Introduction de la réédition de 2009 :

Queers, read this a été distribué comme brochure à la marche des fiertés de 1990 à New York City. Des queers anonymes ont offert cette republication de Queers read this comme une contribution au militantisme queer.

On est heureux de trouver un texte vieux de presque 20ans qui exprime si éloquemment la profonde colère et le désir de conflit que nous ressentons chaque jours dans un monde hétérosexuel. L’hétérosexualité est une force dans le monde et à l’intérieur de chacun de nous que nous devons purger (p2). L’hétérosexualité est la normalité. La norme pour les personnes queers est d’être oppressé et se taire. Ces auteurs nous poussent à riposter. Ils demandent pourquoi, quand sommes nous bashés et tués. Nous flippons en voyant des queers énervés portant des bannières disant BASH BACK (p15). Bien sûr, nous ne pourrons pas plus être d’accord que la référence culturelle dans cette brochure est, aujourd’hui, dépassée, mais la rage est intemporelle.


Queers Read This

Comment pourrai-je vous dire. Comment pourrai-je vous convaincre, frère, sœur, que ta vie est en danger. Que chaque jour tu te réveilles vivant·e, relativement heureux·se et comme un être humain vivant, tu commets un acte de rébellion. Toi, vivant·e et queer est un acte révolutionnaire.

Il n’y a rien sur cette planète qui légitimise, protège ou encourage ton existence. C’est un miracle que tu sois ici, lisant ces mots. Tu devrais par tous les droits être mort·e. Ne soit pas dupe, le monde appartient aux hétéros et la seule raison pour laquelle tu as été épargné est que tu es intelligent·e, chanceux·se ou un·e battant·e.

Les hétéros ont un privilège les autorisant de faire tout ce qui leur plaira et baiser sans peur. Mais iels ne vivent pas seulement une vie sans peur : iels étalent leur liberté devant moi. Leurs images à la télé, les magazines que j’achète, dans le restaurant où je veux manger, et dans la rue où je vis. Je veux qu’il y ait un moratoire sur le mariage hétérosexuel, sur les bébés, sur l’affection qu’iels montrent en public envers le sexe opposé et les images de médias qui promouvoient l’hétérosexualité. Jusqu’à ce que je puisse profiter de la même liberté de mouvement et de sexualité que les hétéros, leur privilège devrait s’arrêter et devrait m’être donné à moi et à mes adelphes queers.

Les hétéros ne feront pas ça volontairement donc doivent y être forcé. Les hétéros devraient en être effrayé. En être terrorisé. La peur est la motivation la plus puissante. Personne ne va nous donner ce que nous méritons. Les droits ne sont pas donnés ils sont pris, par force si nécessaire. C’est plus facile de combattre quand tu connais ton ennemi. Les personnes hétéro sont tes ennemis. Elles sont tes ennemis quand elles ne reconnaissent pas ton invisibilité et continuent de vivre et de contribuer à une culture qui te tue. Chaque jour l’un·e de nous est pris par l’ennemi. Que ce soit des morts du VIH à cause de l’inaction homophobe du gouvernement ou un bashing de lesbiennes dans un dîner (dans un supposé voisinage lesbien).

Une armée d’amoureux ne peut pas perdre

Être queer n’est pas à propos du droit à l’intimité ; c’est à propos de la liberté d’être public, d’être juste qui tu es. C’est -à-dire combattre les oppressions de tous les jours ; homophobie, racisme, misogynie. L’hypocrisie des hypocrites religieux et de notre propre haine de soi. (On nous a soigneusement appris à nous détester.) Et maintenant, ça veut bien sûr dire battre le virus. Et tous ces homophobes utilisant le VIH pour nous effacer de la surface de la terre. Être queer veut dire vivre différentes sortes de vies. Ce n’est pas à propos du mainstream, des profits, du patriotisme, du patriarcat ou être assimilé. Ce n’est pas à propos des directeurs exécutifs, les privilèges et l’élitisme. C’est à propos de définir soi-même ; c’est à propos du gender-fuck et des secrets, ce qu’il y a derrière la ceinture et profond à l’intérieur du cœur ; c’est à propos de la nuit.

Être queer est la base parce que nous savons que chacun de nous, chaque corps, chaque pétasse. Chaque cœur et cul et bite est un monde de plaisir attendant d’être exploré. Chacun de nous est un monde de possibilités infinies. Nous sommes une armée parce que nous devons l’être. Nous sommes une armée parce que nous sommes tellement puissant·e·s. (Nous avons tellement de choses à nous battre pour ; nous sommes les espèces les plus précieuses et en danger.) Et nous sommes une armée d’amoureux parce que c’est nous qui savons ce qu’est l’amour. Désir et luxure aussi. Nous les avons inventé.

