Emma Goldman
L’importance sociale de l’École Moderne
Pour saisir pleinement l’importance sociale de l’École Moderne nous devons comprendre d’abord comment fonctionne l’école aujourd’hui et, ensuite, l’idée que sous-tend le mouvement éducatif moderne.
Qu’est-ce donc l’école, aujourd’hui, qu’elle soit publique, privée ou religieuse ?
Elle est, pour l’enfant, ce que la prison est pour le condamné et la caserne pour le soldat — un endroit où tout est bon pour briser la volonté de l’enfant et puis le concasser, le pétrir, le façonner, jusqu’à devenir un être étranger à lui-même.
Je ne dis pas que ce procédé est réalisé consciemment ; il n’est qu’une partie d’un système qui ne peut se maintenir qu’à travers une discipline et une uniformité absolue ; là, je pense, repose le plus grand crime de la société actuelle.
Naturellement,la méthode pour briser les volontés devra commencer dès le plus jeune âge ; c’est à dire avec l’enfant, parce qu’à cette période de la vie, l’esprit humain est plus malléable ; comme les acrobates et les contorsionnistes commenceront à s’exercer et s’entraîner pour acquérir la maîtrise de leurs muscles lorsque ceux-ci sont encore souples.
La notion même selon laquelle la connaissance ne peut être obtenue à l’école qu’à travers le bourrage de crâne systématique et que le temps scolaire est la seule période durant laquelle peut être obtenue la connaissance, est en soi si absurde qu’elle condamne complètement notre système éducatif comme arbitraire et inutile.
Supposons que quelqu’un suggère que les meilleurs résultats pour les individus et la société soient obtenus par le gavage forcé. L’esprit le plus ignorant ne se rebellerait-il pas contre un procédé aussi stupide ? Et pourtant l’estomac a une plus grande capacité d’adaptation que le cerveau. Malgré tout, nous trouvons tout à fait naturel de subir un gavage intellectuel.
En réalité, nous nous considérons comme une nation supérieure aux autres parce que nous avons développé un tube cérébral à travers lequel, quotidiennement, durant un certain nombre d’heures, nous pouvons faire ingérer de force à l’enfant une grande quantité d’aliments mentaux.
Emerson[1] disait, il y a soixante ans :
« Nous sommes des étudiants des mots ; nous sommes enfermés dans des écoles et universités pendant dix ou quinze ans et nous en sortons avec un moulin à parole, une mémoire des mots, et nous ne savons rien. »
Depuis que ces sages paroles ont été écrites, l’Amérique a atteint l’omnipotence même d’un système éducatif, et néanmoins, nous sommes confrontés à une totale impuissance quant aux résultats.
La plus grande nuisance de notre système éducatif n’est pas tant qu’il ne nous apprend rien qui en vaille la peine, qu’il aide à perpétuer les classes privilégiées, qu’il les aide dans le procédé criminel de vol et d’exploitation des masses ; la nuisance du système réside dans sa prétention vantarde de représenter la vraie éducation, et donc d’asservir les masses bien mieux que ne pourrait le faire un monarque absolu.
Presque tout le monde en Amérique, libéraux et radicaux compris, considèrent que l’École Moderne est une grande idée dans les pays européens, mais qu’elle nous est inutile. “Regardez nos possibilités » déclarent-ils.
En réalité, les méthodes modernes d’éducation sont beaucoup plus nécessaires en Amérique qu’en Espagne ou dans d’autres pays, car nulle part ailleurs il n’existe aussi peu de respect pour la liberté individuelle et l’originalité de pensée. Uniformité et imitation sont notre devise. De la naissance à la fin de vie, elle est imposée à chaque enfant comme constituant la seule voie vers le succès. Aucun enseignant ou éducateur américain qui oserait montrer la moindre prédisposition pour briser cette uniformité et imitation ne garderait son poste.
A New York, durant son cours de littérature, une professeur de lycée, Henrietta Rodman, a expliqué à ses élèves la relation entre George Eliot et Lewes.[2] Une jeune fille, élevée dans une famille catholique et résultat suprême de la discipline et d l’uniformité, a raconté l’épisode à sa mère. Cette dernière l’a retransmis à un prêtre, qui jugea utile de dénoncer Miss Rodman à l’Inspection Académique. Souvenez-vous qu’en Amérique l’État et l’Église sont deux institutions séparées, mais l’Inspection Académique a demandé des comptes à Miss Rodman et lui a notifié très clairement que si elle se permettait à nouveau de telles libertés, elle serait renvoyée de son poste.
