Hakim Bey
Zones Autonomes Permanentes
PAZ
La théorie de la TAZ[1][1] essaie de s’occuper de situations existantes ou émergentes plus que du pur utopisme. Partout dans le monde il y a des gens qui sont en train de quitter ou en train de « disparaître « du gril de l’aliénation, qui sont en train de chercher des manières de restaurer le contact humain. Un exemple intéressant de cela — au niveau de la « culture populaire urbaine « — peut être trouvé dans la prolifération de réseaux et de conférences sur les hobbies. Récemment j’ai découvert les zines de 2 de ces groupes, les joyaux de la couronne du suprême fil électrique (dédié à la collection d’isolants électriques en cristal) et une revue de cucurbitologie (La Calebasse). Une énorme quantité de créativité est dédiée à ces obsessions. Les diverses rencontres périodiques de compagnons-maniaques aboutissent à d’authentiques festivals face-à-face (sans médiations) d’excentricité. Ce n’est pas seulement la « contre-culture « qui cherche ses TAZs, ses campements nomades et ses nuits de libération du consensus. Des groupes auto-organisés et autonomes sont en train d’apparaître parmi toutes les « classes « et « sous-culture « . De vastes étendues de l’empire babylonien sont maintenant vides, peuplés seulement par les agents secrets des médias de masse et par quelques policiers psychotiques.
La théorie de la TAZ se rend compte que C’EST EN TRAIN DE SE PRODUIRE — nous ne disons pas « devrait « ou sera — nous sommes en train de parler d’un mouvement qui existe déjà. Notre usage de diverses expériences de la pensée, des poétiques utopiques, de la critique paranoïaque, etc., prétend aider à clarifier ce mouvement, complexe et encore en grande partie non documenté, lui donner un certain foyer théorique et conscience de lui-même, suggérer des tactiques basées sur des stratégies intégrales cohérentes — agir comme sage-femme ou comme panégyriste, pas comme « avant-garde « !
Et ainsi nous avons du considérer le fait que toutes les zones autonomes existantes ne sont pas « temporaires « . Quelques unes sont (au moins en intention) plus ou moins « permanentes « . Certaines lézardes dans le monolithe babylonien paraissent si vides que des groupes entiers peuvent se mouvoir jusqu’à elles et s’y installer. Certaines théories, comme la « permaculture « [1] ont été développées pour affronter cette situation et en tirer tout le possible. « Villages « , « communes « , « communautés « , et jusqu’aux « arcologies « et « biosphères « (ou d’autres formes de villes utopiques) sont en train d’être expérimentées et menées à bien. Néanmoins même ici la théorie de la TAZ peut offrir quelques outils de pensée et des clarifications utiles.
Qu’en est-il d’une poétique (une « manière de faire « ) et d’une politique (une « manière de vivre ensemble « ) pour la TAZ permanente (ou « PAZ « ) ? Qu’en est-il de la relation entre la temporalité et la permanence ? Et comment la PAZ peut-elle se rénover et se rafraîchir périodiquement avec l’aspect « festif « de la TAZ ?
La question de la publicité
De récents succès aux USA et en Europe ont montré que les groupes auto-organisés/autonomes portent la crainte au cœur de l’Etat. MOVE à Philadelphie,[1] les koreshites de Waco,[1] les deadheads, les tribus de l’Arc en ciel, les pirates informatiques, les squats, etc., ont été les objectifs de divers niveau d’intensité d’extermination. Et même ainsi d’autres groupes ne sont pas perçus, ou au moins ne sont pas persécutés. Qu’est ce qui cause cette différence ? Un facteur peut être l’effet pervers de la publicité ou de la médiatisation. Les médias ressentent une soif vampirique pour l’œuvre de l’ombre et une passion pour le « Terrorisme « , le rituel public d’expiation, les boucs-émissaires et les sacrifices sanglants de Babylone. Une fois qu’un quelconque groupe autonome permet que ce « regard « particulier tombe sur lui, les choses deviennent pourries : les médias tenteront d’organiser un mini-armageddon pour satisfaire leur sale désir de spectacle et de mort.
