Anna Beniamino
C’est comme ça… si vous y croyez – Réflexions et mises à jour sur le procès Scripta Manent
Nous recevons un texte de la compagne anarchiste Anna Beniamino
À partir de la fin : de l’association à l’instigation et vice versa
Papier recyclable … … La structure de l’enquête
Il n’y a pas de grandes réflexions à faire sur un épisode répressif, après tout il s’agit là simplement de la répétition cyclique de l’action et de la réaction. Ni même à quel point la répression joue à un jeu tordu – fait bien connu. A la limite quelques notes marginales sur le développement de ses techniques et stratégies.
C’est ce que j’essayerai de faire ici. A plus d’un an des arrestations, alors que le procès a déjà commencé, une brèche s’est ouverte dans la chape de plomb de la censure et les dossiers judiciaires dévoilé, dans la complexité de leur misère, après le bref article dans le dernier numéro de Croce Nera sur les développements récents entre la clôture des enquêtes et l’audience préliminaire.
Avant toute évaluation, cependant, je voudrais simplement réitérer ma fierté de l’anarchie et celle des anarchistes qui m’ont permis de me nourrir d’actions solidaires, de textes, de colère rebondissant en dehors des portails, de prison en prison, montrant à nouveau combien la tension anarchiste est vivante, actuelle et capable de se moquer des catégories en sautant les barrières que la répression voudrait lui imposer et en se débarrassant du lest de la peur et du mythe du consensus.
J’ai toujours pensé que l’anarchie est une affaire sérieuse, si elle est pratiquée par des femmes et des hommes dotés de raison et d’instinct, quelque chose qui – quand elle se trouve enfermée dans des cages et sous pression de la domination – se retourne et fait de ses faiblesses une force qu’ils aimeraient instiller. Nous sommes là pour cela, dans un jeu de dés interminable entre l’autorité et sa négation.
J’ai toujours pensé aussi que l’anarchie a le privilège incontestable de pouvoir s’appuyer sur une solide base philosophique, historique et culturel, mêlée à un instinct primordial de refus : ingrédients qui se mélangent encore aujourd’hui spontanément en recettes destructives efficaces.
“L’anarchie, quand elle le veut, est puissante”, pour citer le camarade anarchiste Panagiotis Argyrou dans sa déclaration solidaire, cet été, aux personnes arrêtées au G20 de Hambourg.
L’idée anarchiste continue d’être un problème pour l’autorité, en rendant l’action concrète inhérente à sa négation claire aux esprits libres.
Je ne veux pas créer de malentendus cependant, il n’y a pas de procès contre des idées : quand la répression frappe c’est toujours suite à des faits, des actions bien précises qui minent la paix sociale généralisée et l’addiction au contrôle, caractéristique de ces dernières années.
*** Action et réaction : des procès fait aux anarchistes pour ce que sont les anarchistes, des ennemis de l’État.
La répression – et la conséquente codification et application du code pénal – change de forme et s’adapte en fonction des risques et le degré de dangerosité de la lutte en cours : ils peuvent y aller avec une férocité vindicative, faire table rase de tout ce qui se présente devant eux, avec un paternalisme fade ou avec toute une série de graduations intermédiaires. Parfois, les réfractaires eux-mêmes rythment l’action, parfois ils subissent et réagissent aux contrecoups répressifs. Ils se plaignent souvent de bouger uniquement lorsqu’ils sont serrés au cou, plutôt que d’attaquer en premier. Mais nous devons être conscients que encaisser les coups ne signifie pas être des “victimes”.
Sans doute, trop longtemps, celui de victime de la répression a été un vieux rôle, confortable pour certains, dans le théâtre de la démocratie, une fausse étiquette désagréable qui a produit piétisme au lieu d’une conscience combative.
Sur ce fait ce trouve l’importance de notre époque : sur la nouvelle ou renouvelée conscience d’être une part contondante, porteurs de germes subversifs si l’on veut, non seulement dans les zones restreintes du mouvement mais aussi en nous présentant, social ou antisocial selon comme l’on se sent, comme fier porteurs d’une forte critique à l’ère de la domination technologique, du contrôle et de l’homologation globales.
Dénuder le roi et ses ignominies, hier et aujourd’hui, a été et continuera d’être l’objet de la répression, avec ses outils anciens et nouveaux. Les catégories ridicules du code pénal – apologies, incitations, associations – visent à toucher le tissu connectif entre la parole et l’action, la solidarité.