Nous sortons du placard. Faisons face à la rejection de la société, faire face à des pelotons d’exécution, juste pour nous aimer ! Chaque fois que nous baisons, nous gagnons. Nous devons nous battre pour nous même (personne d’autre ne va le faire) et si dans ce processus nous apportons plus de liberté au monde en général alors c’est bien. (Nous avons donné tellement à ce monde : démocratie, tous les arts, les concepts d’amour, d’âme et de philosophie, pour nommer juste quelques cadeaux de nos pédés et gouines grecs ancien·ne·s).

Faisons de chaque espace un espace gay ou lesbien. De chaque rue une partie de notre géographie sexuelle. Une ville de nostalgie puis de satisfaction totale. Une ville et un pays où nous pouvons être libre et en sécurité et plus. Nous devons regarder nos vies et voir ce qu’il y a de mieux en elles, voir ce qui est queer et ce qui est hétéro. Se rappeler qu’il reste si peu, si peu de temps. Et je veux être l’amoureux·se de chacun d’entre vous.

L’année prochaine, nous marchons nu·e·s.

Colère

Les sœurs fortes ont dit aux frères qu’il y avait deux choses importantes à se souvenir à propos des révolutions à venir. La première, nous allons nous faire botter le cul. La seconde, nous allons la gagner.

Je suis énervé·e. Je suis énervé·e d’être condamné à mort par des inconnus disant ‘’Tu mérites de mourir’’ et ‘’Le VIH est le remède’’. La fureur éclate quand une femme républicaine habillée de milliers de dollars d’habits et de bijoux marche vers la police, gloussant et pointant son doigt sur nous comme si nous étions des enfants récalcitrants demandant des choses absurdes et faisant des crises de colère. Enervé·e pendant que Joseph agonise sur 8000$ de plus pour la zidovudine qui pourrait le maintenir en vie un peu plus longtemps et qui le rend plus malade que la maladie qui lui est diagnostiquée. [1] Enervé·e pendant que j’écoute un homme me dire qu’après avoir changé sa volonté cinq fois il manque de personnes à qui laisser des choses. Tous ses meilleurs amis sont morts. Enervé·e quand je suis debout dans une mer de panneau en tissu, ou quand je vais à une putain de marche aux chandelles ou quand j’assiste à un autre service commémoratif. Je ne vais pas marcher silencieusement avec une putain de bougie. Je veux prendre cette foutue pancarte en tissu et la déchirer furieusement et mes cheveux et toutes les religions divines jamais créées. Je refuse d’accepter une création tuant des gens dans la troisième décennie de leur vie.

C’est cruel, vil et dénué de sens et tout ce que j’ai en moi raille contre l’absurdité et je lève mon visage aux nuages et un rire enragé sonnant plus démonique que joyeux jailli de ma gorge et les larmes coulent sur mon visage et si cette maladie ne me tue pas, je risque de mourir de frustration. Mes pieds martèlent les rues et les mains de Peter sont enchaînées à la réception d’une société pharmaceutique pendant que le réceptionniste nous regarde avec horreur et le corps d’Eric pourrit dans un cimetière de Brooklyn et je n’entendrais plus jamais sa flûte raisonner sur les murs de la salle de réunion. Et je vois les personnes âgées de Tompkins Square Park blottis dans leurs longs manteaux de laine en juin pour se protéger du froid qu’il perçoivent et s’accrocher au peu de vie qu’il reste à leur offrir. Je me souviens des gens qui se déshabillent et se tiennent devant un miroir chaque soir avant d'aller se coucher et fouillent leur corps à la recherche de toute marque qui n'aurait peut-être pas été là hier. Une marque que ce fléau leur a rendu visite.

Et je suis énervé·e quand les journaux nous traitent de ‘’victimes’’ et s’alarment que ‘’cela’’ pourrait bientôt se propager dans la ‘’population générale’’. Et j’ai envie de crier ‘’Qui suis-je putain ?’’Et je veux crier à l’hôpital de New York avec ses sacs en plastique jaunes marqués ‘’linge d’isolement/ropa infecciosa’’ et ses aides soignant·e·s en gants de latex et masques chirurgicaux longeant le lit comme si son occupant allait soudainement bondir et les arroser de sang et de sperme leur donnant eux aussi la peste.

Et je suis en colère contre les hétéros qui sont assis avec suffisance dans leur manteau autoprotecteur de monogamie et d’hétérosexualité, convaincus que cette maladie n’a rien à voir avec eux parce que ‘’ça’’ n’arrive qu’à ‘’eux’’. Et les adolescent qui, après avoir repéré mon badge Silence=mort, ont commencé à scander ‘’Les pédés font mourir’’ et je me demande, qui leur a appris ça ? Enveloppé de fureur et de peur, je reste silencieux·se tandis que mon badge se moque de moi à chaque pas.

