Titre: Contributions à especifismo
Auteur·e: Carl Eugene Stroud
Date: 1/1/2023
Notes: Traduit de l'article anglais "Contributions to Especifismo" par Carl Eugene Stroud

CONTRIBUTIONS À ESPECIFISMO

Carl Eugene Stroud


LE CONTEXTE


Dans Anarchisme social et organisation, la Fédération Anarchiste de Rio de Janeiro (FARJ) consacre un chapitre entier à la chronique et à l'unification des contributions et influences explicites à sa propre pratique de l’Especifismo. À première vue, ce type de chapitre dans un livre peut ressembler au travail typique des chercheurs sur Internet, comme un script pour un essai vidéo. Mais si l'on considère vraiment l'importance d'une organisation politique qui se donne la peine de mettre en mots une tradition communément partagée et reconnue, il est clair qu'il ne s'agit pas d'une simple tâche de résumé et de paraphrase, alors comprendre cette brève histoire dans un programme politique est encore plus remarquable.

La tradition peut être un sujet délicat, et le traditionalisme est une force contre-révolutionnaire, ce qui conduit certains radicaux à conclure qu'il est intrinsèquement dogmatique d'aborder le sujet. Tout cela rend la discussion sur la tradition anarchiste particulièrement difficile.

Dans le milieu anarchiste actuel, les influences sont généralement plus autobiographiques que traditionnelles, et elles sont presque toujours conflictuelles. C'est ce qui a rendu si frappante l'arrivée du courant especifista : il se situe dans une tradition de lutte des classes et se distancie des courants anarchistes qui n'ont pas pour objectif final une société socialiste libertaire.

Dans les contextes révolutionnaires, la tradition socialiste se distingue des forces conservatrices de la classe dirigeante qui défendent le statu quo avec l'étiquette « révolution ». Il y a des « révolutionnaires nationalistes » et des « révolutionnaires religieux ». Il y a des parlementaires qui souhaitent une « révolution » des électeurs, et il y a des capitalistes qui prétendent « révolutionner » la société. Dans les contextes socialistes, la tradition anarchiste se distingue des tendances sociales-démocrates et marxistes qui insistent sur la forme du parti et sur l'État comme moyen de parvenir à une société socialiste. Et dans les contextes exclusivement anarchistes, l’Especifismo se distingue des idéologies anarchistes qui ne reprennent pas les traditions de la lutte de classe révolutionnaire et du dualisme organisationnel [1].

Ainsi, l’Especifismo est contemporain, mais il n'est pas vraiment nouveau. Sa plus ancienne influence est le mouvement socialiste, et la suivante est la tendance libertaire au sein de ce même mouvement, reprenant les traditions anarchistes du XIXe siècle, tout en remédiant aux faiblesses et aux erreurs commises par les anarchistes dans leur lutte pour le socialisme libertaire.

En ce qui concerne l'organisation et la stratégie, l’Especifismo se distingue des courants anarchistes moins fondés théoriquement [2]. Il ne s'agit pas d'une idéologie destinée à des débats académiques. Elle ne considère pas l'anarchisme comme un système de croyances ou un vœu pieux, ni comme quelque chose découlant de la nature rebelle de l'être humain. S'il veut être une force révolutionnaire, l'anarchisme doit être un projet politique visant à transformer l'ensemble de la société, et non seulement les individus les plus radicaux. C'est ce que l'on entend par révolution sociale, un objectif réalisé par un militantisme organisé [3].



L’engagement militant


Est-on engagé plutôt pour être cool ou pour le militantisme révolutionnaire ? Il s'agit d'une vraie question que les militants devraient pouvoir se poser sérieusement [4]. L’Especifismo insiste sur le fait que l'organisation doit poser ce genre de question à ses militants et que ses militants doivent se la poser entre eux. Une telle responsabilité est mutuellement réciproque :

« L’engagement militant forge un lien entre le militant et l’organisation, qui est une relation mutuelle dans laquelle l’organisation est responsable du militant, de même que le militant est responsable de l’organisation. De même que l’organisation doit satisfaire le militant, le militant doit satisfaire l’organisation. » (p. 80)

Ce degré d'engagement militant est caractéristique de l’Especifismo et relève l'importance qu'il accorde à la stratégie :

« Un modèle especifista implique que nous devons faire des choses que nous n’aimons pas beaucoup ou cesser de faire certaines choses que nous aimons beaucoup. Il s’agit de s’assurer que l’organisation procède avec stratégie, tout le monde faisant avancer le bateau dans la même direction. » (p. 79)

Il ne s'agit pas d'une organisation d'individus compétents cherchant à exercer, de manière spectaculaire, des caprices personnels et des expérimentations individualistes. L'engagement militant ne consiste pas seulement à accepter de partager les responsabilités avec d'autres, il s'agit aussi de respecter certaines priorités [5]. Cela augmente collectivement la force sociale des militants individuels. A quoi sert un militant engagé qui refuse d'aller dans la même direction que ses camarades ?

