Justice populaire, justice bourgeoise : mêmes prisons
Il y a plus d’un an, dans la nuit du 21 août 1974, deux femmes sont violées par trois hommes, alors qu’elles campaient au bord de la mer, près de Marseille ; les trois hommes sont arrêtés et sont passés en correctionnelle le 17 septembre 1975 pour « coups et blessures » et non en Assises pour viol ! Implicitement la justice considère que les deux femmes étaient consentantes, ce qui confirme l’opinion très largement répandue qu’un « viol ça n’existe pas et qu’elles sont toutes plus ou moins consentantes ». En somme pour être violée, il faut être soit une jeune vierge, soit une vieille femme (et encore ! pour ce dernier cas).
À partir de là, quatre groupes de femmes ont entrepris une campagne[1] pour :
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Faire reconnaître le crime de viol par la justice
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Amener les femmes à porter plainte quand elles se font violer
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Dévaloriser la pseudo virilité des hommes qui quotidiennement violent des femmes, compagnes, épouses ou autres.
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Faire reconnaître le crime de viol par la justice et amener les femmes à porter plainte quand elles se font violer.
Voilà me semble-t-il tout le contraire d’une démarche libertaire (ce qui ne saurait nous étonner vu que les pétroleuses ne sont que l’appendice féminin de la ligue communiste, autrement dit des femmes trotskystes !), tout le contraire d’une démarche révolutionnaire (ce qui ne saurait nous étonner vu que le tribunal international des crimes contre les femmes poursuit le même genre d’idée que le tribunal Russel, Amnesty International ou autres organisations réformistes, et qui ne s’en cachent pas d’ailleurs, soyons leurs en gré).
Mais que vont donc faire dans cette galère « des groupes de femmes », « femmes en lutte » etc.
Car enfin s’il s’agit bien de faire reconnaître qu’il y a viol quand il y a viol, que le viol est une chose ignoble et qui ne consiste pas seulement à introduire de force un pénis dans un vagin, ce n’est pas la justice, l’État qu’il faut convaincre de ces choses, mais plutôt la société civile, l’ensemble des gens qui pensent le contraire et qui fondent, qui légitiment l’existence d’une justice, d’un État.
Ce n’est donc pas au nom d’un humanisme quelconque que nous critiquons cette campagne, car effectivement comme le dit « une femme des pétroleuses » dans Libération du 25 septembre, un violeur c’est comme un bourreau qui torture dans une prison, et qu’il ne s’agit d’excuser (elle dit relaxer) ni l’un ou l’autre ; ni même de pleurer s’il lui arrive des ennuis. Mais ce qui est inquiétant, c’est que cette femme dit aussi :
« En attendant les tribunaux populaires, nous nous battrons pour que… » et plus loin : « au Chili, en Espagne, le jour où Pinochet et Franco seront vaincus le peuple réclamera justice de tous les crimes commis, les tortures, les viols des femmes en prison ».
Cette femme aurait pu dire : « en attendant la révolution… » en attendant « le communisme… » en attendant… nous faisons ceci et cela, maintenant, car il y en a marre d’attendre des lendemains mythiques pour changer quelque chose à notre vie, pour lutter concrètement contre ce qui nous opprime. Par exemple une grande campagne sur le viol, ses causes, ses significations, y compris des moyens concrets que les femmes peuvent mettre sur pied pour s’en protéger.
Au lieu de ça, c’est en attendant… « les tribunaux populaires… », ces parodies de justice dont les intellectuels se repaissent (voir la G.P. et le meurtre de Brigitte Dewèvre ou les exécutions au sein de l’armée rouge japonaise). En attendant l’ordre totalitaire bolchevique, faisons confiance à l’ordre bourgeois !
[1] Cette campagne démagogique a eu l’approbation de presque tous les groupes d’extrême gauche et aussi de nombreux camarades inorganisés. Seuls à notre connaissance, comme opposition réelle à cette campagne, l’article de B. Vallaey, le communiqué du C.A.P. et l’article de Michael dans Libération du 27 et 28 novembre 1975 (un bon point pour Libé, c’est pas dans vos habitudes). C’est très peu.