Et la colère que je ressens quand une émission de télévision sur la couette donne des profils de morts et que la liste commence par un bébé, une adolescente qui a reçu une transfusion sanguine, un vieux pasteur baptiste et sa femme et quand iels montrent enfin un homme gay, il est décrit comme quelqu’un qui a délibérément infecté des adolescents travailleurs du sexe avec le virus. Que pouvez-vous attendre d’autre d’un pédé?

Je suis énervé·e.


Les artistes queers

Depuis la nuit des temps, le monde s’est inspiré du travail d’artistes queers. En échange, il y a eu de la souffrance. Il y a eu de la douleur. Il y a eu de la violence. À travers l’histoire. La société a conclu un marché avec ses citoyens queers : iels peuvent poursuivre des carrières créatives, s’iels le font discrètement. À travers les arts, les pédés sont productifs, lucratifs. divertissants et même exaltants. Ce sont les sous-produits clairs et utiles de ce qui est autrement considéré comme un comportement antisocial. Dans les milieux cultivés, les pédés peuvent coexister avec une élite de pouvoir désapprouvante.

Au premier rang de la plus récente campagne contre les artistes queers se trouve Jesse Helms, arbitre de tout ce qui est décent, moral, chrétien et américain[2]. Pour Helms, l’art queer est tout simplement une menace contre le monde. Dans ses imaginaires, la culture hétérosexuelle est trop fragile pour supporter l’admission de la diversité humaine ou sexuelle. Tout simplement, la structure du pouvoir dans un monde judéo-chrétien a fait de la procréation sa pierre angulaire. Les familles ayant des enfants assurent des consommateurs pour les produits de la nation et une main d’œuvre pour les produire, ainsi qu'un système familial intégré pour soigner ses malades, réduisant ainsi les dépenses des systèmes de santé publics.

TOUT COMPORTEMENT NON PROCRÉATIF EST CONSIDÉRÉ COMME UNE MENACE. De l’homosexualité à la contraception à l’avortement comme option. Ce n’est pas assez, selon la droite religieuse, d’afficher systématiquement la procréation et l’hétérosexualité… il faut aussi détruire toutes les alternatives. Ce n’est pas l’art dont il est après… C’EST NOS VIES! L’art est le dernier endroit sûr où les lesbiennes et hommes gays peuvent s’épanouir. Helms le sait, et a développé un programme pour purger les pédés de la seule arène où ils ont été autorisés à contribuer à notre culture commune.

Helms prône un monde sans diversité ni dissidence. Il est facile d’imaginer pourquoi cela pourrait sembler plus confortable pour les responsables d’un tel monde. Il est aussi facile d’imaginer un paysage américain aplati par une telle puissance. Helms devrait simplement demander ce qu’il cherche : l’art parrainé par l’État, l’art du totalitarisme, l’art qui ne parle qu’en termes chrétiens, l’art qui soutient les objectifs de ceux qui sont au pouvoir, l’art qui correspond aux sofas du bureau oval. Demande ce que tu veux, Jesse, pour que des hommes et des femmes de conscience se mobilisent contre, comme nous le faisons contre les violations de droits humains de d’autres pays, et luttent pour libérer les dissidents de notre propre pays.



Si tu es queer

Les queers sont assiégés.


Les queers sont attaqués sur tous les fronts et j’ai bien peur que ça ne nous dérange pas.


En 1989, il y a eu 50 ‘’Queer Bashings’’ seulement au cours du mois de mai – des attaques violentes. 3720 hommes, femmes et enfants sont morts du SIDA au cours du même mois. causé par une attaque encore plus violente, l’inaction du gouvernement, enraciné dans l’homophobie croissante de la société. C’est de la violence institutionnalisée. Peut-être plus dangereuse pour l’existence des homosexuels parce que les agresseurs sont sans visage. Nous permettons ces attaques par notre propre constante inaction contre elles. Le SIDA a touché le monde hétéro et maintenant ils nous blâme pour le SIDA et l’utilisent comme un moyen de justifier leur violence contre nous.[3]

Ils ne veulent plus de nous. Ils vont nous battre, nous violer et nous tuer avant de continuer à vivre avec nous. Que faudra-t-il pour que ça nous dérange? Ressentez de la rage. Si la rage ne vous donne pas de pouvoir, essayez la peur. Si ça ne fonctionne pas, essayez la panique.


Hurlez-le !

Soyez fièr·e·s. Faites tout ce que vous devez faire pour vous arracher à votre état d’acceptation habituel. Soyez libres. Hurlez le.

En 1969, les Queers ripostèrent. En 1990, les Queers disent ‘’ok’’.

L’année prochaine, serons-nous là ?


Je déteste…

Je déteste Jesse Helms. Je déteste tellement Jesse Helms que je me réjouirais s’il tombait raide mort. Si quelqu’un le tuait, je considérerais que c’est de sa faute.

