Chicago, troisième plus grande métropole des États-Unis, située dans le nord-est de l’État de l’Illinois, est une ville qui a beaucoup changé depuis 1886, année de l’affaire dite des « martyrs » de Haymarket. Et pourtant il existe une constante, que l’auteur à succès Nelson Algren relevait déjà dans les années 1950 :
« Chicago est une ville en construction permanente où chaque homme ne se bat que pour lui-même. »
Ce qui lui valut à plusieurs reprises d’être décrite comme cette métropole où le dollar est roi. Dès les années 1880, Chicago devint la ville à la plus forte croissance économique à travers le monde. Le London Times de 1887 la décrivait déjà comme cette ville où proliféraient « probablement plus de spéculateurs sans états d’âme de l’humanité américaine que New York même ». Étant donné les prix immobiliers défiant toute concurrence à l’époque, cette ville où il restait encore tant à construire attira des opportunistes du monde entier, mais surtout de ceux qui sont la colonne vertébrale capitaliste et raciste des États-Unis, les White Anglo-Saxon Protestant, les WASP. Les Cyrus McCormick, George Pullman, Marshall Field et autres Potter Palmer y régneront, eux et leurs dynasties industrielles et politiques, jusqu’aux années 1930. Avec leurs grands projets, évidemment, une main d’œuvre importée en masse fut nécessaire pour crever sur les chantiers du nouveau monde.
Les immigrations irlandaises des années 1830 et 1840, ainsi que l’immigration allemande massive faisant suite aux événements révolutionnaires de 1848 et à leur répression, étaient perçues par les premiers colons américains comme des populations inférieures. Le pouvoir WASP utilisa d’ailleurs contre ces nouveaux migrants, à la conscience de classe un peu trop développée à leur goût, les immigrations tchèques, polonaises ou bohémiennes. C’est ainsi que les composantes raciales sont vite devenues une caractéristique essentielle de l’histoire chicagoane, mais aussi plus largement de l’histoire des États-Unis. En effet, la guerre entre pauvres étant bien entendu plus souhaitable que la guerre de classe telle qu’elle commençait à exploser en Europe, les États-Unis ont su tirer profit de ces conflits par la mise en concurrence ethnique jusqu’à nos jours, comme on a pu le constater récemment suite aux émeutes de Ferguson, lorsqu’il s’agissait de ramener la paix sociale après l’armée. Mais revenons à nos lions.
Avec cinq cents par jour, les travailleurs immigrés étaient bien trop occupés à survivre pour attiser la lutte des classes, du moins dans l’esprit du pouvoir, car en réalité, comme nous allons le voir avec nos recherches, la quasi-victoire sociale des capitalistes n’allait pas se réaliser sans résistance. Dès les années 1880, de nouvelles machines vinrent détruire le travail de nombreux ouvriers, même qualifiés, et avec l’afflux permanent de migrants, il y avait toujours quelqu’un prêt à prendre votre place si vous n’étiez pas enclins à accepter des réductions salariales ou des augmentations du temps de travail.
Dès 1855, il y avait à Chicago plus de votants nés à l’étranger que de natifs. Une situation que les magnats industriels ont eux-mêmes créé, mais qui peu à peu se révélait être une menace pour leur maintien au pouvoir. C’est alors que naquirent un certain nombre de groupes et de coalitions politiques racistes, anti-immigrés, anti-catholiques et anti-travailleurs. L’excroissance de ce type la plus connue à Chicago fut le mouvement des Know-Nothings, rapidement transformé en partis dits « nativistes ». Organisé à la faveur du rejet de l’importante immigration irlandaise et allemande de la fin des années 1840 par les classes moyennes anglo-saxonnes protestantes, ce courant fut tout d’abord structuré par une société secrète avant de former un véritable parti en 1854 en rejoignant l’American Party avant de connaître un déclin rapide avant la guerre de Sécession.