La confiance entre camarades nécessite l'engagement de toutes et de tous. Et organiser un espace où cette confiance peut servir comme un outil révolutionnaire implique que chacun accepte de fonctionner avec une seule stratégie, une orientation de groupe clairement définie et entièrement explicite. Sinon, nos actions et nos efforts n'ont pas l'impact souhaité :

« […] ce qui rend vains beaucoup d’entre eux [...] Agir avec stratégie, comme nous l’avons vu, consiste à réaliser une planification de toutes les actions concrètes réalisés par l’organisation, en cherchant à situer l’endroit où on est, où l’on veut aller et comment. » (p. 79)

Dans de nombreux contextes, entamer une conversation sur la stratégie n'est pas une tâche simple ; parvenir à une stratégie à laquelle tout le monde s'engagera est un accomplissement d'un tout autre ordre. Un engagement militant est donc nécessaire à chaque étape du processus : pour produire et articuler la stratégie au départ, pour réaliser la stratégie dans le monde actuel en tenant compte des dynamiques changeantes et des forces d'opposition constantes et pour réfléchir à la stratégie afin d’évaluer son efficacité à long terme. L'engagement militant est un élément fondamental de l'organisation révolutionnaire et d'une action directe efficace. C'est ça la force collective derrière l'organisation anarchiste spécifique.



L'organisation politique


L'organisation anarchiste spécifique dont parle la FARJ n'est pas n'importe quel groupe anarchiste. Elle possède des caractéristiques distinctes, et pas tous les anarchistes sociaux choisissent ce modèle d'organisation [6]. L’Especifismo est une articulation particulière de la stratégie, s'opposant aux modèles d'organisation "larges" (non spécifiques). Pour la FARJ, l'organisation politique ne doit pas tenter de servir de :

« […] grand « parapluie » qui couvre tous les types d’anarchistes. Ces (in)définitions au sens large groupent en apparence plus d’anarchistes dans l’organisation, cependant, nous croyons que nous ne devrions pas opter pour le critère de la quantité, mais de la qualité des militants. » (p. 81)

Cela implique une adhésion limitée avec des critères d'entrée clairs. Cela suppose également un long processus de formation des militants et une incorporation progressive dans le groupe. Tout cela garantit que « [seuls] les militants ayant une affinité idéologique avec l'organisation sont adhérent à l'organisation spécifique anarchiste » (p. 80). Il est important de noter que cela pourrait répondre à certaines préoccupations en matière de sécurité, permettant à tous les membres de déterminer plus facilement qui doit savoir quoi, et garantissant que les décisions et les actions les plus sensibles sont protégées par les niveaux de confiance et d'engagement militant les plus élevés.

En s'organisant de cette manière, les militants s'assurent que les plus engagés fassent leurs propres choix et exercent une démocratie directe sur leurs propres engagements. Ces militants ne doivent pas se permettre de devenir des "manches" pour d'autres qui participent au discours et à la prise de décision, mais qui ne semblent jamais se montrer quand il est temps de faire le travail ou dont l'intérêt décline quand les mobilisations de masse baissent tout naturellement. Les groupes qui ne s'organisent pas activement contre ces tendances sont perpétuellement coincés dans une situation où :

« [certaines] personnes participent un peu à l'organisation, d'autres sont plus engagées ; certaines assument davantage de responsabilités que d'autres et tous ont le même pouvoir de délibération. Par conséquent, beaucoup délibèrent sur des activités qu'ils ne vont pas réaliser, c'est-à-dire, qu'ils déterminent ce que les autres vont faire. Quand une organisation permet à quelqu'un de délibérer sur quelque chose et de ne pas assumer de responsabilités, ou qu'on assume des responsabilités et ne les tienne pas elle laisse la place à un autoritarisme de ceux qui délibèrent et mettent le travail sur le dos d’autres camarades. » (p. 80-81)

Ce problème a un effet négatif sur le mouvement anarchiste dans le monde entier. Aujourd'hui, le modèle d'organisation especifista est une source d'intérêt car nous cherchons à éviter ce scénario trop fréquent. Dans ses écrits, la FARJ décrit comment y parvenir par le recours à de multiples fronts de combat, à divers degrés d'engagement et à une revendication militante de la responsabilité collective. Cette démarche inspire les anarchistes à l'échelle internationale, mais pas sans critiques.


LES CRITIQUES


Il y a plus qu’un manque d'autodiscipline qui pèse sur les organisations anarchistes ; le problème, il est collectif et non individuel [7]. Sans un engagement des individus, on ne peut pas réaliser une action collective, mais sans la responsabilité, cet engagement n'a pas de sens. La conjonction cohérente entre engagement, responsabilité et autodiscipline est réalisée par l'organisation anarchiste spécifique. Ce degré d'unité est essentiel à l’Especifismo car :


« il n'y a pas moyen d'avoir une pratique efficace ou même de constituer une organisation sans être d'accord sur certaines "questions initiales" [...] Pour les anarchistes qui ne prônent pas cette unité, l'organisation anarchiste pourrait travailler avec différentes lignes idéologiques et théoriques. Chaque anarchiste ou groupe d'anarchistes peuvent avoir leur interprétation de l'anarchisme et leur propre théorie. C'est la raison de divers conflits et scissions au sein des organisations ayant cette conception. » (p. 78)

Pourtant, certaines critiques de l’Especifismo ne se limitent pas à sa conception de la responsabilité collective ou à son insistance sur l'unité. Certaines tendances anarchistes, que ce soient individualistes, philosophiques ou liées au style de vie, jugent également problématique le biais de la lutte des classes et la pratique de l'insertion sociale.