Je déteste Ronald Reagan. aussi, parce qu’il a massacré mon peuple pendant huit ans. Mais pour être honnête, je le déteste encore plus pour avoir fait l’éloge de Ryan White sans d’abord admettre sa culpabilité. [4] sans supplier pardon pour la mort de Ryan et pour la mort de dizaines de milliers d’autres personnes atteintes du sida- la plupart d’entre elles queers. Je le déteste pour s’être moqué de notre deuil.

Je déteste le putain de Pape, et je déteste John putain de Cardinal putain d’O’Connor. Et je déteste l’entière putain d’église catholique.

Il en va de même pour les militaires, et en particulier pour les forces de l’ordre américaines - les flics – des sadiques approuvés par l’État qui brutalisent les travestis de rue, prostitué·e·s et prisonniers homosexuels.

Je déteste aussi les établissements médicaux et psychiatriques, particulièrement le psychiatre qui m’a convaincu de ne pas avoir de relations sexuelles avec des hommes pendant trois ans jusqu’à ce qu’on (c’est à dire lui) pourrait me rendre bisexuel plutôt que queer. Je déteste aussi la profession de l’éducation, pour son rôle dans le suicide de milliers d’adolescent·e·s homosexuel·le·s chaque année. Je déteste le monde de l’art ‘’respectable’’ ; et l’industrie du divertissement et les médias grand public, en particulier le New York Times. En fait, je déteste tous les secteurs de l’établissement hétéro dans ce pays – dont les pires d’entre elleux veulent activement la mort de tous les pédés, dont les meilleur·e·s ne se bousculent jamais pour nous maintenir en vie.

Je déteste les hétéros qui pensent qu’iels ont quelque chose d’intelligent à dire sur l’ ‘’outing’’. Je déteste les hétéros qui pensent que leurs histoires sont ‘’universelles’’ mais que nos histoires ne parlent que d’homosexualité. Je déteste les artistes hétéros qui bâtissent leur carrière sur des personnes queer, puis nous attaquent, puis jouent les victimes lorsque nous nous énervons et ensuite nient nous avoir fait du tort plutôt que de s’en excuser. Je déteste les hétéros qui disent, ‘’Je ne vois pas pourquoi tu ressens le besoin de porter ces badges et ces t-shirts. Je ne me balade pas en disant au monde entier que je suis hétéro.’’

Je déteste qu’en douze ans d’éducation publique on ne m’ait jamais parlé des personnes queers. Je déteste avoir grandi pensant que j’étais le·a seul·e queer sur terre, et je déteste encore plus que la plupart des enfants gays grandissent toujours de la même manière. Je déteste avoir été harcelé par d’autres enfants parce que j’étais pédé, mais aussi que l’on m’a appris à avoir honte d'être l'objet de leur cruauté, j'ai appris à sentir que c'était de ma faute.

Je déteste que la Cour Suprême de ce pays dise qu’il est normal de me criminaliser à cause de la façon dont je fais l’amour.[5] Je déteste que tant de gens hétéros soient si préoccupés par ma foutue vie sexuelle.

Je déteste que tant d'hétéros tordus deviennent parents, alors que je dois me battre comme un diable pour être autorisé à être père.

Je déteste les hétéros.


Où êtes-vous mes sœurs ?

Je porte mon triangle rose partout. Je ne baisse pas la voix en public lorsque je parle d’amour ou de sexe lesbien. Je dis toujours aux gens que je suis lesbienne. Je n’attends pas qu’on me pose des questions sur mon ‘’petit ami’’. Je ne dis pas que ça ne regarde personne.

Je ne le fais pas pour les hétéros. La plupart d’entre eux ne savent même pas ce que signifie le triangle rose. La plupart d’entre eux se moquent bien que ma petite amie et moi soyons totalement amoureuses ou que nous nous disputions dans la rue. La plupart d’entre eux ne vont pas nous remarquer peu importe ce que nous faisons. Je fais ce que je fais pour atteindre d’autres lesbiennes. Je fais ce que je fais parce que je ne veux pas que les lesbiennes supposent que je suis une fille hétéro. Je suis out tout le temps, partout. Parce que JE VEUX T’ATTEINDRE. Peut-être que tu me remarqueras, peut-être que nous commencerons à parler. Peut-être que nous échangerons nos numéros, peut-être que nous deviendrons amies. Peut-être qu’on ne dira pas un mot mais nos regards se croiseront et je t’imaginerai nue, en sueur, la bouche ouverte, le dos cambré pendant que je te baise. Et nous serons heureuses de savoir que nous ne sommes pas les seules au monde. Nous serons heureux parce que nous nous sommes trouvées, sans dire un mot, peut-être juste pour un moment. Mais non.

