné à la prison perpétuelle ; Simon fut conduit à Rome et, après avoir paru au triomphe, il fut traîné une corde au cou, battu de verges et exécuté comme un criminel. Ainsi disparurent les zélateurs qui, même devant l’adversaire commun, n’avaient pu s’entendre pour lutter efficacement.
— L. BARBEDETTE
ZÈLE
n.m. (du grec zélos, ardeur, empressement)
Le zèle c’est l’ardeur agissante que l’on déploie en faveur soit d’une cause, soit d’une idée, soit d’une personne que l’on aime particulièrement. Si de vieilles et sottes religions continuent de prospérer, si d’ignobles partis politiques attirent une clientèle nombreuse, c’est qu’ils ont des recruteurs enthousiastes, dont l’esprit de prosélytisme est contagieux. Parce qu’ils se laissent guider par le sentiment, non par la raison, la plupart des hommes s’avèrent moins sensibles aux arguments intellectuels, qu’aux mobiles d’ordre affectif.
Certes, nous déplorons que la vérité froide et nue rencontre si peu d’amants, même à notre époque de progrès scientifique, et que l’on continue de préférer les fables ou les mythes trompeurs aux rigides conclusions imposées par l’observation impartiale et la déduction logique. Espérons qu’un jour les causes justes triompheront par la seule force de l’évidence rationnelle. Mais, pour hâter cet heureux temps, un travail d’éducation individuelle et collective s’impose qui, de la part de ses protagonistes, requiert beaucoup de zèle et de désintéressement. Zèle bien différent de l’agitation incohérente et désordonnée, dont le résultat s’avère habituellement négatif ; zèle qui se refuse à user de contrainte comme le font si volontiers nos adversaires et qui reste toujours respectueux de la liberté d’autrui. Mais zèle méthodique, réfléchi, tenace, qui ne laisse jamais le champ libre aux ennemis de la vérité, et dont la persistance surmonte des obstacles en apparence infranchissables.
L’exemple personnel, une bienveillante compréhension, la douceur gagnent souvent les esprits d’une façon plus certaine que de violentes critiques, de brusques accès de mauvaise humeur, des discussions mesquines et à perte de vue. Néanmoins, la rudesse convient parfois ; et l’on doit savoir, en certains cas, riposter vertement. Un zèle mal compris et hors de saison nuit à une cause beaucoup plus qu’il ne la sert. A côté des adversaires de mauvaise foi, il y a place pour des contradicteurs sincères qu’il ne faut pas rebuter par l’aigreur acariâtre de propos inconsidérés.
Ceux qui passent leur existence à critique les autres, sans jamais rien faire eux-mêmes, accomplissent une oeuvre négative qui n’est pas sans utilité. Toutefois, quand des appréciations respirent la malveillance ou le parti pris, elles ne grandissent point celui qui les émet. Ne décourageons pas les hommes entreprenants et hardis qui se dépensent pour une oeuvre féconde et belle, même si nous estimons préférable de nous croiser personnellement les bras.
— L. BARBEDETTE
ZODIAQUE
n.m. (du grec zodiakos)
Grand cercle de la sphère céleste divisée en douze lignes.
Le chemin que le Soleil semble accomplir dans le ciel, par son mouvement annuel autour de la terre, s’appelle écliptique. En réalité, c’est notre globe qui tourne autour du Soleil, mais par un effet de perspective le Soleil paraît faire le tour du ciel en un an et le tracé de ce mouvement apparent est donc l’écliptique. Les anciens avaient appelé Zodiaque, une zone de 8 degrés ½ de part et d’autre de l’Ecliptique et l’avait divisée en 12 parties égales. Cette zone offre deux particularités intéressantes : elle contient la course apparente du Soleil et les planètes du système solaire, y compris la majorité des astéroïdes circulant constamment à l’intérieur de cette zone. Les anciens avaient groupé les étoiles du Zodiaque en 12 constellations que le Soleil traverse successivement au cours de ses positions dans le ciel, en commençant au printemps par celle du Bélier. Les constellations zodiacales sont : le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion, la Vierge, la Balance, le Scorpion, le Sagittaire, le Capricorne, le Verseau et les Poissons.
Il y a deux mille ans, au moment de l’équinoxe du printemps, le Soleil se trouvait dans la constellation du Bélier ; actuellement, au même moment, il se trouve dans les Poissons et bientôt, à l’équinoxe du printemps, il se trouvera dans le Verseau. Ce recul est dû au phénomène de la précession des équinoxes qui fait rétrograder de 50 secondes d’arc par an, le point Gamma (point vernal) de façon à lui faire accomplir le tour du ciel en 25.765 ans. Ce mouvement rend l’année tropique ou retour du Soleil à l’équinoxe du printemps un peu plus courte que l’année sidérale. C’est pourquoi, actuellement, les signes du Zodiaque ne correspondent plus aux constellations dont ils portent le nom.