Le docteur Levi D. Boone, un ultra-conservateur représentant des Know-Nothings, fut élu maire de Chicago sur une plateforme anti-immigrés en 1855. Bien que Boone ait gagné les élections, certains ont affirmé que le vote des immigrants allemands et irlandais dans le quartier de Bridgeport, qui n’était pas encore complètement une partie de la ville, n’avait pas été comptabilisé. Dès son arrivée au pouvoir, il s’engage à purifier la mairie et les services publics de tout « étranger ». Bien que la notion d’étranger, au sein d’un État aussi jeune que les États-Unis soit tout à fait douteuse.
Mais sa mesure la plus marquante sera la fermeture obligatoire des saloons et des beer gardens[1] le dimanche, et l’augmentation de 50 dollars par an à 300 dollars par trimestre de la licence pour vendre de l’alcool, c’est-à-dire une multiplication du prix par 24. Cela pourrait paraître anodin aujourd’hui, mais il faut se rendre compte que le dimanche était à l’époque le seul jour de congés pour des travailleurs qui se tuaient littéralement à la tâche toute la semaine. Ces endroits étaient aussi des lieux de socialisation et de rassemblement importants par lesquels les idées révolutionnaires se diffusaient facilement dans un contexte de travail insoutenable et de conditions de vie déplorables, dans une ville où des travailleurs crevaient de faim, menant un mode de vie rempli de violences sociales diverses, dans un contexte où l’esclavage n’a toujours pas été aboli. Cette mesure, sous ses aspects mineurs, était en fait une cristalline déclaration de guerre aux travailleurs immigrés allemands et irlandais.
Tôt le matin du 21 avril 1855, les travailleurs allemands commencèrent une marche depuis leurs quartiers-ghettos jusqu’à la mairie, sur le toit de laquelle le maire Boone fit installer pour l’occasion des mitrailleuses de type Gatling (quelques unes des premières fabriquées). Il embaucha également environ 250 nervis des milices patronales armés de sabres ou de fusils et parfois montés sur des chevaux, pour supplémenter la police. Dans l’après-midi, alors que la marche parvenait tout juste à franchir le pont de Clark Street, le maire ordonna que l’on fasse tourner le pont à bascule, piégeant la plupart des manifestants au milieu de la rivière. La police reçut alors l’ordre d’ouvrir le feu sur la foule, blessant de nombreuses personnes, et tuant Steve Martin, un travailleur de 26 ans. Seul un policier, Mark Hunt, fut blessé par des tirs de représailles. Lorsque celui-ci perdit son bras suite à la gangrène, une œuvre de bienfaisance organisée par les industriels de la ville collecta 3000 dollars pour remercier le brave pandore d’avoir sauvé Chicago des hordes de Huns en haillons…
En octobre 1871, plusieurs centaines de personnes seront tuées, et environ 10 km² furent réduits en cendres par le grand incendie de Chicago, détruisant plusieurs quartiers et laissant plus de 100 000 personnes à la rue, pour la plupart, des travailleurs allemands et scandinaves qui vivaient le long de la Chicago Avenue et près de la Chicago River. Après la tragédie, des initiatives de soutien organisées par des travailleurs à travers le monde (principalement en Allemagne, France et Angleterre), rapportèrent plus de cinq millions de dollars pour aider les sinistrés à se nourrir et se reloger. Mais cet argent fut détourné par le maire Joseph Medill et les industriels de la ville, par le biais de leur organisation : la Relief and Aid Society (RAS) qui, poussant la logique capitaliste à son maximum, déclara peu de temps après le grand incendie : « nous ne sommes pas à blâmer si les gens n’ont pas fait assez attention à leurs propres intérêts, se retrouvant aujourd’hui sans travail ni argent. Ces gens n’ont pas le droit de nous réclamer cet argent », qui pourtant leur était destiné.
La reconstruction de Chicago deviendra un enjeu majeur pour les tycoons capitalistes qui sauront profiter de la situation. Mais beaucoup d’ouvriers ne seront pas payés par les entrepreneurs qu’aucune loi n’oblige encore à respecter leurs engagements, il s’agit majoritairement d’immigrés, les chicagoans natifs mieux installés s’étant fait passer le mot sur ces entrepreneurs véreux.