Nous ne pouvons pas nous permettre d’être étonnés de cela. II y a plus d’un siècle, il y avait les associations de malfaiteurs, l’autorité royale faisait fermer les journaux et persécutait les subversifs et leurs réunions, surveillait les locaux malfamés où ils se rencontraient. Aujourd’hui, également la communication web et numérique est surveillées.
Contrairement au passé, cependant, le contrôle est devenu omniprésent grâce à l’apparition des nouveaux dispositifs technologiques, qui s’accompagnent souvent d’une moindre conscience et confiance en nos potentiels et possibilités de s’y opposer.
Les modèles et les techniques répressifs sont reproposés et modernisés (parfois même pas tant que ça), administré au besoin : ils sont maintenant, entre autres, utilisés pour endiguer, ou tenter de le faire, l’indéniable effervescence des cercles anarchistes.
Prendre note de cela ne signifie ni s’immobiliser comme des animaux effrayés par les phares d’un camion lancé, ni se jeter – mains et pieds liés – dans la gueule du loup, convaincu de son inévitable voracité. Plutôt un changement de perspective : aspirer, maintenant et toujours, à être un morceau indigeste, sans tomber dans l’ambiguïté de l’omniscience et l’omnipotence de la domination, où souvent il n’y a pas une stratégie globale, mais un enchevêtrement informe d’intérêts carriéristes, de directives données et de fonctionnaires diversement zélés.
Il ne faut pas oublier le facteur humain, même sous la forme la plus dégradée qui peut émerger d’un rédacteur de rapports de police qui vole et déforme des morceaux de nos vies. Cela nous donne un large aperçu de la misère de son essence.
À partir de la fin : de l’association à l’instigation et vice versa
Avec l’avis de clôture des enquêtes en avril 2017 – pour les personnes arrêtées et celles mises sous enquête de septembre 2016 – a été ajouté, en plus des crimes déjà imputés, pour 12 des 17 prévenus initiaux, le 414 c.p. (Incitation à la délinquance) à des fins terroristes comme auteurs et / ou distributeurs de la Croce Nera, journal et blog, en faisant explicitement référence à des éditoriaux et des articles du n° 0 au n° 3. Signe de nos temps, en ce qui concerne le délit de l’incitation, il a été également indiquée comme circonstance aggravante d’avoir “commis le fait par le biais d’outils informatiques et télématiques”.
Par ailleurs, le 2 juin 2017, avec un timing douteux en ce qui concerne l’audience préliminaire du 5 juin, la succursale de répression de Saint Antoine a entraîné dans le wagon de Scripta Manent, sept autres compagnons en liberté, pour 270 bis et 414 c.p. en tant qu’éditeurs (ou non) de la Croce Nera et des blogs RadioAzione et Anarhjia, en plus d’accuser encore deux des sept ci-dessus, pour 280 cp, à la suite de la découverte, au cours des perquisitions de Septembre 2016, avec d’autres documents publiés sur Croce Nera, de copies de la revendication de l’attentat de Civitavecchia de janvier 2016, signé par le Comité pyrotechnique pour une année extraordinaire – FAI / FRI. Au cours de l’audience préliminaire, les deux enquêtes ont été unifiées, renvoyant toutes les parties au procès, sans rien changer aux diverses accusations. Dans la pratique, après une année de contrôle obsessionnelle (à travers des blocages et des séquestrations de la correspondance des personnes arrêtées, qui ont fini directement dans les dossiers du procureur et ont été ajouté aux actes à l’audience préliminaire) et la surveillance de la solidarité, le procureur et la police ont réussi à donner naissance à une peine punitive, “in direttissima”, pour certains de ceux qui ont continué à maintenir des contacts avec eux et à poursuivre leurs activités éditoriales.
L’utilisation côte à côte des articles 270 bis et 414 c.p. devient paradigmatique de leurs stratégies, si nous pensons à ce qui s’est passé avec la sentence Shadow à Perugia et l’utilisation qui voudrait en être fait dans ce procès.
Sans oublier l’intensification, au cours de ces dernières années, du 414 c.p. utilisé aussi “en pure”, comme diraient les oeunologues, sans le garder de côté pour des accusations associatives, pour frapper tout écrit qui “défende” l’action anarchiste. Couvercle malléable avec lequel ils tentent d’étouffer les flammes des paroles et des actions solidaires.
Il faut souligner, d’autre part, que les petits tours de la police n’ont intimidé personne.