Tu ne porteras pas de triangle rose sur ton revers en lin. Tu ne croiseras pas mes yeux si je flirte avec toi dans la rue. Tu m’éviteras au travail parce que je suis ‘’trop’’ out. Tu me châties dans les bars parce que je suis ‘’trop politique’’. Tu m’ignores en public parce que j’apporte ‘’trop’’ d’attention à ‘’mon’’ lesbianisme. Mais ensuite tu veux que je sois ton amante, tu veux que je sois ton amie, tu veux que je t’aime, que je te soutienne, que je me batte pour ‘’NOTRE’’ droit d’exister.


Où es-tu ?

Tu parles, parles, parles d’invisibilité puis tu te retires chez toi pour nicher avec tes amant·e·s ou festoyer dans un bar avec des ami·e·s et rentrer chez toi en taxi ou assis·e silencieusement et poliment pendant que ta famille, ton patron, tes voisins, des fonctionnaires nous déforment et nous défigurent, nous tournent en dérision et nous punissent. Puis à la maison t’as envie de crier. Ensuite, tu calmes ta colère avec des relations ou une carrière ou une fête avec d’autres gouines comme toi et tu te demandes toujours pourquoi nous ne pouvons pas nous trouver, pourquoi tu te sens seul·e, en colère, aliéné·e.


Levez-vous, réveillez-vous mes sœurs !!

Votre vie est entre vos mains.

Quand je risque tout pour être out, je le risque pour nous deux. Quand je risque tout et que ça marche (ce qui arrive souvent si tu voulais essayer), j’en bénéficie et 50 d’entre nous aussi. Quand ça ne marche pas, je souffre et toi non.

Mais meuf, tu ne peut pas attendre que d’autres gouines rendent le monde plus sûr pour toi. ARRÊTE d’attendre pour un avenir meilleur et plus lesbien ! La révolution pourrait être là si nous la commencions.

Où êtes-vous mes sœurs ? J’essaye de vous trouver, j’essaye de vous trouver. Comment se fait-il que je ne te vois que le jour de la Gay Pride ?

Nous sommes OUT. Où es-TU bordel ?


Quand quelqu’un t’agresses pour être queer, c’est du queer bashing. Pas vrai ?

Une foule de 50 personnes sort d’un bar gay à sa fermeture. De l’autre côté de la rue, des garçons hétéros crient ‘’Pédés’’ et lancent des bouteilles de bière sur le rassemblement. Ce qui les dépasse à 10 contre 1. Trois queers y répondes, n’obtenant aucun soutien du groupe. Pourquoi un groupe de cette taille s’est-il permis d’être des poules mouillées ?

Tompkins Square Park, Fête du Travail. Lors d’un concert annuel en plein air/spectacle de drag, un groupe d’hommes gays s’est fait harcelé par un groupe d’adolescents les menaçant avec des bâtons. Au milieu de milliers d’homosexuels et de lesbiennes, des garçons hétéros ont tabassés deux hommes gays au sol, puis se sont levés en riant triomphalement entre eux. Le directeur du spectacle en a été alerté et a averti la foule depuis la scène : ‘’Les filles soyez prudentes. Quand vous vous habillez, ça rend les garçons fous’’, comme s’il s’agissait d’une blague inspirée de ce que portaient les victimes plutôt que d’une attaque dirigée contre tout le monde présent lors de cette fête.

Qu’aurait-il fallu à cette foule pour tenir tête à ses agresseurs ?[6]

Après que James Zappalorti, un homme ouvertement homosexuel, a été assassiné de sang-froid à Staten Island cet hiver, une seule manifestation a eu lieu en signe de protestation. Seulement une centaine de personnes sont venues. Lorsque Yusuf Hawkins, un jeune noir, a été abattu pour avoir été sur du ‘’gazon blanc’’ à Bensonhurst. Les Afro-Américains ont défilé dans ce quartier en grand nombre encore et encore.[7] Une personne noire a été tué PARCE QU’ELLE ÉTAIT NOIRE, et les personnes de couleur dans toute la ville l’ont reconnu et ont agi en conséquences. La balle qui a touchée Hawkins était destinée à un homme noir, N’IMPORTE QUEL homme noir. La plupart des gays et lesbiennes pensent-iels que le couteau qui a transpercé le cœur de Zappalorti n’était destiné qu’à lui ?

Le monde hétéro nous a tellement convaincu que nous sommes des victimes impuissantes et méritantes de la violence contre nous, que les queers sont immobiles face à une menace. SOYEZ OUTRAGÉS ! Ces attaques ne doivent pas être tolérées. FAITES QUELQUE CHOSE. Reconnaissez que chaque acte d’agression contre un·e membre de notre communauté est une attaque contre chaque membre. Plus nous permettons aux homophobes d’infliger violence, terreur et peur dans nos vies, plus nous serons fréquemment et férocement l’objet de leur haine. Vous êtes incommensurablement précieux, car à moins que vous ne commenciez à le croire, ça peut facilement vous être enlevé.