Durant l’hiver 1872, quelques milliers de ces travailleurs frappés par la faim et la misère marchèrent vers le siège de la Relief and Aid Society pour réclamer l’argent qui leur était dû. Mais ils furent repoussés jusqu’à un tunnel sous la Chicago River, où ils furent violemment battus. Ces événements furent surnommés les « émeutes du pain » à Chicago, ils contribuèrent à la radicalisation des travailleurs pauvres et immigrés de la ville et du pays, de plus en plus pénétrés par des idées et des pratiques révolutionnaires, qu’elles soient marxistes ou anarchistes. C’est à cette époque notamment que naissent les Knights of Labor, organisation de défense ouvrière destinée à contrer les milices patronales. Fondé en 1868 pour combattre le capitalisme, cet ordre s’inspira de la tradition des loges opératives, véritable combinaison de corporations et de syndicats, qui, au Moyen Âge en particulier, avaient servi de cadre d’organisation à diverses professions, comme celles du bâtiment ou de la construction.
C’est à cette époque également qu’un nouvel arrivant à Chicago commence à enquêter sur ces émeutes du pain et sur la corruption qui les avait déclenchées. Orphelin à cinq ans, Albert Parsons a été élevé par une esclave, Esther. Ex-soldat de l’armée confédérée, il s’est expatrié à Chicago en 1873, suite à son mariage avec une métisse noire, Indienne et Mexicaine, Lucy Parsons, une esclave affranchie qui deviendra, comme lui, une anarchiste courageuse et convaincue. Albert Parsons réussit alors à dénicher des preuves des détournements de l’argent destiné aux sinistrés du grand incendie au profit des entrepreneurs de la ville par le biais de la RAS. Mais aucune loi n’existant à ce sujet, aucun d’entre eux ne fut inquiété. Ce qui mena Parsons, et de nombreux révolutionnaires dans la foulée, à cesser de compter sur les institutions pour obtenir justice, et donc, à se radicaliser sur la voie d’un anarchisme de combat sans concession.
Alors que les entrepreneurs se constituaient une fortune démesurée sur la reconstruction de la ville (et par la même occasion sa restructuration), une crise profonde frappa Chicago, avec un taux de chômage record qui força même certains des plus pauvres à aller travailler dans des fermes de la banlieue rurale de Chicago dans des conditions proches de l’esclavage. La grève sanglante des cheminots en 1877 finira par faire perdre à certains toute illusion d’une entente ou de négociations entre les travailleurs et le patronat. Albert Parsons sera lui-même tabassé dans des conditions troubles, suite à un guet-apens, par deux nervis du maire Joseph Medill, rancunier des révélations du jeune anarchiste après les émeutes de l’hiver 1872. Une menace restera en mémoire, celle de la pendaison.
On peut dire qu’à cette époque-là, des anarchistes comme Lucy et Albert Parsons, mais aussi d’autres, comme Emma Goldman, August Spies et son ami Johann Most,[2] un anarchiste allemand qui commence à faire parler de lui du côté de New York après avoir formulé pour la première fois le terme de propagande par le fait (rapidement repris en Europe par Kropotkine et les autres), sont de plus en plus réticents à donner leur confiance aux organisations syndicales en plein essor, et en arrivent peu à peu à rejeter toute idée de coopération avec les autorités. C’est l’époque des attentats anarchistes aux États-Unis, qui culmineront par l’assassinat du président William McKinley, abattu le 6 septembre 1901 de deux coups de revolver dans la poitrine.
Dans ce contexte de tensions sociales extrêmes, le gouvernement fait appel au 1er Régiment de la Garde Nationale de l’Illinois pour maintenir l’ordre. Il sera rejoint peu après par les troupes fédérales du Dakota, qui, quelques jours plus tôt, avaient massacré les indiens qui avaient tué le général Custer. Toutes ces troupes furent alors mobilisées pour détruire les velléités révolutionnaires des travailleurs pauvres de Chicago, dans ce que les livres d’histoire appellent de façon réductrice « la bataille du viaduc ».