A Newark, New Jersey, Mr. Stewart, un professeur de lycée très compétent, a présidé la cérémonie du Mémorial de Ferrer, offensant par conséquent les catholiques de la ville, qui formulèrent une protestation auprès de l’Inspection Académique. Mr. Stewart passa en commission de discipline et fut contraint de s’excuser afin de garder son poste. En fait, nos salles de classe, de l’école primaire jusqu’à l’université, ne sont que des camisoles de force pour les élèves comme pour les enseignants, simplement parce que qu’un esprit enfermé dans une camisole de force est la meilleure garantie pour obtenir une masse incolore, inerte et terne qui se déplace comme un troupeau de mouton entre deux hauts murs.
Je pense qu’il serait grand temps que tous les progressistes prennent conscience que notre système actuel de dépendance politique et économique ne se perpétue pas tant à travers la richesse et les tribunaux que via une masse humaine inerte, pétrie et façonnée dans une absolue uniformité, et que l’école aujourd’hui constitue le médium le plus efficace pour accomplir ce dessein. Je ne crois pas exagérer ni être la seule à penser cela ; Je cite un article dans Mother Earth de septembre 1910, écrit par le Dr. Hailman, un brillant enseignant avec presque vingt-cinq ans d’expérience, et voici ce qu’il avait à dire :
« Nos écoles ont échoué parce qu’elles sont fondées sur la contrainte et la restriction. Les enfants reçoivent des ordres arbitraires quant à ce qu’ils doivent faire, quand, et comment. L’initiative et l’originalité, la libre expression, l’individualité, sont bannies... On considère comme possible et important qu’ils soient tous intéressés par les mêmes choses, dans le même ordre et au même moment. L’idolâtrie de l’uniformité continue ouvertement et tranquillement. Et pour s’assurer doublement qu’il ne surviendra aucune interférence hétérodoxe, l’encadrement scolaire impose chaque étape et même la manière et le mode de chacune d’entre elles, de sorte qu’aucune initiative, originalité ou toute autre chose dérangeante ne puissent s’immiscer par le biais de l’enseignant. On entend encore trop parler d’ordre, de méthodes, de système, de discipline, au sens mortel de ces termes d’autrefois ; et ceux-ci visent à la répression plutôt qu’à la libération de la vie.
Dans ces circonstances, les enseignants ne sont que des outils, des robots, qui perpétuent une machine qui fabrique des robots. Ils continuent à imposer leurs connaissances à leurs élèves, ignorent ou répriment leur désir instinctif pour le jeu et la beauté, et leur imposent ou les conduisent dans un cours prétendument logique vers un exercice sans âme. Ils substituent à des motivations naturelles profondes qui ne craignent aucune difficulté et ne reculent devant aucun effort, des motivations de contraintes extérieures et de récompenses artificielles, qui, généralement fondées sur la crainte, l’avidité ou la rivalité asociales, empêchent le plaisir du travail pour lui-même et l’action raisonnée, éteint l’ardeur pour l’initiative créatrice et l’utilité sociale ; et remplacent ces motivations durables par des caprices éphémères et fugaces. »
Il va sans dire que l’enfant se replie sur lui-même, que son intelligence est émoussée et que sa personnalité véritable devient tordue, le rendant par conséquent inapte à prendre sa place dans la lutte sociale comme élément indépendant. En réalité, rien n’est plus haï dans le monde aujourd’hui qu’un élément indépendant quel que soit le domaine concerné.