Si vous savez comment immobiliser délicatement et efficacement votre agresseur, alors faites-le par tous les moyens. Si vous n’avez pas ces compétences, pensez à lui arracher les putain d’yeux, à lui rentrer le nez dans le cerveau, à lui trancher la gorge avec une bouteille cassée – faites tout ce que vous pouvez, tout ce que vous devez faire, pour sauver votre vie !



reeuQ iouqruoP

Queer !

Ah, devons nous vraiment utiliser ce mot ? Ça pose souvent problème. Chaque homosexuel·le a sa propre opinion là dessus. Pour certains ça veut dire étrange et excentrique mais un peu mystérieux. Ça va, on aime ça. Mais certains gays et lesbiennes ne l’aime pas. Iels pensent être plus normaux qu’étranges. Et pour d’autres, ‘’queer’’ évoque ces horribles souvenirs de souffrances adolescentes. Queer. C’est forcément doux-amer et pittoresque au mieux- affaiblissant et douloureux au pire. Ne pourrions-nous pas simplement utiliser ‘’gay’’ à la place ? C’est un mot beaucoup plus joyeux et n’est-il pas synonyme de ‘’heureux’’ ? Quand est-ce que vous, les militants, allez grandir et surmonter la nouveauté d’être différent·e ?


Pourquoi Queer

Eh bien, oui, ‘’gay’’ est génial. Ça a sa place. Mais quand beaucoup de lesbiennes et d’hommes gays se réveillent le matin, nous nous sentons en colère et dégoûtés. Pas gays. Nous avons donc choisi de nous appeler queer. Utiliser ‘’queer’’ est une façon de nous rappeler comment nous sommes perçus par le reste du monde. C’est une façon de nous dire que nous n’avons pas besoin d’être des gens pleins d’esprits et charmants qui gardent leurs vies discrètes et marginalisées dans le monde hétéro. Nous utilisons queer comme gays aimant les lesbiennes et lesbiennes aimant être queer.


Queer, contrairement à GAY, ne veut pas dire HOMME.


Et lorsqu'on s'adresse à d'autres gays et lesbiennes, c'est une façon de suggérer de resserrer les rangs et d'oublier (temporairement) nos différences individuelles parce que nous faisons face à un ennemi commun plus insidieux. Ouais, QUEER peut être un mot dûr mais c'est aussi une arme sournoise et ironique que nous pouvons voler des mains de l'homophobe et utiliser contre lui.


Pas de police du sexe

Que quiconque dise que le coming out ne fait pas partie de la révolution passe à côté de l'essentiel. Des images sexuelles positives et ce qu'elles manifestent sauvent des vies parce qu'elles affirment ces vies et permettent aux gens d'essayer de vivre en s'aimant au lieu de se détester. Comme le célèbre slogan "Black is beautiful" a changé de nombreuses vies, "Read my lips" affirme le queer face à la haine et à l'invisibilité, comme le montre une récente étude gouvernementale sur les suicides qui indique qu'au moins un tiers de tous les suicides d'adolescents sont des enfants queers. C’est encore amplifié par l'augmentation de la transmission du VIH chez les moins de 21 ans.

Nous sommes surtout détestés en tant que queers pour notre sexualité, c'est-à-dire notre contact physique avec le même sexe. Notre sexualité et notre expression sexuelle sont ce qui nous rend les plus vulnérables à la violence physique. Notre différence, notre altérité, notre unicité peuvent soit nous paralyser, soit nous politiser. J’espère que la majorité d'entre nous ne la laissera pas nous tuer.


Espace Queer

Pourquoi diable laissons-nous les hétéros entrer dans les boîtes queers ? Qui s'en fout s'ils nous aiment parce que nous "savons vraiment faire la fête?" NOUS LE DEVONS BIEN POUR SOUFFLER LA VAPEUR QU’ILS NOUS FONT SENTIR TOUT LE TEMPS ! Ils s'embrassent où bon leur semble et prennent trop de place sur la piste de danse en faisant des danses de couple ostentatoires. Ils arborent leur hétérosexualité comme un panneau d’interdiction. ou comme un titre de propriété.

Pourquoi diable les tolérons-nous quand ils envahissent notre espace comme si c'était leur droit ? Pourquoi les laissons-nous pousser l'hétérosexualité - une arme que leur monde brandit contre nous - directement dans nos visages dans les quelques endroits publics où nous pouvons être sexy les uns avec les autres et ne pas craindre d'être attaqués ?


Il est temps d'arrêter de laisser les hétéros établir toutes les règles. Commençons par afficher ce panneau à l'extérieur de chaque club et bar queer :


Règles de conduite pour les hétéros


Gardez votre démonstration d'affection (embrasser, tenir la main) au minimum. Votre sexualité est indésirable et offensante pour beaucoup ici.