Le discours autour de ces critiques, leurs arguments et contre-arguments, ainsi que les discussions dans le mouvement anarchiste plus large, ont également contribué à l’Especifismo. Dans Anarchisme social et organisation, la FARJ aborde directement ces différences, soulignant qu'en rédigeant le texte, on a :

« [cherché] à différencier cette compréhension de l'anarchisme d'une autre, purement abstraite et théorique, qui ne fait qu'encourager la libre pensée, sans nécessairement concevoir un modèle de transformation sociale. L'anarchisme, pensé uniquement à partir de ce modèle d'observation critique de la vie, offre une liberté esthétique et des possibilités infinies. Cependant, s'il est conçu de cette manière, il n'offre pas de réelles possibilités de transformation sociale, car il n'est pas mis en pratique, dans l’action. Il n'a pas la pratique politique qui vise les objectifs finaux. » (p. 76)

Suite à cela, tous les courants de l'anarchisme ne sont pas également pertinents pour la pratique que l’Especifismo tente de réaliser, tous ne mènent pas aux mêmes fins, tous ne sont pas révolutionnaires et tous ne font pas partie du mouvement socialiste.


Individualistes et anarchistes bourgeois


Le militantisme est la défense collective d'une conception particulière de la politique. Cela consiste à réaliser ensemble cette démarche au niveau social. Le militantisme n'est pas une action en solitaire qui n'a pas de potentialité organisationnelle. Une activité sans organisation est contraire à la conception especifista qui, au fond, consiste à "se battre pour s'organiser et s'organiser pour se battre". Il est tout à fait raisonnable d'attendre de tous les membres d'une organisation politique de partager les mêmes stratégies et les mêmes objectifs. C'est ce que l'on appelle le plan politique. C'est une unité d'idéologie, de théorie et de stratégie, une organisation anarchiste spécifique.

Certaines tendances anarchistes estiment qu'il n'est pas idéal que les membres d'une organisation politique limitent leurs actions en fonction d'une stratégie unifiée et collective. Quelles sont les limites, par exemple, de l'individualisme anarchiste ? Cette question n'est pas seulement philosophique. Pour les anarchistes révolutionnaires, elle est aussi politique. Et pour les militants de l’Especifismo, cette question renvoie à l'organisation.

Comme l'organisation politique est évidemment composée d'individus, de leurs actions, de leurs valeurs et de leurs idéaux, l'individualité n'est pas du tout un gros mot. Ce sont finalement les expériences individuelles des personnes en lutte qui informent la théorie anarchiste. Cependant, cela ne devrait pas signifier que l'on donne la priorité aux caprices individuels à propos des décisions collectives, et cela ne devrait certainement pas signifier que l'on compromet l'objectif final du socialisme libertaire à cause de la proposition indépendantiste d'une personne ou d'une commune toute seule.

Depuis son apparition dans le mouvement anarchiste, l'individualisme a été responsable de nombreuses scissions et divisions, résultant en la perte d'une force organisée des anarchistes. Il a contribué aux échecs multiples des efforts syndicalistes et communautaires, et il a menacé les milieux pluralistes, se positionnant parfois du côté du capital, en faveur des patrons et du système auquel il prétend s'opposer. Pour ces raisons et bien d'autres, l’Especifismo s'oppose à l'individualisme anarchiste qui défend l'idée que :

« être un anarchiste signifie être un artiste, un bohème, promouvoir la liberté sexuelle d'avoir des relations ouvertes ou avec plus d'un partenaire, porter des vêtements différents, avoir une coupe de cheveux excentrique, se comporter de manière extravagante, manger des aliments différents, se définir personnellement, s'épanouir personnellement, être contre la révolution, être contre le socialisme, avoir un discours sans queue ni tête ( ? !) ( !) - jouir de la liberté de l'esthétique - en bref, devenir apolitique. » (p. 82)

Pour les militants engagés dans la transformation sociale, il ne suffit pas de s'habiller d'une certaine façon ou d'avoir un certain style de vie ; ils doivent s'engager dans une organisation politique avec d'autres révolutionnaires qui se réclament de la même idéologie.

Une autre menace qui pèse sur l'organisation politique et la lutte au niveau social est également ce que l'on pourrait appeler "l'anarchisme bourgeois". Il se manifeste sous la forme d'un avant-gardisme technocratique et se retrouve souvent confiné dans des milieux intellectuels en ligne et parmi une classe moyenne éduquée et mobile vers le bas. Le problème n'est pas le statut de classe de ces anarchistes ni leurs compétences officielles, mais bien leur positionnement dans la lutte des classes. Pour ce type d'anarchisme :

« [soit] il abandonne la proposition de transformation sociale, soit il se constitue en un groupe qui se bat pour les gens, pas avec les gens - assumant la position d'avant-garde et non de minorité active [...] Ils finissent par faire de leur anarchisme un "mouvement en lui-même", qui se caractérise par être essentiellement composé de la classe moyenne et des intellectuels, en ne cherchant pas de contact avec les luttes sociales et populaires, en n’étant pas en contact avec des gens d'idéologie différente. » (p. 78)

L’Especifismo propose une idéologie claire, sans concession, mais cette idéologie n'est pas censée être celle des masses. Nous devons faire passer notre idéologie de l'organisation spécifique vers l'organisation de masse, du niveau politique jusqu'au niveau social. Cependant, c'est la théorie, et non l'idéologie, qui nous permet de mieux comprendre le monde et la situation particulière dans laquelle nous nous trouvons.