L’École Moderne désavoue totalement ce système d’éducation pernicieux et complètement criminel. Elle affirme qu’il n’existe pas plus d’adéquation entre la contrainte et l’éducation qu’il n’en existe entre la tyrannie et la liberté ; les deux sont aussi éloignées que le sont les pôles. Le principe fondamental de l’École Moderne est le suivant : l’éducation est un procédé d’aide à l’expression, pas de gavage ; elle vise à ce que l’enfant puisse être laissé libre de se développer spontanément, en étant maître de ses efforts et en choisissant les domaines de connaissances qu’il désire étudier. Que, par conséquent, le professeur, au lieu d’opposer, ou de présenter de manière autoritaires ses propres opinions, préférences ou croyances, devrait être un instrument sensible répondant aux besoins de l’enfant, tels qu’ils se manifestent à un moment donné ; un canal à travers lequel l’enfant puisse acquérir la plupart des savoirs ordonnées de l’humanité lorsqu’il se sent capable de les recevoir et de les assimiler. L’École Moderne présentera les faits scientifiques, démontrables comme tels mais ne proposera pas des interprétations théoriques — sociales, politiques, ou religieuses — comme ayant une telle autorité, ou souveraineté intellectuelle, qu’elles interdisent le droit de critiquer ou de mettre en doute.
L’École Moderne, donc, doit être libertaire. Chaque élève doit être libre d’exprimer sa vraie nature. L’objectif principal de l’école est la promotion du développement harmonieux de toutes les facultés latentes chez l’enfant. Il ne peut y avoir de coercition dans L’École Moderne, ni aucune règle ni règlement. L’enseignant peut susciter, à travers son propre enthousiasme et noblesse de caractère, l’enthousiasme et la noblesse latente chez ses élèves, mais il outrepasse les libertés de sa fonction dès qu’il essaie d’influencer l’enfant d’une manière ou d’une autre. Punir un enfant, c’est immanquablement instaurer une fausse norme morale puisque l’enfant est ainsi amené à supposer que la punition est quelque chose qui lui est imposé de l’extérieur par une personne plus puissante ; au lieu d’être une réaction et une conséquence naturelle et inévitable de ses propres actes.
La finalité sociale de l’École Moderne est de développer l’individualité à travers la connaissance et la libre expression des traits de caractère, afin que l’individu puisse devenir un être social, parce qu’il a appris à se connaître lui-même, à connaître la nature de ses relations avec ses semblables et à s’épanouir dans une relation harmonieuse avec la société.
Bien évidemment l’École Moderne ne propose pas de jeter aux orties tout ce que les éducateurs ont appris à travers les erreurs du passé. Mais bien qu’elle accepte les enseignements des expériences passées, elle devra toujours employer des méthodes et des outils qui tendront à promouvoir la libre expression de l’enfant. Pour illustrer ce point : la façon dont la composition est enseignée à l’école de nos jours, où on permet rarement à l’enfant de faire usage de son libre jugement et initiative.L’École Moderne vise à enseigner la composition à travers des thèmes originaux sur des sujets choisis par les élèves à partir d’expériences de leurs propres vies ; les histoires et saynètes sont suggérées par l’imagination ou l’expérience vécue des élèves.
Cette nouvelle méthode ouvre immédiatement de nouvelles perspectives. Les enfants sont extrêmement influençables et très vifs d’esprit ; à condition de ne pas avoir été moulés dans l’uniformité, leur expérience renfermera inévitablement beaucoup plus d’originalité et de beauté que celle de l’enseignant ; il est aussi raisonnable d’affirmer que l’enfant est intensément intéressé par tout ce qui concerne sa propre vie. La composition basée sur l’expérience et l’imagination de l’élève ne fournit elle pas une plus grande matière à réflexion et au développement que celle d’aujourd’hui, basée sur une méthode routinière qui est, au mieux, que de l’imitation ?
Tous ceux qui sont au courant des méthodes actuelles d’éducation savent qu’en enseignant l’histoire on apprend aux enfants ce que Carlyle a appelé un « tissu de mensonges.” Un roi par ci, un président par là et quelques héros que l’on doit vénérer après que la mort les ait transformé en matériau qui constitue habituellement l’histoire. L’École Moderne, en enseignant l’histoire, doit présenter à l’enfant un éventail de périodes et d’événement dramatiques, représentatifs des principaux mouvements et temps de l’évolution humaine. Elle doit, par conséquent, aider à développer chez l’enfant la connaissance des luttes des générations précédentes pour le progrès et la liberté, et donc développer le respect pour chaque vérité qui vise à émanciper l’espèce humaine. Le principe fondamental de l’École Moderne est de rendre impossible le simple instructionniste[3] : celui-ci est aveuglé par sa spécialité dérisoire qu’il est destiné à servir durant sa vie entière ; l’adorateur borné de l’uniformité ; le réactionnaire aigri qui pleure pour « plus d’orthographe et d’arithmétiques et moins de vie » ; l’apôtre auto-suffisant du pis-aller, qui, dans son culte de ce qui a été, est impuissant à voir ce qui est et ce qui devrait être ; le partisan stupide d’une époque décadente qui fait la guerre à la vigueur rafraîchissante qui jaillit du sol — l’École Moderne vie à remplacer tout cela par la vie, la vraie interprète de l’éducation.