Si vous devez faire un slow, soyez aussi discret·e que possible.


Ne fixez pas ou ne dévisagez pas les lesbiennes ou les hommes gays, en particulier les bull dykes ou les drag queens. Nous ne sommes pas votre divertissement.


Si vous ne pouvez pas gérer confortablement une personne du même sexe qui vous fait des avances, sortez.


N'affichez pas votre hétérosexualité. Soyez discret. Risquez d'être confondu avec une lesbo ou un homo.


Si vous pensez que ces règles sont injustes, allez combattre l'homophobie dans les clubs hétéros, ou :


Allez vous faire foutre.


Je déteste les hétéros

J’ai des ami·es. Certain·es sont hétéro.

Années après années, je revois mes ami·e·s hétéros. Je veux les voir. pour voir comment ils vont. pour ajouter de la nouveauté à nos histoires longues et compliquées, faire l'expérience d'un peu de continuité. Année après année, je continue à réaliser que ma vie n’est pas pertinente pour elle·ux et que je ne suis qu'à moitié écouté·e. que je suis un appendice aux actions d'un monde meilleur. un monde de pouvoir et de privilèges, de lois d'installation. un monde d'exclusion. "Ce n'est pas vrai", affirment mes amis hétéros. Il y a une certitude dans les politiques de pouvoir : ceux qui en sont exclus supplient d’être inclus. tandis que celle·ux à l’intérieur affirment qu'ils le sont déjà. Les hommes le font aux femmes, les blancs le font aux noirs. et tout le monde le fait aux queers. La principale ligne de démarcation, à la fois consciente et inconsciente, est la procréation... et ce mot magique – la Famille. Souvent, ceux dans lesquels nous sommes nés nous renient lorsqu'ils découvrent qui nous sommes vraiment, et pour aggraver les choses, nous sommes empêchés d'avoir les nôtres. Nous sommes punis, insultés, coupés et traités comme des factieux en matière d'éducation des enfants, à la fois damnés si nous essayons et damnés si nous nous abstenons. C'est comme si la propagation de l'espèce était une directive si fragile que sans l'appliquer comme s'il s'agissait d'un agenda, l'humanité se fondrait dans le limon primitif.

Je déteste avoir à convaincre les hétéros que les lesbiennes et les gays vivent dans une zone de guerre, que nous sommes entourés d'explosions de bombes que nous seuls semblons entendre, que nos corps et nos âmes sont entassés, morts de peur ou bashés ou violés, mourant de chagrin ou maladie, dépouillé de notre personnalité.

Je déteste les hétéros qui ne peuvent pas écouter la colère queer sans dire « hé, tous les hétéros ne sont pas comme ça. Je suis hétéro aussi, tu sais », comme si leur ego n'était pas assez caressé ou protégé par cet arrogance. monde hétérosexiste. Pourquoi devons-nous prendre soin d'eux, au milieu de notre juste colère provoquée par leur société de merde ?! Pourquoi ajouter le réconfort de "Bien sûr, c’est pas de vous que je parle. Vous n'agissez pas de cette façon’’. Laissez-les déterminer par eux-mêmes s'ils méritent d'être inclus dans notre colère.

Mais bien sûr, cela signifierait écouter notre colère, ce qu'ils ne font presque jamais. Ils le détournent. en disant "Je ne suis pas comme ça" ou "Maintenant, regarde qui généralise" ou "Tu attraperas plus de mouches avec du miel..." ou "Si tu te concentres sur le négatif, tu lui donnes juste plus de pouvoir" ou "tu n’es pas le·a seul·e au monde à souffrir’’. Ils disent "Ne me crie pas dessus, je suis de ton côté" ou "Je pense que tu dramatises" ou "MEC, T’EXAGÈRES".

Ils nous ont appris que les bons queers ne s’énervent pas. Ils nous ont si bien appris que non seulement nous leur cachons notre colère, mais nous la cachons à chacun. NOUS LA CACHONS MÊME À NOUS-MÊMES. Nous la cachons avec la drogue, le suicide et la surperformance dans l'espoir de prouver notre valeur. Ils nous bashent, nous poignardent, nous tirent dessus et nous bombardent en nombre toujours croissant et nous paniquons quand même quand des pédés en colère portent des banderoles ou des pancartes qui disent BASH BACK. Au cours de la dernière décennie, ils nous ont laissé mourir en masse et nous remercions toujours le président Bush d'avoir planté un putain d'arbre, nous l'applaudissons d'avoir comparé les personnes atteintes du VIH à des victimes d'accidents de voiture qui refusent de porter leurs ceintures de sécurité. LAISSEZ-VOUS ÊTRE EN COLERE. Laissez-vous vous fâcher que le prix de notre visibilité soit la menace constante de la violence, la violence anti-queer à laquelle pratiquement chaque segment de cette société contribue. Laissez-vous mettre en colère car IL N'Y A AUCUN ENDROIT DANS CE PAYS OÙ NOUS SOMMES EN SÉCURITÉ, aucun endroit où nous ne sommes pas la cible de haine et d’attaques, de la haine de soi, du suicide - du placard.