Contrairement à l`idéologie, que nous tenons résolument, la théorie est flexible et dynamique, elle est en mouvement et se développe constamment. Elle devient de plus en plus pertinente pour les luttes réelles de notre temps et de notre lieu ainsi que pour notre objectif final. Mais une théorie sans pratique ne peut être révolutionnaire, tout comme une pratique sans théorie ne peut être vraiment stratégique.

L'apprentissage est évidemment important, et de nombreux militants du courant especifismo sont étudiants, professeurs et autodidactes. Nous devons, comme eux, continuer à enrichir nos connaissances et à collaborer avec l'expertise d'autres personnes pour accroître la force sociale, c'est-à-dire à la fois notre force en tant qu'individus et notre force en tant que mouvement libertaire organisé. L'anarchisme doit être en contact permanent avec le peuple. C'est là qu'il s'informe de la politique qu'il veut mener.


Lutte des classes


La classe sociale n'est pas forcément économique. Elle fait aussi référence aux relations de domination. Le capitalisme et l’État obligent certaines personnes à souffrir tandis que d'autres en profitent. Cette division se retrouve partout dans notre société : les classes exploitées et dominées ne sont certainement pas la classe dominante.

Il ne suffit pas d'avoir des principes antiétatiques ; il est aussi nécessaire d’avoir des pratiques politiques anticapitalistes. Il faut se battre du côté des exploités pour mettre fin à la totalité du système d'exploitation. L'anarchisme est né de cette lutte contre la division des classes. Il a émergé là où il était le plus évident que le capitalisme échouait et ne respecterait jamais ses obligations sociales. En ce qui concerne l'anarchisme, l'engagement dans la lutte des classes suppose de travailler pour organiser un pouvoir populaire issu de conflits réels, car c'est à travers ces expériences que nous sommes tous en mesure de voir de nos propres yeux les faiblesses et les lacunes du système. En ce sens, la lutte des classes est une expérience intrinsèquement radicalisante [8].

C'est parce que la lutte des classes est un phénomène de niveau social que l’Especifismo met l'accent sur le vecteur social :

« Lorsque nous cherchons à appliquer l'anarchisme à la lutte des classes nous mettons en avant ce que nous appelons la pratique sociale, et que nous avons défini plus tôt comme « l'activité que l'organisation anarchiste réalise au sein de la lutte des classes, permettant à l'anarchisme d’interagir avec les classes exploitées ». » (p. 77)

L’anarchisme ne doit ni éviter la lutte des classes (dans le lifestylisme) ni la mener (comme des avant-gardistes). L'objectif d'une organisation politique révolutionnaire qui intervient au niveau social devrait être le pouvoir populaire. Il s'agit de construire une force sociale capable de renverser le capitalisme et l'État. Ce type de libération est issu des conflits des personnes réelles, dans leur lutte contre la domination systémique, au sein de nos communautés, de nos lieux de travail et partout dans le monde.


Le travail social


L'exercice politique connu sous le nom d'insertion sociale est fréquemment mal compris, et puisqu'il s'agit de « l'activité principale de l'organisation anarchiste spécifique », à l'heure actuelle, poursuivre la clarification de ce concept est un travail politique [9].

Lorsque nous nous servons de l'idéologie libérale pour interpréter le travail social, nous confirmons un certain « assistentialisme » qui défend une stratégie philanthropique pour combattre la domination systémique. Ce type de conception n'a pas de biais de classe ; il ne vise pas une révolution sociale ; il ne poursuit pas de fins socialistes. Le travail social d'une organisation anarchiste révolutionnaire n'a pas le même contenu ni les mêmes objectifs que le « welfare state ».

Il existe également une autre interprétation du travail social qui présuppose que toute forme d'interaction entre les niveaux social et politique est "bourgeoise" ou "réformiste". Il s'agit d'une position extrémiste que le FARJ réfute en affirmant que :

« l’anarchisme ne doit pas se limiter à lui-même, ni se tenir à l’écart des mouvements sociaux et des personnes de différentes idéologies […] Puisque nous considérons que la classe n’est pas définie par l’origine, mais par la position que l’on préconise dans la lutte, nous pensons que soutenir les mouvements sociaux, aider les mobilisations et organisations différentes de la réalité dans laquelle on se situe est une obligation éthique, pour tout militant dévoué à l’abolition de la société de classe. » (p. 78)

Éviter ce type d'interaction avec des personnes issues d’orientations idéologiques distinctes ne fera qu'isoler les anarchistes de toute mobilisation de masse, rendant les pratiques et les principes anarchistes inutiles. L'idée de "position dans la lutte" ne se réfère pas seulement à l'éthique des militants anarchistes mais aussi au point de contact où l'organisation politique a une influence dans les mouvements sociaux. C'est là que les nouvelles théories, pratiques et informations sont obtenues par les militants révolutionnaires. Par la circulation des idées, l'organisation politique est capable de se développer d'une manière qui est toujours pertinente pour les luttes de son propre temps et lieu [10].