À la même époque, le Chicago Times appelle littéralement dans ses pages à utiliser la dynamite contre les travailleurs révoltés et les grévistes. Une « Ligue pour l’Ordre et la Loi » est fondée et dirigée par George Pullman. Parsons est alors décrit comme un homme à abattre par toute la presse locale. Lui et ses proches ne cesseront de diffuser les nouvelles idées anarchistes, et notamment de préconiser la propagande par le fait, appelant eux aussi à l’utilisation de la dynamite dans leurs tracts et journaux tirés à des dizaines de milliers d’exemplaires et diffusés en plusieurs langues.
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« Arm yourselves and Appear in Full Force. » (Appel au rassemblement du 4 mai 1886.)
Une centaine d’années plus tard, alors que le travail de récupération bourgeoise du combat de nos compagnons était déjà bien entamée, le 1er mai 1998 à Chicago, se tenait une étrange cérémonie. Une petite sauterie telle que les officiels aiment à en faire réunissait au cimetière de Forest Home des chefs syndicalistes et des représentants de l’État. Ils étaient là pour inaugurer une stèle à la mémoire des cinq anarchistes de Chicago qui furent accusés de l’attaque à la bombe de Haymarket en 1886 et exécutés par les tribunaux du pouvoir. L’étrangeté de ce mémorial, classé « site historique national » par l’État américain, tient dans le fait cocasse qu’il est réalisé par ceux-là mêmes qui les avaient assassinés 110 années plus tôt.[3] Mais cette anecdotique récupération d’État, et il y en aura tant d’autres encore, n’est ici qu’un prétexte pour revenir un peu sur l’histoire de ces quelques compagnons morts d’avoir porté un idéal d’émancipation subversif pour l’autorité. La mythologie qui entoure ces événements du passé chez les anarchistes est parfois confuse. On a pris l’habitude d’appeler ces compagnons « les martyrs de Haymarket », de dire qu’ils ont été pendus alors qu’ils étaient innocents, on parle de « laver leur mémoire », c’est-à-dire de les rendre « innocents ». Un peu comme dans le cas des compagnons Sacco et Vanzetti, sur lequel il y aurait tant à dire aussi. Un travail gigantesque a été fait pour « réhabiliter » ces compagnons aux yeux de la loi et de l’opinion. Mais nous refusons très nettement de participer à tout cela, et préférons réaffirmer que ces compagnons n’étaient pas innocents, et que c’est bien pour cette raison que nous souhaitons saluer leur mémoire et la « réhabiliter » à notre tour, pour rendre hommage à leur combat insurrectionnel.
Mais parlons un peu des faits qui nous intéressent ici, qui sont notamment connus pour être en partie à l’origine des manifestations du 1er mai. Tout commence lors d’un rassemblement pour la journée de huit heures de travail quotidien qui se déroula le 1er mai 1886 à l’usine McCormick[4] de Chicago. Un rassemblement qui s’inscrivait dans un mouvement plus large, c’est-à-dire une grève générale mobilisant 340 000 travailleurs dans tous le pays. Modèle était pris d’une tradition ouvrière australienne de grève générale pour la journée de 8h tous les 1er mai. Le 1er mai était aussi le jour ou les entreprises entamaient leur année comptable, et donc la journée où se renouvelaient (ou pas) les contrats de travail. Les travailleurs étaient donc souvent contraints de déménager pour trouver un nouveau travail (d’où l’expression moving day).
August Spies, membre de la section de Chicago de l’International Working People’s Association,[5] éditeur de l’Arbeiter-Zeitung[6] et anarchiste bien connu pour ses qualités d’orateur enflammé, est le dernier à prendre la parole devant la foule des manifestants, faisant suite à Samuel Fielden. Mais au moment où la foule commence à se disperser, 200 policiers font irruption et chargent les ouvriers. Il y a un mort et une dizaine de blessés. Spies rédige alors dans le journal Arbeiter-Zeitung un appel [traduit ci-après] à un rassemblement de vengeance contre la police, pour le 4 mai. Un autre appel dans le journal anarchiste The Alarm[7] appelait les travailleurs à venir armés, notamment pour empêcher des carnages comme il s’en était produit lors de bien d’autres grèves.