Un jour nouveau se lève, où l’école servira la vie dans toutes ses étapes et élèvera avec respect chaque enfant à sa place appropriée dans une vie collective bénéfique socialement, dont le mot d’ordre ne serait pas l’uniformité et la discipline, mais la liberté, le développement, la bonne volonté et le choix de tous et de chacun.
L’éducation sexuelle
Un système éducatif qui refuse de voir dans une jeune personnalité naissante et bourgeonnante l’indépendance de l’esprit et les bienfaits d’un corps librement développé, n’admettra certainement pas la nécessité de reconnaître la place du sexe chez l’enfant. Les enfants et les adolescents ont leurs jeunes rêves, leurs vagues pressentiments du besoin sexuel. Les sens s’épanouissent lentement comme les pétales d’un bourgeon, l’approche de la maturité sexuelle exacerbe les sensibilités et intensifie les émotions. Des nouvelles perspectives, des images merveilleuses, des aventures pittoresques se succèdent en une rapide procession devant les yeux de l’enfant qui s’éveille sexuellement. Il est admis par tous les psychologues que l’adolescence est la période la plus sensible et la plus propice aux sentiments fantasques et poétiques. Le rayonnement de la jeunesse — hélas si court — est inséparablement lié à l’éveil de l’érotisme. C’est l’époque où les idées et les idéaux, les objectifs et les motivations, commencent à se façonner dans le cœur humain ; ce qui est laid et mauvais dans la vie reste encore recouvert d’un voile fantastique, parce que la période qui marque le passage de l’enfant à l’adolescence est en réalité la période la plus exquisement poétique et magique de toute l’existence humaine.
Les puritains et les moralistes ne reculent devant rien pour salir et ternir cette époque magique. L’enfant ne doit pas connaître sa personnalité, encore moins être conscient de sa force sexuelle. Les puritains élèvent de hauts murs autour de cette grande réalité humaine ; aucun rayon de lumière n’est autorisé à pénétrer la conspiration du silence. Garder l’enfant dans l’ignorance totale quant à toutes les questions sexuelles est considéré par les éducateurs comme une sorte de devoir moral. Les manifestations sexuelles sont traitées comme si il s’agissait de tendances criminelles, alors que les puritains et les moralistes savent mieux que quiconque par expérience personnel que le sexe est un phénomène prodigieux.Néanmoins, ils continuent à bannir tout ce qui pourrait soulager l’esprit et l’âme fatigués de l’enfant, qui pourrait le libérer de la crainte et de l’anxiété.
Les mêmes éducateurs connaissent aussi les conséquences sinistres et désastreuses de l’ignorance en matière sexuelle. Mais ils n’ont ni la compréhension, ni l’humanité pour abattre les murs que le puritanisme a construit autour du sexe. Ils sont comme les parents qui, ayant été maltraités dans leur enfance, maltraitent et torturent maintenant leurs enfants pour se venger de leur propre enfance. Dans leur jeunesse, on a rebattu les oreilles des parents et des éducateurs avec le fait que le sexe est méprisable, sale et laid. Par conséquent, ils procèdent exactement de la même manière avec leurs enfants.
Cela demande certainement un jugement indépendant et un grand courage pour se libérer de telles idées. Les animaux à deux pattes, appelés parents manquent des deux. Alors, ils font payer leurs enfants pour les torts que leur ont causés leurs parents — ce qui ne fait que prouver qu’il faut des siècles de progrès pour éliminer les méfaits forgés par les traditions et les habitudes. Selon ces traditions, l’ « innocence » est devenue synonyme de « ignorance » ; l’ignorance est en effet considérée comme la plus haute vertu, et incarne le « triomphe » de puritanisme. Mais, en réalité, ces traditions représentent les crimes du puritanisme et ont eu pour effets des souffrances irréparables, intérieures et extérieures, chez les enfants et les adolescents.