Sans une bonne compréhension de l'insertion sociale dans la lutte des classes, on critique à tort l’Especifismo. Si les alternatives proposées par d'autres anarchistes ne sont pas toujours claires, il semble que :

« [par ailleurs], bien qu’ils n’aient, du moins en apparence, pas de formulation stratégique, ce qui se passe dans la pratique, c’est que ces anarchistes cherchent à travailler à travers la propagande limitée fortement aux publications, aux événements et la culture […] cette propagande est également centrale pour nous, mais elle ne suffit pas si elle est faite sans le soutien de l’action sociale et l’insertion. Avec ce soutien la propagande est beaucoup plus efficace. Par conséquent, la propagande, dans l’especifismo, devrait être effectuée avec ces deux partis pris : éducatif / culturel et lutte avec les mouvements sociaux. » (p. 77)

L'anarchisme a une longue tradition en termes de critique et de défense de certaines tactiques, stratégies et modèles d'organisation, tandis qu'il s'oppose fermement à d'autres. Cette tradition a des racines qui remontent à la naissance du mouvement libertaire au sein de la lutte pour le socialisme. Et c'est à partir de ces racines que l’Especifismo traîne ses influences.


LES INFLUENCES


Bakounine et Malatesta, Magón et Makhno, la Révolution Russe, la Révolution Espagnole, la Fédération Anarchiste d'Uruguay (FAU), des anarchistes sur des continents multiples, avec plus de 100 ans d'histoire, ce sont les influences mentionnées par la Fédération Anarchiste de Rio de Janeiro (FARJ), dans leur texte Anarchisme social et organisation [11]. Toutes ces influences, d'une manière ou d'une autre, ont contribué à la théorie et à la pratique de l’Especifismo.

Pour une personne qui commence à se familiariser avec l'anarchisme et l'histoire anarchiste, cette quantité de noms et d'événements peut paraître intimidante. Cela pousse certains d'entre nous à rejeter de nouvelles informations qui exigeraient des recherches supplémentaires, tandis que d'autres ne voient pas l'intérêt d'étudier le passé s'il n'est pas immédiatement pertinent à leur vie actuelle. Ce résumé se veut être un simple collage de personnages, d'événements et d'organisations liés à une étude générale de l’Especifismo. Il s'agit d'une introduction de base, un aperçu rapide de leur pertinence au regard de ce courant anarchiste qui se développe à l'échelle internationale.

Pour les camarades déjà familiarisés avec ces références historiques, il reste encore d'autres questions pertinentes. Que partagent toutes ces influences de l’Especifismo ? Quel est l'intérêt de ces influences par rapport à d'autres ? Que laisse-t-on de côté et pour quelles raisons ?


La Plate-forme


Aujourd'hui, lorsqu'on discute des contributions à l’Especifismo, "la Plate-forme", un document rédigé par des anarchistes ukrainiens exilés pendant la révolution russe, assume une position de premier plan. Bien que les deux soient communément associés et qu'aujourd'hui, leurs militants s'affilient l'un à l'autre au niveau international, l’Especifismo n'est pas issu et ne reprend pas un fil d'influence en particulier du plateformisme. Bref, l’Especifismo n'est pas le plateformisme ; ce n'est pas un équivalent en langue espagnole ; ce n'est pas une appellation moderne, latino-américaine, de la même chose.

Tout d'abord, le plateformisme n'est pas quelque chose du passé. Il y a de nos jours des organisations plateformistes contemporaines qui contribuent à l’Especifismo. Deuxièmement, à l'origine, le plateformisme est né des erreurs d'organisation des anarchistes pendant la révolution russe de 1917, un événement très spécifique de l'histoire mondiale. L’Especifismo, cependant, est une réponse au besoin constant du vecteur social du militantisme anarchiste, quelque chose qui a été négligé par de nombreux courants anarchistes tout au long de l'histoire de notre mouvement.

Alors, bien qu'elle soit également influencée par Bakounine, la Plate-forme n'est pas exactement le jumeau perdu de l’Especifismo tel qu'on le croit parfois. Pourtant, ces suppositions ne sont pas tout à fait infondées. Par exemple, la FARJ cite la Plate-forme comme ayant influencé sa propre pratique politique, et on peut voir que la volonté d'améliorer l'organisation anarchiste est la base de l'articulation de l’Especifismo et du platformisme. C'est leur point commun le plus fondamental. Tous deux expriment le désir de corriger les erreurs des anarchistes, erreurs qui sont issues des luttes réelles, des réflexions authentiques et des analyses honnêtes [12]. Nous pouvons dire que les deux courants partagent la même conception de l'anarchisme en tant que pratique collective informée par les expériences en lutte.