Le jour venu, Spies, Parsons et Samuel Fielden prennent à nouveau la parole alors que la pluie commence à tomber. Le maire de Chicago, Carter Harrison, assiste aussi au rassemblement. Lorsque la manifestation s’achève, Harrison, convaincu que rien ne va se passer, appelle le chef de la police, le détesté inspecteur John Bonfield, pour qu’il renvoie chez eux les policiers postés à proximité. Il est 22h et les manifestants se dispersent, il n’en reste plus que quelques centaines dans Haymarket Square. Bonfield ordonne à Fielden d’appeler la foule à se disperser dans le calme, ce qu’il ne fera pas.
C’est à ce moment qu’une bombe assez puissante est lancée sur la masse des policiers, en tuant un sur le coup. Dans le chaos qui en résulte, des deux côtés les armes sont dégainées, et sept autres agents sont tués, une soixantaine d’autres sont blessés par balles, les flics tirent dans le tas, parfois sur eux-mêmes et le bilan est lourd. On parle officiellement d’au moins quatre morts du côté des manifestants et de nombreux blessés graves, mais cela est vraisemblablement faux. Des journaux anarchistes comme de nombreux journaux de la presse bourgeoise[8] parlaient d’une cinquantaine de morts chez les ouvriers. On ne saura jamais vraiment, puisque la plupart des blessés sont morts dans les jours suivants, en tout cas ceux qui n’ont pas réussi à trouver de l’aide assez rapidement. Se présenter dans un hôpital dans un contexte pareil entraînait forcement de s’exposer aux représailles de la police ou de la justice.
L’événement servira à jamais à faire de Chicago un point chaud du dit « terrorisme » anarchiste dans la culture populaire américaine. L’édition du 4 mai 1886 du New York Times porte en titre :
« Émeute et bain de sang dans les rues de Chicago… Douze policiers morts ou mourants. »
Celle du 6 mai affichait en Une « Les mains ensanglantées de l’anarchie », dont l’édito s’ouvrait ainsi :
« Les vils enseignements des anarchistes ont porté leurs fruits sanglants à Chicago la nuit dernière. Et au moins une douzaine de loyaux serviteurs auront sacrifié leurs vies aux doctrines d’Herr Johann Most. »
L’article, parsemé de racisme, ne se réfère aux grévistes que par le terme ambigu de « mob », signifiant à la fois foule ou populace déchaînée, mais contenant aussi des références historiques à la pègre. Le mot « workingmen » est lui toujours placé entre guillemets.
Sept hommes sont arrêtés dans la foulée par la police, accusés des meurtres de flics de Haymarket. August Spies, George Engel, Adolph Fischer, Louis Lingg, Michael Schwab, Oscar Neebe et Samuel Fielden sont incarcérés. Un huitième nom s’ajoute à la liste quand Albert Parsons se livre à la police.
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« Le sol sur lequel vous vous trouvez est en feu. » (August Spies à ses juges.)
Le procès s’ouvre le 21 juin 1886 à la cour criminelle de Cook County (Illinois). Participant probablement en grande partie à la mythologie innocentiste des « martyrs de Haymarket », il est entièrement biaisé, la sélection du jury compte par exemple un parent du premier policier tué. Le procureur Julius Grinnel déclara même lors de ses instructions au jury :
« Il n’y a qu’un pas de la République à l’anarchie. C’est la loi qui subit ici son procès en même temps que l’anarchisme. Ces huit hommes ont été choisis parce qu’ils sont des meneurs. Ils ne sont pas plus coupables que les milliers de personnes qui les suivent. Messieurs du jury : condamnez ces hommes, faites d’eux un exemple, faites-les pendre et vous sauverez nos institutions et notre société. C’est vous qui déciderez si nous allons faire ce pas vers l’anarchie, ou non. »
Reste selon nous que ce procès, certes d’apparence exceptionnel, n’était pas si différent des autres procès d’anarchistes de l’époque, c’est-à-dire un peu moins d’une dizaine d’années avant la promulgation des lois scélérates en France, une série de lois votées à la Belle Époque qui visaient à réprimer le mouvement anarchiste et les possibilités d’expression subversives en général. Toutes proportions gardées, on peut débusquer une tonne de similitudes avec la façon dont sont menées aux quatre coins du monde les enquêtes de police et de justice contre les anarchistes d’aujourd’hui : interrogatoires musclés ou non, perquisitions, accusations de terrorisme, invention de groupes terroristes fictifs, rémunération de délateurs, utilisation des médias pour isoler et de la prison pour détruire sont toujours monnaie courante.