Maintenant, la PAZ représente une bonne cible immobile pour une telle bombe intelligente médiatique. Assiégé à l’intérieur de son « composé « , le groupe auto-organisé peut seulement succomber à un type quelconque de martyr prédéterminé et bon marché. Probablement, ce rôle peut seulement attirer des masochistes névrosés ?? ? En tout cas, la plupart des groupes voudront vivre leur durée ou trajectoire naturelle dans la paix et le calme. Une bonne tactique ici peut être d’éviter la publicité des médias de masse comme la peste. Un peu de paranoïa naturelle est utile, pour autant qu’elle ne se transforme pas en une fin en soi. Il faut être rusé pour pouvoir être audacieux et bien s’en sortir. Une touche de camouflage, une aptitude pour l’invisibilité, un sens du tact comme tactique pourrait être utiles aussi bien à une PAZ qu’à une TAZ. Humbles suggestions : utiliser seulement des « médias intimes « (zines, réseaux téléphoniques, BBSs,[1] radios libres et mini-FM, télé câblée d’accès public, etc.) ; éviter les attitudes confrontationnistes de macho fanfaron — vous n’avez pas besoin de 5 secondes au journal télévisé ( » La police donne l’assaut à une secte « ) pour donner du sens à votre existence. Notre slogan pourrait être : « Cherche la vie, pas un style de vie. »[1]
Accès
Les gens devraient probablement choisir avec quelles personnes vivre. Les communes à « participation ouverte « finissent invariablement inondées de parasites et de pitres pathétiques affamés de sexe. Les PAZ doivent choisir mutuellement leur propre membres — ceci n’a rien à voir avec « l’élitisme « . La PAZ peut exercer une fonction temporairement ouverte — comme héberger des festivals ou distribuer de la nourriture gratuite -, mais n’a pas besoin d’être ouverte en permanence à n’importe quel sympathisant auto-proclamé qui passe par là.
L’urgence d’une économie authentiquement alternative
Une fois de plus, ceci est déjà en train de se produire, mais nécessite encore une énorme quantité de travail avant de sortir à la lumière. Les sous-économies du « travail au noir « , les transactions non-taxées, le troc, etc., tendent à être sévèrement limitées et localisées. Les BBSs et autres systèmes de réseaux peuvent être utilisés pour unir ces économies régionales/marginales ( » entreprises domestiques « ) en une économie alternative viable d’une certaine ampleur. « P. M . » a déjà ébauché quelque chose comme cela dans « bolo’bolo « [1] — de fait il existe déjà de nombreux systèmes possibles, au moins en théorie. Le problème est : Comment construire une véritable économie alternative, c’est à dire une économie complète sans attirer le ministère des Finances et autres chiens de chasse capitalistes ? Comment puis-je échanger mes aptitudes de, disons, plombier ou distillateur d’alcool pour les aliments, les livres, le toit et les plantes psycho-actives que je veux — sans payer d’impôts, ou y compris sans utiliser aucun argent forgé par l’Etat ? Comment puis-je vivre une vie confortable (et même luxueuse) libre de toute interaction et transaction avec le monde de la marchandise ? Si nous prenions toutes les énergies que les gauchistes mettent dans les manifs et toute l’énergie que les libertaires[1] mettent à jouer à de futiles petits jeux de troisième parti, et si nous redirigions tout ce pouvoir vers la construction d’une véritable économie souterraine, cela ferait longtemps que nous aurions atteint « la révolution « .
Le monde finit en 1972
L’effigie creuse de l’Etat absolu est finalement tombée à terre en « 1989 « . L’ultime idéologie, le capitalisme, n’est plus qu’une maladie de peau du Néolithique très tardif. C’est une machine-désirante qui tourne à vide. J’ai l’espérance de la voir se dissiper durant ma vie, comme un des paysages mentaux de Dali. Et je veux avoir un endroit où « aller « quand la merde tombe. Evidemment la mort du capitalisme n’implique pas nécessairement la destruction à la Godzilla de toute la culture humaine ; ce scénario est simplement une image de terreur propagée par le capitalisme lui-même. Néanmoins, il est évident que le cadavre rêvant aura de violents spasmes avant que la rigor mortis[1] ne s’installe — et New-York ou Los Angeles peuvent ne pas être les endroits les plus intelligents pour attendre que se termine la tempête. ( Et la tempête peut avoir déjà commencé). [D’un autre coté NYC et LA pourraient ne pas être les pires endroits pour créer le Monde nouveau ; on peut imaginer des quartiers entiers squattés, des gangs transformés en Milices Populaires, etc.]. Maintenant, le mode de vie gitano-Réalité Virtuelle peut être une manière d’affronter la dissolution en cours du Capitalisme Trop tardif — mais en ce qui me concerne, je préfèrerai un beau monastère anarchiste quelque part, un endroit typique pour que les « érudits « supportent « l’âge obscur « .[1] Plus nous organisons cela MAINTENANT, moins nous aurons de problèmes à affronter ensuite. Je ne suis pas en train de parler de « survie « — je ne suis pas intéressé par la simple survie. Je veux m’épanouir. RETOURNONS A L’UTOPIE.