Toutefois, quelques différences subtiles existent et deviennent plus évidentes en comparant le relativement court document du "Plate-forme", à Anarchisme social et organisation, un programme organisationnel détaillé en seize parties. Une des différences notables est que la Plate-forme n'entre pas dans des détails sur les questions théoriques de l'organisation anarchiste. Bien qu'il décrive une union spécifique d'anarchistes soulignant le fédéralisme, l'unité tactique, etc., il a été informé principalement par des actions militaires pendant une guerre active [13]. Dans nos propres contextes, aujourd'hui, un soulèvement militaire armé n'est pas une probabilité à court terme. Nous nous trouvons à un moment différent de la lutte révolutionnaire, et c'est une des raisons pour lesquelles le courant d’especifismo a eu une telle résonance dans le mouvement anarchiste international. Il propose une théorie du militantisme qui est généralement reconnaissable. Ce n'est pas quelque chose que les anarchistes qui ont écrit la plate-forme ont négligé ; ce n'était tout simplement pas leur préoccupation.

Néanmoins, un siècle plus tard, et dans des situations totalement différentes, la Plate-forme représente toujours l'un des rappels les plus pertinents sur :

« l’importance de l’implication des anarchistes dans la lutte des classes, la nécessité d’une révolution sociale violente qui renverse le capitalisme et l’État et qui établisse le communisme libertaire. Il y a eu aussi une importante contribution sur la question de la transition du capitalisme au communisme libertaire et sure la défense de la révolution. La plate-forme préconise une organisation anarchiste, au plan politique, qui agit au sein des mouvements sociaux, au plan social, et souligne le rôle de minorité active de l’organisation anarchiste. En outre, elle apporte des contributions importantes sur le modèle d’organisation du plan politique des anarchistes. » (p. 86)

De nombreuses convergences entre les deux courants ont été approfondies et développées au XXIe siècle, par des militants qui sont toujours actifs. Ces liens continuent de se renforcer aujourd'hui.


FAU (Federación Anarquista Uruguaya)


Les idées de l’Especifismo ne sont pas de nouvelles façons d'interpréter l'anarchisme [14]. Ce courant est profondément lié à la lutte révolutionnaire pour le socialisme libertaire. L’Especifismo a un biais de lutte de classe né de la tradition anarcho-syndicaliste en Amérique latine. La FAU, source originelle de l’Especifismo, a été formée en 1956 et existe toujours. En plus du syndicalisme, ils ont également été influencés par :

« l'anarchisme expropriateur de la région de Plate River [...] A la fin des années 1960, parallèlement à l’organisation de masse, la FAU développa l’organisation de son « bras armé », l’Organisation populaire révolutionnaire 33 (OPR-33) qui réalisa une série d’actions de sabotage, d’expropriations économiques, d’enlèvements de politiciens et de patrons particulièrement détestés par le peuple, le soutien armé aux grèves et l’occupation de locaux, etc. » (p. 87)

L'anarchisme au sein de la lutte des classes, et non pas en dehors d'elle, visant une révolution sociale, produit d’un pouvoir populaire transformateur. Il ne s’agit pas d’une révolution politique qui substitue un régime à un autre ; ce sont les idées qui ont été précisées, élaborées et défendues par la FAU qui :

« abandonna le focalisme comme paradigme de la lutte armée, évitant la militarisation tout en possédant une insertion sociale dans la population [...] [La FAU] se réorganisa et développa son travail sur le modèle especifista que nous préconisons aujourd'hui, avec trois fronts d'insertion : syndical, étudiant et communautaire/de quartier. » (p. 87)

Aujourd'hui, l'insertion sociale sur plusieurs fronts reste l'une des contributions les plus significatives de l’Especifismo pour l'anarchisme partout dans le monde. En plus de donner un nom au courant, la FAU a également contribué à l’Especifismo en insistant sur le fait que l'anarchisme ne possède un caractère émancipateur que lorsqu'il est en contact avec les luttes populaires. Ceci est vrai quelle que soit la tactique que l'on décide d'employer.


Bakounine et Malatesta


Comme nous l'avons déjà mentionné, d'un point de vue historique et théorique, la première influence de l’Especifismo est Mikhaïl Bakounine, suivi d'Errico Malatesta. Ces théoriciens anarchistes ne sont pas les « fondateurs » du courant especifismo, cependant leurs idées constituent son fondement, en particulier les deux axes d'engagement, un concept de Bakounine, et l'organisation anarchiste spécifique, un concept de Malatesta.

Tout cela remonte à « l'activité des libertaires au sein de l'Association internationale des travailleurs (AIT), et qui a donné corps à l'anarchisme » car c'est dans cette organisation que se sont développées deux tendances fondatrices de la lutte socialiste, « une centraliste et une fédéraliste » (p. 75). Le courant anarchiste-communiste, qui connaît une influence considérable, trouve également ses racines à cette époque [15].

Bakounine a imaginé une organisation composée uniquement des révolutionnaires les plus proches et les plus fiables, capables d'agir d'une manière qu'un mouvement de masse ne peut pas adopter [16]. Ce fut le début de ce que l'on appelle en anarchisme le dualisme organisationnel. Il nous permet de distinguer théoriquement le niveau politique du niveau social. C'est la contribution la plus essentielle de Bakounine à l’Especifismo, et c'est cette influence que l’Especifismo partage avec d'autres courants anarchistes sociaux révolutionnaires.

C'est par rapport au niveau politique que Malatesta a articulé le concept d'organisation spécifique [17], et c'est dans une tendance plus large du dualisme organisationnel que se situe especifismo. Bien qu'elles aient utilisé une terminologie différente selon la langue et la région, les pratiques anarchiste-communiste, plateformiste et syndicaliste ont toutes contribué au modèle particulier du dualisme organisationnel qui porte le nom d'especifismo.