La prochaine fois qu'une personne hétéro vous accusera d'être en colère, dites-lui que jusqu'à ce que les choses changent, vous n'avez plus besoin de preuves que le monde tourne à vos dépens. Vous n'avez pas besoin de ne voir que des couples hétéros qui font leurs courses sur votre télé... Vous ne voulez plus de photos de bébé qui vous sont montrées au visage jusqu'à ce que vous puissiez avoir ou garder le vôtre. Plus de mariages, de fêtes, d'anniversaires, s'il vous plaît, à moins que ce ne soient nos propres frères et sœurs qui célèbrent. Et dites-leur de ne pas vous renvoyer en disant « Vous avez des droits », « Vous avez des privilèges », « Vous exagérez» ou « Vous avez une mentalité de victime ». Dites-leur "ÉLOIGNEZ-VOUS DE MOI, jusqu'à ce que VOUS puissiez changer." Partez et essayez un monde sans les queers fort·e·s et courageux·ses qui sont ses piliers, qui sont ses tripes, son cerveau et son âme. Allez leur dire de s'en aller jusqu'à ce qu'iels aient passé un mois à marcher main dans la main en public avec quelqu'un du même genre. Après qu'iels aient survécu à ça. alors vous entendrez ce qu'iels ont à dire sur la colère queer.


Sinon, dites-leur de se taire et d'écouter.

1990 https://theanarchistlibrary.org/library/anonymous-queers-read-this fr 2022-12-26T23:10:54 queer, queer ultraviolence, lgbt, pride

[1] AZT : un anti-rétroviral supprimant le VIH.

[2] Jessie Helms était un sénateur américain de Caroline du nord bien connu pour ses votes conservateurs soutenant le racisme institutionnel, l'homophobie, le sexisme, la censure de l'art nu, etc.

[3] La politique sur le sida est toujours de la violence institutionnalisée, bien qu'elle soit devenue moins ciblée par la sexualité et davantage sur la race et l'incarcération. Les personnes noires représentent 13% de la population américaine mais 49% des nouveaux diagnostics de VIH/SIDA. Les taux de VIH/SIDA en prison sont estimés à plus de 6fois les taux de la population non incarcérée (probablement une sous-estimation parce que tous les États n'ont pas de déclaration obligatoire du VIH/SIDA en prison. Les taux chez les femmes détenues atteignent 10 % de la population ou plus. Les prisons aux États-Unis interdisent ou restreignent généralement l'accès aux préservatifs et autres fournitures pour le sexe à moindre risque.

[4] Ryan White deviendra l'enfant figure des affiches du VIH/SIDA en 1985/7 parce qu'il a été infecté par transfusion, pas par sexe. Parce qu'il était jeune, et parce qu'il s'est fait renvoyer de l'école pour avoir le VIH. Grâce à Ryan White et aux hétéros comme Magic Johnson, le VIH/SIDA a été "normalisé". Et seulement à ce moment là ça a reçu de l'attention sérieuse, particulièrement par le gouvernement.

[5] Probablement une référence aux lois sur la sodomie dans environ 25 États américains lorsque ça a été rédigé. Avant que la Cour suprême des États-Unis ne déclare la loi sur la sodomie inconstitutionnelle en 2003 (Lawrence c. Texas), elle a confirmé la loi géorgienne sur la sodomie en 1986 (Bowers c. Hardwick)

[6] Dans une attaque récente à Brooklyn, New York City, des officiers de police battent deux lesbiennes de couleur dans les rues en hurlant des insultes homophobes. C'est arrivé en dehors d'un bar avec une foule de plus de 100 queers assistant à la scène. Ensuite, exactement 40ans après Stonewall, jour pour jour, la police a perquisitionné un bar gay à Fort Worth. Le Texas a battu et arrêté des gens pour aucune autre raison qu'être queer. Personne ne s'est défendu.

[7] Yusef Hawkins et 3 amis ont été attaqués par un groupe de 10 à 30 jeunes blancs dans un quartier ouvrier en grande partie italo-américain à Brooklyn en 1989. Plusieurs membres de la foule blanche avaient des battes de baseball et un avait une arme avec laquelle il a tiré et tué Yusef. C'était le troisième meurtre d'un homme noir par une foule blanche à New York dans les années 1980. La marche de protestation a failli se transformer en émeute. D'autres marches ont eu lieu en réponse à l'acquittement d'un accusé pour meurtre et homicide involontaire.