— Charles ALEXANDRE.
ZOOLOGIE
n.f. (du grec zoon, animal, logos, discours)
On définit habituellement la zoologie l’étude des animaux. Et cette définition suffit à donner une idée de l’importance et de l’étendue de cette branche des sciences naturelles. Au sens large, elle englobe même tout ce qui concerne la connaissance du corps humain.
Lorsqu’il s’agit d’animaux intérieurs, il est parfois difficile de les distinguer des végétaux. D’une façon générale les animaux manifestent leur sensibilité par des mouvements ou des cris ; ils se déplacent à volonté et introduisent dans leur bouche les aliments qu’ils ont pu saisir grâce à des mouvements d’ordinaire assez compliqués. A l’inverse, les végétaux ne témoignent d’aucune sensibilité ; immobiles et fixés au sol, ils ne parviennent à se nourrir qu’à l’aide de leurs racines et de leurs feuilles. Mais ces caractères superficiels et même arbitraires ne permettent pas de différencier nettement le règne animal du règne végétal. Certains plantes sont douées d’une sensibilité manifeste ; et, au dire de savants très sérieux, tous les végétaux, même les plus inertes en apparence, auraient une sensibilité que des expériences délicates arrivent à déceler. Les mouvements de la Sensitive, du Rossolis, de la Dionée, de l’Utriculaire, etc..., sont signalés dans les manuels de botanique même élémentaires. Chez les plantes les plus communes, pression, lumière, pesanteur déterminent des mouvements aujourd’hui parfaitement connus.
Dans le monde des infiniment petits, il devient presque impossible de savoir, en certains cas, si l’on est en présence d’animaux ou de végétaux, car les seconds se meuvent aussi facilement que les premiers. C’est grâce à la présence de certains éléments, de chlorophylle par exemple, que l’on opère une distinction qui reste forcément contestable et arbitraire.
Le nombre des espèces animales existant sur le globe est prodigieux. Pour les étudier plus facilement, on les ramène à des groupes hiérarchisés et de plus en plus généraux, qui permettent de dégager les caractères essentiels des différents êtres, de les coordonner et d’établir entre eux des rapports conformes à ceux qui existent effectivement dans la nature. On aboutit ainsi à une classification, qui n’est aucunement arbitraire puisqu’elle s’appuie sur les caractères profonds et permanents des espèces étudiées.
La division la plus générale des animaux consiste à les classer en Vertébrés et Invertébrés. Les Vertébrés seront eux-mêmes subdivisés en Mammifères, Oiseaux, Reptiles, Batraciens, Poissons. Les Invertébrés comprendront les Articulés, les Spongiaires, les Protozoaires. Chacun de ces groupes sera l’objet de divisions et de subdivisions nombreuses dont on parle longuement dans les livres de zoologie. Anatomie et physiologie occupent une place de plus en plus importante dans les sciences naturelles ; la partie purement descriptive n’est plus considérée comme l’élément essentiel. L’homme n’étant lui-même qu’un animal plus perfectionné, l’on peut et l’on doit rapprocher ce que nous savons de la constitution et du fonctionnement de son organisme de ce que la zoologie nous révèle concernant l’anatomie et la physiologie des autres animaux. De ces comparaisons se dégagent de précieux renseignements qu’utilisent la biologie générale et même la médecine.
Donner une vue d’ensemble des principaux groupes constituant le régime animal nous entraînerait trop loin et ne cadrerait plus guère avec l’esprit de cette Encyclopédie. Mais, lorsqu’il s’agit des animaux, un plaidoyer s’impose, croyons-nous, en faveur de ces habituelles victimes de la cruauté humaine. En théorie, sinon en pratique, la charité des occidentaux veut bien s’étendre à notre espèce dans ses différentes variétés ; elle ne dépasse pas ce domaine restreint où l’amour du moi garde une place prépondérante. L’Orient, si méprisé, a dû montrer la voie ; et depuis peu il est permis, chez nous, d’être bon pour certains animaux sans se couvrir de ridicule. Aux hommes la libre disposition des biens de ce monde, et la survie dans l’autre : pour eux la douleur a un prix, les larmes appellent une récompense, car justice leur est due au moins par delà la tombe. Les coups, la fatigue, avec les maigres joies d’une pauvre pitance, l’anéantissement au bout, voilà qui suffit, pensent nos catholiques, au reste des terriens. Raisonnements intéressés, peu généreux, où les contradictions abondent, car, aux regards de l’univers, peines et plaisirs de l’homme doivent se rapprocher beaucoup de ceux de l’animal. Ils prouvent un amour de l’existence, légitime certes, mais exclusif et qui s’accommode de l’injustice lorsqu’elle est profitable.