Papier recyclable … … La structure de l’enquête
On dit que les écrits restent mais, avec Scripta Manent, le Bureau du Procureur et la Digos [police politique] de Turin n’ont proprement rien voulu jeter. Ils ont exhumé du cimetière des éléphants des archives et des procès classés, en les ruminant et les recrachant, environ 20 ans de surveillance et de répression :
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Procès ORAI (proc. Marini, ROS, Rome) de 1995 ;
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Enquête sur l’attaque du Palazzo Marino à Milan en 1997 revendiqué par Azione Rivoluzionaria Anarchica ;
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Enquête sur la solidarité internationale (proc. Dambruoso, Digos, Milan) déposée en 2000 ;
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Opération Croce Nera (proc. Plazzi, ROS, Bologne) qui en 2005 a conduit à l’arrestation de la rédaction d’alors de la Croce Nera, puis dans un court laps de temps, à un non-lieux ;
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Enquête au sujet d’un colis incendiaire envoyé au commissaire de Lecce en 2005 signé par Narodnaja Volja/FAI ;
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Enquête au sujet de l’attaque à l’école de carabinieri Di Fossano et colis incendiaire signé FAI/RAT en 2006 (proc. Tatangelo, ROS, Turin) archivé en 2008 ;
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Enquête sur les colis incendiaires et attaque sur la Crocetta signée FAI / RAT 2007, déposée en 2009 (proc. Tatangelo, Digos, Turin) ;
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Opération Shadow (proc. Comodi, Digos, Turin) commencé en 2009 basée sur les articles 270 bis et 280 c.p. résolu en 2016 avec des condamnations basées sur l’article 414 c.p. pour le journal KNO3 et 2 condamnations pour vol de voiture et tentative de sabotage sur la ligne de chemin de fer ;
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L’opération Ardire (proc. Comodi, ROS, Pérouse) a été lancée en 2010, ce qui a conduit à 8 arrestations préventives en 2012, puis a fusionné entièrement avec Scripta Manent après le transfert des compétences territorial à Milan, puis à Turin ;
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Enquêtes Kontro, Replay, Sisters, Tortuga (proc. Manotti, ROS, Gênes) sur les attaques à la caserne des carabinier de Gênes, RIS de Parma en 2005 et autres attaques ;
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Enquête Evolution, Evolution II (proc. Musto, Milita, ROS, Naples) commencé en 2012 sur l’attaque d’Adinolfi “évoluant” ensuite en surveillance de RadioAzione et RadioAzione Croatie ;
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Enquête sur la moto (proc. Franz, Piacente, ROS, Gênes) qui, en 2012, a conduit à l’arrestation de Nicola Gai et Alfredo Cospito ;
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Enquête sur le colis explosif à Equitalia (proc. Cennicola, Polino, Digos, Rome) de 2011, rouverte en 2014 ;
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L’enquête sur l’attaque au tribunal de Civitavecchia et Molotov au C.C. de Civitavecchia de 2016 (proc. Cennicola, ROS, Rome).
Cette longue liste a été faite en passant au crible l’index – et certainement avec quelques oublis – sans citer toute une série de surveillances et communications transmises d’une enquête à l’autre, d’un commissariat à l’autre, souvent contestées à coups de compétences territoriales à travers les échappatoires que la formulation du délit d’association permet.
La stratégie sous-jacente à tout cela est assez évidente, la quantité de dossiers, même étant contradictoires, devient suggestive. Si l’on considère le fait que les actes des procédures susmentionnée sont presque entièrement repris dans Scripta Manent, qui, ajoutés aux ruminations du duo Sparagna / Digos basé à Turin, deviennent des articles 206 et encore plus de dossiers judiciaires.
Fichage et sélection : des centaines de noms et de curriculum vitae, d’épisodes de subversion quotidiens, classés, sectionnés et recomposés ad hoc. Aux trajectoires existentielles, aux fragments de débats et aux journaux publiés se superposent des interprétations différentes en fonction de l’œil vigilant du contrôleur en charge, acrobaties attributives spatio-temporelles, études comportementales néo-Lombrosiennes. Ce n’est pas la première fois que cela se produit, tout comme la tentative d’appliquer un tamis entre “bons et mauvais”, l’utilisation de la presse anarchiste comme “clandestine” et précurseur de “l’association de délinquant”.
Il arrive souvent, et je suis la première à le faire, d’ironiser au sujet des grossièretés et des incohérences flagrantes des rapports judiciaires, mais en oubliant qu’il y a là une arrogance consciente du pouvoir.