Il est essentiel que nous prenions conscience une bonne fois pour toute que l’homme est davantage une créature sexuelle qu’une créature morale. La première est innée, la seconde greffée. Chaque fois que la terne morale s’affronte avec les besoins sexuels, ces derniers gagnent invariablement. Mais de quelle manière ? En secret, en mentant et trichant, dans la crainte et l’anxiété éprouvante pour les nerfs. En vérité, ce n’est pas dans les tendances sexuelles que repose la saleté mais dans les cœurs et les esprits des pharisiens : ils polluent même les manifestations innocentes et délicates de la vie de l’enfant. On peut observer souvent des groupes d’enfants, se raconter entre eux la légende de la cigogne en chuchotant. Ils ont entendu par hasard quelque chose, ils savent que c’est une chose terrible, interdite d’être racontée ouvertement sous peine de punition, et lorsque les petits espionnent un de leurs aînés, ils s’enfuient comme des criminels pris la main dans le sac. Combien honteux ils se sentiraient si leurs conversations étaient entendus et combien terrible cela serait de se trouver cataloguer parmi les mauvais et les méchants.
Ce sont les enfants qui, plus tard, sont condamnés à la vulgarité parce que leurs parents et enseignants considèrent que toute discussion intelligente sur le sexe est tout à fait impossible et immorale. Ces petits doivent chercher leurs éclaircissements en d’autres lieux et, bien que leurs connaissances des sciences naturelles n’est que partiellement juste, elles sont en réalité plus complètes que le simulacre de vertu des adultes qui qualifient les symptômes sexuels naturels de l’enfant de crime et de vice.
Durant leurs études, les jeunes sont souvent confrontés à la glorification de l’amour. Ils apprennent que l’amour est la fondation même de la religion, du sens du devoir, et autres choses merveilleuses. D’un autre côté, on fait apparaître l’amour comme une caricature répugnante à cause du facteur sexuel. L’éducation, alors, des deux sexes, dans la vérité et la simplicité aiderait grandement à éviter cette confusion. Si, durant l’enfance, on enseignait à l’homme et à la femme la camaraderie, cela neutraliserait l’obsession sur les questions sexuelles des deux et aiderait à l’émancipation de la femme bien plus que toutes les lois du code pénal et son droit de vote.
La plupart des moralistes et de nombreux pédagogues adhèrent encore à l’antique idée selon laquelle l’homme et la femme appartiennent à deux espèces différentes, allant dans des directions opposées, et qui doivent donc être séparés. L’amour, qui devrait être l’élan impétueux pour la rencontre harmonieuse de deux êtres, les sépare aujourd’hui du fait de la flagellation morale des jeunes, les condamnant à une étreinte sexuelle avide, énervée et malsaine. Cette sorte de satisfaction laisse immanquablement un mauvais arrière-goût et une « mauvaise conscience ».
Les partisans du puritanisme, de la moralité, du système éducatif actuel, ne réussissent qu’à rendre la vie plus petite, plus insignifiante et triste — et qui peut tolérer une telle aberration ? Il est par conséquent humain de vouloir abolir le système et ceux qui sont impliqués dans la soit disant éducation. la meilleure éducation pour l’enfant est de le laisser tranquille et de lui apporter compréhension et sympathie.
[1] Ralph Waldo Emerson (1803–1882) Essays : Second Series (1844) A Lecture read before the Society in Amory Hall, on Sunday, 3 March, 1844. [NDT]
[2] George Eliot, de son vrai nom Mary Ann Evans, 1819 — 1880. Romancière britannique qui a vécu ouvertement une vingtaine d’année avec George Henry Lewes, un homme marié. Si l’adultère n’était pas rare, il devait être caché. [NDT]
[3] instructionnisme : Ne connaissant pas ce terme, une rapide recherche sur un site un brin réac, Pour une pédagogie renouvelée (sic) (et mal informé puisqu’il situe l’apparition du terme dans les années... 1980), propose ceci : « ...un enseignement dont la priorité est la transmission des habiletés et des connaissances de celui qui sait vers celui qui ne sait pas. Excellente définition sur laquelle il n’y a rien à redire. » Pas sûr... [NDT]