Festivals
La PAZ a une fonction vitale, comme un nœud dans le réseau des TAZ, un point de rencontre pour un ample cercle d’amis et alliés qui peuvent ne pas vivre de fait à temps complet dans la « ferme « ou dans le « village « . Les anciens villages célébraient des foires qui apportaient richesse à la communauté, fournissaient des marchés pour les voyageurs et créaient un temps/espace festif pour tous les participants. Aujourd’hui le festival est en train d’émerger comme une des formes les plus importante pour la TAZ elle-même, mais il peut aussi apporter une rénovation et une énergie fraîche pour la PAZ. Je me rappelle avoir lu quelque part qu’au Moyen-Âge il y avait cent onze jours fêtés par an ; nous devrions prendre ceci comme notre « minimum utopique « et nous efforcer de faire encore mieux. [ Note : les minimas utopiques proposés par C. Fourier[1] consistaient en plus de nourriture et de sexe que ce dont profitait l’aristocrate français moyen du XVIIIème siècle ; B. Fuller proposa l’expression « minimum dénudé « pour un concept similaire]
La terre vivante
Je crois qu’il y a une abondance de bonnes raisons égoïstes pour désirer l’ « organique « (c’est plus sexy), le « naturel « (ça a meilleur goût), le « vert « (c’est plus beau), le « sauvage « [1] (c’est plus excitant). La communitas (comme Paul Goodman[1] l’appelait[1]) et la convivialité (comme l’appelait Ivan Illich[1]) sont plus plaisantes que leurs opposés. La terre vivante n’a pas besoin d’exclure la ville organique — la petite mais intense conglomération d’humanité dédiée aux arts et aux plaisirs légèrement décadents d’une civilisation purgée de tout son gigantisme et solitude forcée — mais même ceux d’entre nous qui aimons les villes nous pouvons voir des motifs immédiats et hédoniques de lutter pour « l’environnement « . Nous sommes des militants biophiles. Ecologie profonde, écologie sociale, permaculture, technologie appropriée… nous ne sommes pas trop minaudiers avec les idéologies. Que fleurissent 1000 fleurs.
Typologie de la PAZ
Une « religion étrange « ou un mouvement d’art rebelle peut se convertir en une espèce de PAZ non locale, comme un réseau de hobby plus intense et accaparant. La Société Secrète (comme le Tong chinois[1]) fournit aussi un modèle pour une PAZ sans limites géographiques. Mais le « scénario du cas parfait « implique un espace libre qui s’étend dans un temps libre. L’essence de la PAZ doit être l’intensification prolongée des joies — et des risques — de la TAZ. Et l’intensification de la PAZ sera… l’Utopie Maintenant.
[1] Les tongs sont des sociétés secrètes d’origines chinoises où se pratiquaient l’entraide et l’appui mutuel autour d’objectifs communs : activités subversives ou religieuses, contrebande et trafics… Hakim bey a d’ailleurs écrit un petit texte, traduit en français (et téléchargeable gratuitement sur internet en cherchant un peu), sur le sujet et l’intérêt que cette forme d’organisation solidaire clandestine peut représenter pour des minorités en marge du système. [NDT]
[1] Les tongs sont des sociétés secrètes d’origines chinoises où se pratiquaient l’entraide et l’appui mutuel autour d’objectifs communs : activités subversives ou religieuses, contrebande et trafics… Hakim bey a d’ailleurs écrit un petit texte, traduit en français (et téléchargeable gratuitement sur internet en cherchant un peu), sur le sujet et l’intérêt que cette forme d’organisation solidaire clandestine peut représenter pour des minorités en marge du système. [NDT]
[1] Les tongs sont des sociétés secrètes d’origines chinoises où se pratiquaient l’entraide et l’appui mutuel autour d’objectifs communs : activités subversives ou religieuses, contrebande et trafics… Hakim bey a d’ailleurs écrit un petit texte, traduit en français (et téléchargeable gratuitement sur internet en cherchant un peu), sur le sujet et l’intérêt que cette forme d’organisation solidaire clandestine peut représenter pour des minorités en marge du système. [NDT]
[1] Les tongs sont des sociétés secrètes d’origines chinoises où se pratiquaient l’entraide et l’appui mutuel autour d’objectifs communs : activités subversives ou religieuses, contrebande et trafics… Hakim bey a d’ailleurs écrit un petit texte, traduit en français (et téléchargeable gratuitement sur internet en cherchant un peu), sur le sujet et l’intérêt que cette forme d’organisation solidaire clandestine peut représenter pour des minorités en marge du système. [NDT]
[1] Les tongs sont des sociétés secrètes d’origines chinoises où se pratiquaient l’entraide et l’appui mutuel autour d’objectifs communs : activités subversives ou religieuses, contrebande et trafics… Hakim bey a d’ailleurs écrit un petit texte, traduit en français (et téléchargeable gratuitement sur internet en cherchant un peu), sur le sujet et l’intérêt que cette forme d’organisation solidaire clandestine peut représenter pour des minorités en marge du système. [NDT]
[1] Les tongs sont des sociétés secrètes d’origines chinoises où se pratiquaient l’entraide et l’appui mutuel autour d’objectifs communs : activités subversives ou religieuses, contrebande et trafics… Hakim bey a d’ailleurs écrit un petit texte, traduit en français (et téléchargeable gratuitement sur internet en cherchant un peu), sur le sujet et l’intérêt que cette forme d’organisation solidaire clandestine peut représenter pour des minorités en marge du système. [NDT]
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