Mais revenons à 1886. Le 19 août, tous sont condamnés à mort, à l’exception d’Oscar Neebe qui écope de 15 ans de prison. Un vaste mouvement de protestation international se déclenche. Les peines de mort de Michael Schwab et Samuel Fielden sont commuées en prison à perpétuité (ils seront tous les deux graciés le 26 juin 1893). Louis Lingg se suicide péniblement en prison. Quant à August Spies, George Engel, Adolph Fischer et Albert Parsons, ils sont pendus le 11 novembre 1887. L’exécution sera effroyable puisque les nœuds furent mal disposés pour que l’agonie par strangulation soit longue, ce qui permettra à Spies de crier dans un dernier souffle de vie :
« Le temps viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui ! »
Partout dans les grandes capitales du monde, de grandes manifestations d’appui aux anarchistes de Chicago font monter la température. Un mouvement qui préfigurera de beaux élans de solidarité internationaliste quinze ans avant les manifestations de solidarité contre l’exécution de Francisco Ferrer, et trente ans avant celles pour les anarchistes Sacco et Vanzetti.
La version édulcorée que l’on nous sert à chaque 1er mai, de la part des historiens d’État comme des organisations gauchistes et anarchistes respectables, est l’histoire de cinq travailleurs tués pour l’exemple et choisis au hasard dans la foule de ceux qui luttaient pour les droits des travailleurs. Chaque année la Fédération Anarchiste, la CNT et tant d’autres libertaires prétendent entretenir leur mémoire en ressortant leur tract sur les origines anarchistes du 1er mai, se recopiant la même version les uns sur les autres, sans prendre la peine de vérifier les faits et de réfléchir, comme nous avons essayé de le faire ici. Dans ces tracts toujours anachroniques et mal renseignés que chacun pourra apprécier par lui-même au prochain 1er mai, les compagnons de Chicago sont carrément présentés comme les martyrs de ceux qu’ils combattaient, c’est-à-dire les syndicats réformistes et le Mouvement Ouvrier A.O.C.. Cela parce que leur version innocentiste les arrange bien, trop occupés qu’ils sont à délaver l’anarchisme (et l’histoire révolutionnaire en général) de ses passions destructrices et de son histoire tumultueuse, pour la rendre soyeuse et respectable au toucher de l’« opinion publique ». On préfère ces figures imaginaires de rêveurs condamnés à tort à la peine capitale, de doux petits jésus prolétariens aux yeux tristes, lynchés et crucifiés par les troupes patronales de Ponce Pilate, des victimes plutôt que des combattants. Mais rien n’est moins vrai.
Si « injustice » il y a, elle réside pour nous dans le fait de réduire leurs belles idées dans le bordel générique des « droits des travailleurs ». Les monuments érigés par les États comme par les libertaires à leur « innocence » sont des insultes en bronze à leur mémoire. Albert Parsons, August Spies, George Engel, Adolph Fischer et Louis Lingg ne sont pas de pauvres et innocents martyrs, ils étaient des anarchistes coupables d’avoir travaillé à l’organisation d’une insurrection de travailleurs au cœur même de l’Amérique industrielle, coupables d’avoir voulu venger leurs morts, coupables d’avoir conspiré pour tuer des flics, coupables d’avoir été révolutionnaires jusqu’à la fin, coupables d’anarchisme. Et que celles et ceux qui prennent peur d’un tel héritage et s’en lavent les mains ne prétendent pas être anarchistes ou révolutionnaires.