Au-delà du petit ou du grand coup de filet qu’il fasse, l’appareil répressif est bien conscient de la manœuvrabilité que permettent ses opérations antiterroristes. Surveiller et punir… surveillance approfondie des contacts, des réactions, des tentatives de pression sur la “capacité” et l’ampleur de la solidarité, de longues détentions préventives.
Je crois, cependant, que les analyses qui voudraient voir la répression contre certains secteurs du mouvement comme un laboratoire où des techniques répressives sont expérimentées in vitro pour ensuite s’étendre à de larges couches sociales, sont myopes et erronées. Il y a là une certaine présomption paternaliste et naïve, au-delà de la tentative de recherche de consensus à travers le ciment de la répression, dans la dissidence timide de notre époque.
Quand en fait, l’utilisation du bâton et de la carotte est beaucoup plus articulée et subtile.
Le pouvoir n’a pas besoin de tester in vitro la répression contre les anarchistes, il applique simplement aux anarchistes un fragment de violence déployé ailleurs plus férocement : l’État n’a pas d’état d’âmes à former des bandes armées de mercenaires pour défendre ses frontières et ses intérêts, à noyer chaque jour des milliers d’êtres humains, d’utiliser les déportations forcés de son territoire chaque semaine pour de simples délits d’opinion (il suffit d’un clic sur la page du premier imbécile fondamentaliste religieux du 21e siècle, pour se retrouver embarqué sur le premier vol).
La répression administre, pour l’instant, des peines bien diversifiées et est bien consciente de où elle peut s’élargir de manière aveugle, avec la plus large et fidèle couverture médiatique. Sans pour autant oublier le fait que même au sein du mouvement, les peines “exemplaires” ne manquent pas.
Souvent, il résulte que les camarades sont plus prudents et conscients à affronter la répression. Ce n’est pas un hasard si plus d’attention est prêtée à l’évolution des techniques de profilage, de contrôle, de surveillance massif ainsi qu’à celles de manipulation du consentement.
Psycho-anthropologie de commissariat
Dans un contexte d’accusations où tout se situe autour de déductions / allégations, a lieu une sorte d’étude comportementale à hautes doses pour tenter de faire des liens. Être conscient et se dérober du contrôle policier vigilant et omniprésent devient en soi suggestif.
Il existe des pratiques désormais consolidées dans les mouvements, et même désormais certaines socialement répandues pour diverses raisons : parler de manière évasive au téléphone ou limiter son utilisation, pas compulsive comme le voudrait le comportement du citoyen-consommateur parfait ; faire attention aux suivis ; éliminer micros et caméras de la maison, des voitures, des lieux de travail ; faire attention au contrôle télématique, pour donner quelques exemples.
Nous connaissons depuis des années les interprétations policières opportunistes des relations entre amis et compagnons ainsi que des initiatives du mouvement : au jugement sans appel de l’espion en charge et / ou à la myopie calculée, en fonction des besoins, il sera trop ou trop peu présent. Nous connaissons bien la passion de la flicaille pour confondre toute initiative, voyage ou séjour comme une ” réunion entre complices” (l’excès de zèle des flics piémontais a réussi, nourri d’un reportage vidéo, à la mi-Août, entre les rochers de la mer Ligurienne, à interpréter toutes les baignades jusqu’à la bouée, en tant que “réunions privées”).
Maintenant, dans un parfait croisement entre la psycho-police et la comédie à l’italienne, l’absence devient suggestive : absence physique, absence d’appels téléphoniques et de contacts. Ceci n’est pas encore ancré dans la thèse accusatoire d’un événement ou d’une action particulière, mais vaut en tant que soi comme soustraction au contrôle, ou mieux, ne pas être surveiller étape par étape, et il n’est pas clair si cela est dû à la volonté des contrôlés ou l’incapacité manifeste des contrôleurs.
Trop d’ironie ? Peut-être, vu que la réalité est faite d’un contrôle obsessionnel et inquiétant qui ne recule devant rien : contrôles du mauvais fonctionnement des micros cachés dans la maison déguisées en perquisitions impromptues, contrôles et radiographies de la correspondance postale en prélevant directement des boites aux lettres et bureaux de poste : double des clefs pour entrer dans les lieux de travail en l’absence des suspects, caméras cachées dans les lieux publics considérés “objectifs présumés”.