Russie, Espagne, Mexique et Brésil


Les éléments anarchistes de la Révolution russe en 1917 et de la Révolution espagnole en 1936 sont également considérés comme des contributions à l’Especifismo. Cela comprend les expériences des paysans et des ouvriers [18]. En Russie, comme à l'époque de Bakounine, les autoritaires s'opposent aux libertaires sur la nécessité d'une autorité étatique centralisée, cette fois-ci menée par le parti bolchevique [19]. Mais en Espagne :

« une révolution sociale a été effectivement réalisée. Une révolution sous le feu qui voulait toucher tous les secteurs, de structures économiques injustes à la vie quotidienne de la population ; des notions décrépites de la hiérarchie aux inégalités historiques entre les hommes et les femmes. » (p. 86)

Les efforts anticapitalistes déployés pendant la révolution mexicaine, notamment les luttes communautaires de Ricardo Flores Magón et du Parti Libéral Mexicain (PLM), sont également cités comme des influences [20]. Quant aux contributions à l’Especifismo provenant du Brésil, le FARJ explique que les générations précédentes :

« préparèrent les conditions qui permirent la pleine insertion des anarchistes dans les syndicats et dans la vie sociale, avec la formation d’écoles et de groupes de théâtre, outre une production écrite significative. » (p. 87)

De nos jours, cette préparation, grâce à la diffusion militante de ces idées et pratiques, permet également l'insertion sociale d'anarchistes organisés ailleurs dans le monde.


Conclusion


Anarchisme social et organisation conclut succinctement en disant que cette « conception des références historiques de l’Especifismo n'est pas dogmatique » (p. 79). On pourrait également ajouter qu'elle n'est pas trop exhaustive. Il n'est jamais possible de tout inclure dans un récit historique, et en rédigeant ce résumé, on a négligé encore d'autres éléments de l'histoire de la FARJ. Cependant, en racontant les influences d'un courant politique, les militants d'une organisation anarchiste spécifique ne cherchent pas à se poser en historiens ou en professeurs. Il est plus important que les histoires communes de nos tendances politiques révolutionnaires puissent être partagées, et mieux encore qu'elles soient rendues encore plus accessibles.

Voilà la valeur du type d'histoire présentée par le FARJ, une histoire raffinée et réalisée au sein de l'organisation. Elle sert en même temps comme introduction pour les personnes en train de se radicaliser et comme base de référence partagée par les militants déjà engagés, surtout dans une organisation qui a la volonté d'identifier explicitement des influences historiques précises. A première vue, une histoire du mouvement anarchiste international pertinente au niveau local peut sembler inutile, comme un simple résumé de la même chose, mais lorsque l'histoire d'un courant révolutionnaire est produite à partir des pratiques et des actions collectives, elle remplit (sur le plan politique) une fonction d'organisation plus spécifique que n'importe quel ouvrage du grand public.


NOTES


  1. « Ainsi, c’est une organisation d’anarchistes qui se regroupent sur le plan politique et idéologique et qui exercèrent leur activité principale sur le plan social, qui est plus large, visant à être le ferment de la lutte. Dans le modèle especifista il y a nécessairement cette différenciation entre les plan politiques et sociaux de l’activité. » (p. 76)

  2. « […] à travers [l’Especifismo], nous nous référons à une conception de l’organisation anarchiste qui a deux axes fondamentaux : l’organisation et la pratique/l’insertion sociale. Ces deux axes sont basés sur les concepts classiques de l’activation différenciée de l’anarchisme sur les plans sociaux et politiques (concept bakouniniste) et de l’organisation spécifique anarchiste (concept Malatestien). » (p. 75)

  3. « L’Especifismo préconise un anarchisme qui, en tant qu’idéologie, cherche à concevoir un modèle de fonctionnement qui transforme la société d’aujourd’hui en socialisme libertaire par le biais de la révolution sociale. » (p. 76)

  4. « Comme le militantisme, pour nous, est quelque chose de nécessaire dans la lutte pour une société libre égalitaire, nous ne croyons pas que ce sera toujours « cool ». Si nous avions à choisir entre un modèle plus efficace de militantisme et un autre plus « cool », nous aurions à opter pour l’efficacité. » (p. 80)

  5. « Les priorités et les responsabilités signifient que tout le monde ne va pas être en mesure de faire ce qui lui passe par la tête, quand il le veut. Chacun aura l’obligation envers l’organisation d’accomplir ce qu’il a entrepris et ce qui a été défini comme une priorité. » (p. 79)

  6. « Il y a diverses organisations anarchistes qui ne sont pas especifista. Par conséquent, l’especifismo implique beaucoup plus que de préconiser l’organisation anarchiste. » (p. 76)

  7. « Le manque d’engagement, de responsabilité et d’auto-discipline constitue un problème majeur dans de nombreux groupes anarchistes et organisations. » (p. 80)