Un élargissement de notre pitié s’impose, une extension de notre bienveillance aux humbles formes de la vie, à tout ce qui souffre et meurt. En oubliant de le prescrire, morales et religions d’Occident ont laissé, pendant des siècles, se multiplier les douleurs muettes de nos frères innocents et parfois si fidèles. Dans la profusion des espèces semées par la nature, certains animaux sont nuisibles, d’autres utiles. Nous détruisons les premiers par intérêt ; le sort des seconds vaut rarement mieux, car c’est pour leur chair qu’habituellement nous les nourrissons. De l’avis commun, prolonger leur agonie, multiplier leurs peines serait criminel. Certes, la nature nous donne l’exemple de la cruauté. Sans pitié comme sans scrupules, elle livre les faibles en pâture aux forts ; elle fait parfois de l’amour du carnage, de la soif du sang de nécessaires conditions d’existence. Autant qu’une mère elle est une tombe ; à la joie elle associe volontiers la douleur, et la plante même n’est point exempte, peut-être, d’imprécises souffrances.
Mais l’homme a dépassé ce stade, grâce à sa conscience et à sa raison ; il n’est plus l’esclave d’une nature aveugle. A lui donc d’adoucir, tout au moins, le trépas de la bête ; et qu’une fin soit mise aux vivisections atroces, pratiquées sans anesthésie préalable par des carabins dépourvus de coeur. La science, espérons-le, découvrira un jour des possibilités nouvelles et heureuses, qui sauvegarderont la vie de nos serviteurs silencieux ; la destruction des germes assurera la disparition, sans douleur, des espèces dangereuses. Dès aujourd’hui, mettons un terme au martyre des éternels enfants que sont les animaux. Enfants chez qui sommeillent d’étranges virtualités : à preuve ceux qui pensent et calculent à la manière des hommes. Qu’ils soient pour nous des compagnons et des amis, non des souffre-douleur !
Comprenons aussi que dans l’univers tout s’enchaîne et se tient, que des rapports étroits nous relient à l’animal et à la plante. En pleine nature, quand la houle des verts aux nuances infinies se constelle de fleurs éclatantes, quand les corolles déversent à torrent leurs parfums, et que les mille bruits de la vie s’élèvent en harmonieux concert, il arrive au moi de se fondre, vibrant à l’unisson d’un rythme souverain. Et devant l’éternel tourment de la mer agitée, et devant les pics altiers aux robes virginales, s’élargit aussi, dans un envol divin, l’horizon borné de notre personne. Tressaillements d’une âme sensible aux frissons de la terre ; intime communion des hommes et des choses ; fraternité totale dans l’universalité de ce qui vit.
Poésie, dira-t-on. Poésie sans doute, mais qui a le mérite de se confondre avec la vérité ; poésie dont les racines plongent, non dans la fiction, mais dans un savoir que n’obscurcit nul préjugé. Car elle est aujourd’hui évidente, la fondamentale identité de ce qui pense et de ce qui vit, de ce qui vit et de ce qui est. Minéraux, plantes, animaux, humains, comme les branches dans l’arbre, la verdure et les fleurs, sont seulement les étapes d’un même devenir vivant. Partis de communs germes, ils se rejoignent dans une semblable destinée ; sous la diversité des formes et des individualités transitoires s’avère la pérennité d’éléments primordiaux. La mort ne peut atteindre que la synthèse éphémère des personnes ; tout se meut, tout vit dans le cosmos, et la matière inorganique elle-même recèle de sourdes aspirations. La pitié n’est donc point trompeuse qui nous incline vers l’oiseau blessé ou la rose qui meurt ; et c’est faire oeuvre de rédempteur que d’apprendre aux hommes qu’il est temps de s’aimer. L’interdépendance des terriens est un fait que les recherches positives ont rendu plus certain. Et, puisque les virtualités d’amour et de pensée, en sommeil chez le végétal, s’épanouissent chez l’homme en magnifiques floraisons, à lui d’instaurer l’ère d’une paix souveraine, à lui de soumettre le monde à l’empire de la raison.
— L. BARBEDETTE