Il faudrait ne pas nous laisser entraîner nous-mêmes dans le sillon du rouleau compresseur de l’histoire bourgeoise et universitaire qui n’a jamais compris l’anarchisme que de deux manières. D’un côté les belles idées, la philosophie positive et la rhétorique enthousiaste de doux et jeunes rêveurs utopistes, un peu bohèmes, persécutés par l’ordre établi trop réactionnaire pour accepter leurs idées progressistes et non-violentes. Et de l’autre côté, les anarchistes assoiffés de sang, nihilistes virtuoses de la monstruosité, manipulés par les services secrets et frappant dans le tas des masses. Nous savons bien que ces façons sordides de comprendre l’anarchisme et les anarchistes répondent au besoin moderne et irrépressible de récupérer, mâcher, digérer et recracher, parfois intégrer ou désintégrer, mais toujours simplifier et falsifier.
Les cinq compagnons de Haymarket étaient des anarchistes et des révolutionnaires comme les autres, c’est-à-dire qu’ils ne voyaient pas la théorie et la pratique comme des activités séparées, mais comme un tout cohérent et entrelacé. Et les beaux discours que certains d’entre eux ont pu prononcer devant leurs juges, des appels à la vengeance et à l’insurrection, n’étaient pas que des beaux discours prononcés pour que des étudiants et des libertaires puissent les relire cent ans plus tard, un sourire de compassion aux lèvres, comme un vestige insolite du passé. Car ils portaient un combat qui continue, pas une curiosité philosophique. Cela, des compagnons du monde entier l’ont bien compris lorsqu’au lendemain de l’exécution des compagnons de Chicago, les intérêts américains seront attaqués un peu partout dans le monde. A Livourne en Italie, par exemple, où une grande manifestation émeutière attaqua les navires de guerre américains ancrés dans son port, avant de s’en prendre au siège local de la police, où, disait-on, le consul des États-Unis s’était réfugié pour s’éviter un lynchage.
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« Les forces par lesquelles les travailleurs sont maintenus dans la soumission doivent être combattues par la force. » (Louis Lingg.)
Tous ceux qui aujourd’hui nous servent ce discours sur Haymarket, ont-ils seulement tenu compte du fait que Louis Lingg et ses avocats n’ont jamais remis en question l’accusation d’avoir fabriqué des bombes artisanales dans son appartement, et en grande quantité, juste avant l’émeute de Haymarket ? Aucun n’a retenu qu’August Spies a admis posséder de la dynamite et des bombes dans son bureau. Et pourquoi ces historiens en herbe feignent-ils d’oublier que les compagnons George Engel et Albert Parsons avaient passé une commande en grosse quantité de revolvers Remington de gros calibre chez un marchand d’armes quelques mois à peine avant mai ? Engel en ayant commandé une centaine, et Parsons entre cinquante et soixante. Et le témoignage de la balance Luther Moulton de Grand Rapids (Michigan), affirmant que Spies lui avait fait part de ses plans de « prendre la ville de force » lors des manifs de travailleurs pour la journée de 8h, niet ?
Des historiens ont même prétendu, en ne se fondant que sur des rumeurs sans aucun autre fondement que leur imaginaire conspirationniste, que l’attaque à la bombe était l’acte d’un agent provocateur (comme quoi les staliniens, les situationnistes et la CGT n’ont vraiment rien inventé) ou d’un ouvrier isolé et probablement dérangé, en bref, qu’elle était entièrement déconnectée de la guerre sociale. Howard Zinn par exemple, historien champion des libertaires, affirmera sans sourciller (et surtout sans fondement) :
« Quelques indices permettent de supposer qu’un soi-disant anarchiste, Rudolph Schnaubelt, était en fait un agent provocateur de la police et qu’il avait lancé cette bombe qui permit l’arrestation de centaines d’individus et l’exécution des principaux militants révolutionnaires de Chicago. »[9]
Et on se demande encore aujourd’hui, quels sont ces fameux « quelques indices » qui permettent à Zinn et à ses disciples de cracher sur la mémoire de notre compagnon Schnaubelt, « soi-disant anarchiste », doublé d’un « agent provocateur de la police ». Pour avoir fouillé un petit peu, on ne peut que conclure que Zinn tire ses « quelques indices » de ses propres déductions idéologiques à la lecture des procès verbaux policiers.