  8. « Pour nous, l’anarchisme est né parmi le peuple et c’est là où il devrait être, en prenant une position claire en faveur des classes exploitées qui sont en conflit permanent dans la lutte de classe. Par conséquent, lorsque nous parlons d’ « où semer les graines de l’arnarchisme ? », pour nous il est clair que cela doit être au sein de la lutte des casses, dans les espaces dans lesquels les contradictions du capitalisme sont les plus évidentes […] Il y a des anarchistes qui ne supportent pas ce q=parti pris lutte de classe de l’anarchisme et, ce qui est pire, il en y a qui l’accusent d’être assistencialiste, ou de vouloir « donner des excuses aux pauvres ». Niant la lutte des classes, la plupart de ces anarchistes croient que, comme la définition classique des classes bourgeois et prolétariennes ne prend pas en compte la société d’aujourd’hui, alors on pourrait dire que les classes n’existent plus, ou que ce serait un concept anachronique. Nous sommes fondamentalement en désaccord avec ces positions et nous croyons que, quelle que soit la façon dont nous définissons les classes – que nous mettions l’accent plus ou moins sur le caractère économique, etc. – il est indéniable qu’il existe des contextes et des circonstances dans lesquelles les gens souffrent davantage des effets du capitalisme. Et nous voulons que notre pratique ait lieu de manière prioritaire dans ces contextes et ces circonstances. » (p. 77)

  9. « Nous soutenons que, par la pratique sociale, l’organisation anarchiste doit chercher l’insertion sociale, « le processus d’influence des mouvements sociaux à travers la pratique anarchiste ». » (p. 77)

  10. « […] nous croyons que la pratique sociale apporte la pratique nécessaire à l’anarchisme, qui a une immense contribution au développement de la ligne théorique et idéologique de l’organisation. » (p. 78)

  11. « Nous avons des idées générales qui commences par les idées de Bakounine et des alliancistes de l’AIT, qui passent par les conceptions de Malatesta et ses expériences pratiques aux plans social et politique, ainsi que les expériences de Magón et du PLM dans la Révolution mexicaine. Nous sommes aussi influencés par les expérienes des anarchistes dans la révolution russe, en mettant l’accent sur les makhnovistes en Ukraine et les réflexions organisationnelles développées par les Russes en exil, ainsi que les expériences des anarchistes dans la révolution espagnole autour de la CNT – FAI. Au Brésil, nous sommes influencés par l’anarchisme « organisationaliste », mettant en évidence les expériences de l’Alliance anarchiste de Rio de Janeiro de 1918 et du Parti communiste (libertaire) de 1919. Enfin, nous sommes influencés par la FAU, à la fois dans sa lutte contre la dictature, comme dans son activité dans les fronts avec les syndicats, la communauté et les mouvements d’étudiants. » (p. 88)

  12. « Nous considérons l’anarchisme comme une idéologie, c’est-à-dire, un ensemble « d’idées, de motivations, d’aspirations, de valeurs, une structure ou un système de concepts qui ont un lien direct avec l’action – ce que nous appelons la pratique politique. » (p. 76)

  13. « [La plate-forme] est plus une contribution à la discussion de l’action armée anarchiste qu’un document pour discuter de l’organisation anarchiste dans tous les différents contextes. » (p. 86)

  14. « Actuellement, l’especifismo est préconisé par diverses organisations latino-américaines et développé dans la pratique, même si ce n’est pas sous ce nom, dans d’autres parties du monde. » (p. 88)

  15. « Succédant à la tradition collectiviste de l’anarchisme du temps de Bakounine – qui préconise, dans la société future, la distribution à chacun selon son travail – est né le courant anarchiste communiste – qui a depuis lors préconisé la distribution à chacun selon leurs besoins. » (p. 83)

  16. « L’Alliance est une organisation de la minorité active composée des « plus sûrs, les plus dévoués, les membres les plus intelligents et les plus énergiques, en un mot, par les plus proche ». Elle a été formé pour agir secrètement afin de répondre aux questions que l’on ne pouvait pas aborder publiquement et agir comme un catalyseur dans le mouvement ouvrier. L’Alliance définissait la relation entre els plan sociaux et politiques […] » (p. 83)

  17. « Au plan politique, Malatesta a développé sa conception de l’organisation spécifique anarchiste, qu’il a appelé le parti anarchiste […] Cette organisation devait agir dans ce qui était nommé « mouvements de masses » à l’époque et les influencer autant que possible. » (p. 83-84)

  18. « […] dans le sus de l’Ukraine, les paysans de Goulaï-Polé, un village qui, depuis la révolution de 1905 avait une forte organisation anarchiste, fondèrent l’Union des paysans, qui décida de se battre pour la révolution sociale indépendamment du gouvernement, cherchant l’autogestion des moyens de production. » (p. 85)

  19. « [Les éléments autoritaires] avaient pour objectif de saisir l’appareil d’Etat et de s’orienter vers la dictature du Parti (bolchevik), dirigé par un comité central tout-puissant ; [les éléments libertaires] pour le communisme libertaire et autogéré sous la forme de conseils de soviets d’ouvriers, paysans et du peuple en armes. » (p. 85)

  20. « Le PLM est devenu clandestin et a organisé plus de 40 groupes de résistance armée à travers le Mexique et a également eu des membres indigènes, connus pour leur lutte pour les droits des communautés et contre la propriété capitaliste. » (p. 84)