Ce ne sont là que quelques exemples d’applications assez répandue de la surveillance, en plus des moyen traditionnels : écoutes téléphoniques interceptés pendant des années, appareils d’écoute à la maison et au travail, GPS dans les voitures, caméras braquées sur les entrées de maisons, caves et lieux de travail, contrôles croisés entre enregistrements téléphoniques et localisations des téléphones portables, filatures avec photos et vidéos, interception du trafic de mails et écoute via les ordinateurs.
Puis, toujours dans la suggestion techno-logique et pseudoscientifique du nouveau millénaire, une pléthore de statistiques, diagrammes, pourcentages, entrecroisements de données des plus curieuses : combien de fois les accusés se sont rencontrés au cours des années (… même à la maison, y compris parents et cohabitants, ainsi qu’à leurs propres procès) et combien de fois se sont rencontrés… leurs téléphones respectifs ; quelles jours de la semaine arrivent plus de colis incendiaires ; quels centres urbains sont touchés par plus d’attaques ; quels mots préfèrent utiliser les anarchistes … mais là, c’est sortir de l’étude sociologique statistique et comportementale, vers une autre pierre angulaire de la cour …
La suggestion d’une opinion d’expert
Dans ce procès saute aux yeux une technique de tailleur évidente afin d’attribuer les crimes spécifiques aux accusés individuels. Afin de donner corps aux hypothèses accusatoires, une utilisation massive des évaluations graphiques, linguistiques et stylistiques est utilisée pour attribuer à des accusés la rédaction de certains textes revendicatifs.
Dit comme-ça cela ressemble à une affaire sérieuse (et elle l’est puisqu’elle sert de prétexte à l’enfermement préventif), pénétrant dans la lecture d’une expertise moderne qui utilise autant la techno-logique que l’esprit humain, on voit cependant à quel point les méthodes utilisées sont discutables et malléables et les résultats aléatoires.
D’une part, il y a un choix clair de procéder délibérément sans tenir compte des résultats contradictoires par rapport à la thèse à soutenir, de sorte que les comparaisons avec les résultats négatifs sont ignorés et les textes sont passés au crible afin d’en sélectionner ceux adaptables aux besoins. Des termes d’usage commun ou propres au langage anarco-poétique deviennent si caractérisants que dans ce paroxysme de combinaisons foisonnent les accusations … c’est-à-dire qu’il en résulte des amalgames des plus divers, qui vont carrément au-delà des charges elles-mêmes.
Le mécanisme répressif est bien conscient de l’incohérence de certaines comparaisons et évaluations – et l’admet même entre les lignes – mais il est aussi conscient du fait que l’utilisation de l’ADN et d’autres savoir-faire technico-scientifiques ont été vendu à l’opinion public comme technologies infaillibles et inattaquables ; il essaie donc de les utiliser devant les tribunaux. En réalité, la statistique des erreurs dans les manipulations et les approximations est considérable (et maintenant la jurisprudence est obligée de l’admettre, après les premières années d’utilisation “non critique” de toute découverte biologique). Nous l’avons aussi remarqué un peu partout dans le monde, dans des procès qui concernaient des compagnons.
Cependant, à partir de cette collecte compulsive de matériel et de comparaisons croisées, certaines données sont obtenues sur leur collecte et leur utilisation systématiques.
Le DAP s’est offert comme réservoir, en plus de clichés anthropométriques, d’empreintes digitales et d’autres traces des emprisonnements passés, en fournissant des rapports personnelles et des repaires graphiques de tous les anarchistes ayant transités par les prisons du pays, sortant carrément de ses archives, requêtes, petites questions, etc. Si aucune arrestation ou perquisition n’a eu lieu, ils se rendent même au registre de l’état civile ou à d’autres archives.
Plusieurs bases de données d’ADN sont utilisées depuis plus de 10 ans, non seulement avec des échantillons prélevés lors de recherches, mais aussi en gardant des échantillons et des comparaisons croisées d’objets conservés dans les différentes archives.
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Ce ne sont là que quelques aspects, à développer et sur lesquels raisonner. Le discours reste que, dans un cadre où les procédures répressives sont des vases communicants, où l’absence est accusatrice, où la solidarité est un facteur aggravant, si l’opération Scripta Manent a tenté de frapper certains anarchistes elle a plutôt contribué à faire fleurir solidarité et conscience. Et ceci, tout compte fait, malgré l’étroitesse de mon horizon actuel, ne peux que continuer de me faire sourire.
Anna
Rome, janvier 2018