Alternative Libertaire
L'anarchisme, quésako ?
La liberté
L'anarchisme est basé sur une conception radicale et complexe de la liberté qui pourrait se décliner en trois volets.
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Tout comme les libéraux, les anarchistes ont une conception négative de la liberté, c'est-à-dire que la liberté est l'absence de contraintes. Ainsi, l'individu doit être libre des contraintes extérieures à lui-même.
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À cette conception négative s'ajoute une conception positive de la liberté puisqu'ils considèrent que la liberté est également une potentialité, la possibilité pour l'individu de se réaliser et d'épanouir toute ses qualités.
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Enfin, les anarchistes ont une conception sociale de la liberté, qui a pour conséquence de lier de façon indissociable liberté et égalité. En effet, l'anarchisme postule que l'individu ne peut être libre qu'au sein d'une société solidaire composée d'indivi-dus libres. Ainsi, selon Bakounine, l'homme n'est réellement libre qu'autant que sa liberté, librement reconnue et représentée comme par un miroir par la conscience libre de tous les autres, trouve la confirmation de son extension à l'infini dans leur liberté. L'homme n'est vraiment libre que parmi d'autres hommes également libres ; et comme il n'est libre qu'à titre humain, l'esclavage d'un seul homme sur la terre, étant une offense contre le principe même de l'humanité, est une négation de la liberté de tous (Catéchisme révolutionnaire).
Un projet de société libertaire
Est anarchiste toute personne dont le projet de société est déterminé par ces conceptions positive et sociale de la liberté. Ce projet varie selon les situations (sociales, culturelles, historiques, géographiques...), mais il propose toujours l'autonomie des individus dans la responsabilité, l'autogestion des collectivités dans le cadre de structures sociales non-hiérarchiques, radicalement démocratiques, décentralisées et fédéralistes.
La nature humaine
Les anarchistes ont en commun une perception de la nature humaine qui justifie la viabilité d'une telle société libertaire.
Cette perception est pourtant riche de différences. Par exemple, le russe Kropotkine considérait que l'instinct de coopération, d'aide mutuelle (l'entre-aide), prédominait chez toutes les espèces animales et trouvait son incarnation parfaite chez l'humain. D'autres libertaires (comme par exemple Peter Marshall) ont plutôt développé une conception existentialiste de la nature humaine, estimant que les comportements humains s'adaptent aux structures et aux normes sociales. Tous pourtant sont d'accord pour affirmer que le seul avenir harmonieux possible pour l'humanité passe par un refus de l'exploitation économique (des êtres humains, des continents du sud, des ressources de la planète...) dans le cadre d'une société enfin libérée des rapports de domination et de pouvoir.
Une critique de la société actuelle
Toutes les variantes de l'anarchisme ont en commun une critique antiautoritaire des sociétés contemporaines.
Les anarchistes contestent tous les rapports de domination hiérarchique, de quelque nature qu'ils soient (économiques, sociaux, culturels, de couleur de peau, de sexe...). La critique anarchiste s'étend à toutes les institutions oppressives, telles l'Église, l'école traditionnelle, l'entreprise, les partis politiques... et en tout premier lieu à l'État (armée, police, contrôle social, ordre moral...), qu'ils considèrent comme l'incarnation même de la domination.
L'étendue de cette critique est d'ailleurs un des facteurs qui distingue l'anarchisme du marxisme. Comme l'a fait remarquer Henri Arvon dans L'anarchisme(PUF, Que sais-je ? n°479), l'anarchisme conteste l'oppression autant que l'exploitation, l'autorité autant que la propriété et l'État autant que le capitalisme. Ceci explique pourquoi de nombreux/ses écologistes, féministes, pacifistes, syndicalistes et militants pour les droits de la personne humaine sont attirés par cette critique sociale radicale de nos sociétés.
Des stratégies de changement
Enfin, les anarchistes ont en commun de proposer des stratégies de changement révolutionnaire impliquant l'institution immédiate de leur projet politique autogestionnaire. Ils se sont donc toujours opposés aux stratégies communistes autoritaires (transition par une pseudo "dictature du prolétariat") ainsi qu'à la conquête du pouvoir d'État par des partis politiques hiérarchisés. Ils sont généralement abstentionnistes lors des élections sans en faire une règle immuable (par exemple participation libre des adhérents de la CNT espagnole aux élections de 1936). Les anarchistes oeuvrent avant tout dans les mouvements sociaux et préconisent l'action directe (non-violente de préférence) et l'auto-organisation des citoyens à la base.
C'est sur les stratégies de changement que les anarchistes ont été le plus partagés. Par exemple, certains ont préconisé, principalement lors des deux dernières décennies du XIXe siècle en France, dans une période où l'exploitation capitaliste était particulièrement féroce (travail des enfants, transfert forcé de l'agriculture vers l'industrie naissante...) une forme d'action directe violente appelée propagande par le fait. Mais après une vague d'attentats individuels qui n'ont mené qu'au rejet populaire et à un regain de répression étatique, cette stratégie a été abandonnée au profit d'un investissement des libertaires dans le mouvement social. Les anarchistes insistent aujourd'hui sur l'action communautaire (collectifs, centres sociaux, coordinations...), sur la formation d'institutions alternatives sur une base locale (écoles libertaires, collectivités agricoles autogérées, coopératives de production, radios libres et presse associative...) qui sont de véritables laboratoires miniatures de ce que pourrait être une société libertaire. Les anarcho-syndicalistes, quant à eux, axent leur stratégie sur l'action revendicative de masse dans les entreprises et la construction de syndicats conçus comme les embryons de la société nouvelle. Ils préconisent des formes d'action directe comme le sabotage, le boycott, la grève partielle et la grève générale gestionnaire et expropriatrice. Les anarcho-pacifistes insistent sur l'action directe non-violente et sur la désobéissance civile comme moyen de renverser l'ordre hiérarchique oppressif.
Bien qu'ils soient des révolutionnaires, les anarchistes ne rejettent pas pour autant des formes de lutte partielles, intermédiaires et quotidiennes. Au contraire, un théoricien comme Élisée Reclus (qui fut parmi les fondateurs de l'Université Libre de Bruxelles) considère qu'évolution et révolution font partie d'un même processus et que chaque action peut être efficace si elle s'inscrit dans une perspective anti-autoritaire. Les libertaires considèrent l'auto-formation et l'éducation comme étant parmi les principaux leviers pour accéder à une société d'humains libres, autonomes et responsables.
Notons, pour terminer, qu'une minorité de libertaires n'est pas révolutionnaire. S'affirmant individualistes, ils considèrent que les "rêves de grands soirs" sont eux-mêmes potentiellement répressifs et estiment que c'est à l'individu de se libérer en rejetant lui-même la société dominatrice. Pour beaucoup d'individualistes, être anarchiste signifie être "en dehors" et vivre selon ses propres principes, en refusant de collaborer aux institutions oppressives. Cette attitude mène parfois vers une forme d'individualisme aristocratique d'inspiration nietzschéenne, comme le développe le philosophe français Michel Onfray par exemple.
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