Il nous paraît important de rappeler aujourd’hui que ces thèses n’ont jamais été soutenues par les proches des anarchistes exécutés. Dyer Lum, qui reprit la rédaction de The Alarm à la suite d’Albert Parsons et qui fut l’un de ses visiteurs les plus réguliers en prison, affirma même en 1891 que celui qui avait lancé la bombe était bien un anarchiste, et qu’il ne le nommerait pas. On se souvient aussi des confessions d’Emma Goldman à un de ses amants, elle aussi savait que la bombe venait des anarchistes. À vrai dire, on connaît aujourd’hui l’identité du lanceur de dynamite. Ce fameux Rudolph Schnaubelt était en fait le beau-frère de l’accusé Michael Schwab, un anarchiste comme les autres. Et nombre d’anarchistes savaient très bien qu’il s’était chargé de lancer la bombe. George Schilling, proche des accusés, dévoilera ce secret de polichinelle à la fin de sa vie, et Oscar Neebe fera de même. Au procès, Schnaubelt fut d’ailleurs inculpé de façon mineure, mais à ce moment-là il avait déjà fui le pays pour éviter le prévisible tsunami judiciaire qui s’abattit rapidement sur les anarchistes de Chicago.
Mais au fond, cela apporte-t-il réellement quelque chose de savoir précisément quelle main a lancé la bombe qui tua l’officier Mathias J. Degan ? Pour quoi faire au juste ? La fixette des historiens et de certains libertaires sur l’identité du lanceur de bombe et leur indignation quant au fait que le « véritable coupable » n’a jamais été jugé et que des « innocents » ont été exécutés « à sa place » nous donne des frissons dans le dos.
Les anarchistes exécutés n’étaient pas des enfants de chœur, qu’on se le dise. La plupart d’entre eux étaient de la tendance insurrectionniste (comme on disait à l’époque) et prônaient l’action directe et la violence révolutionnaire, tout en faisant l’apologie, comme le disait la chanson, de la « meilleure amie » du prolétaire : la chimie. Que ce soit leur main ou celle de Schnaubelt qui ait lancé la bombe n’a donc aucune importance, tous étaient complices et l’inauguration des hostilités n’était que la première étape d’une tension insurrectionnelle décomplexée. Laissons ces considérations à ceux dont c’est le métier, juges et flics auparavant et historiens aujourd’hui.
Ce qui nous intéresse au contraire aujourd’hui, c’est de ne pas occulter la partie la plus importante de cette histoire. Cette attaque à la bombe n’était qu’un moment (certes culminant) parmi d’autres dans une tension pensée et exécutée de façon à faire éclater une insurrection violente contre l’État et le Capital dans les rues de Chicago. C’est pour cette raison que l’appel à cette journée chaude demandait précisément aux travailleurs de venir armed and ready (ce qui ne fut certes pas le cas de tous), certainement pas pour défiler pacifiquement en mangeant des gaufres.
Le procureur qualifia cela de « conspiration en vue de commettre des meurtres », en pendit quatre et poussa le cinquième au suicide.[10] Comme nous l’avons déjà remarqué, la justice a, au final, poursuivi sa logique jusqu’au bout dans ce procès somme toute assez banal malgré toute l’attention suscitée. Les anarchistes avaient minutieusement planifié une insurrection, et la seule erreur de cette accusation de « conspiration en vue de commettre des meurtres » était de ne pas réaliser que le meurtre n’était pas l’objet de cette conspiration, mais un moyen nécessaire pour y parvenir, parce que les insurrections ne sont pas seulement des fruits tombés de l’arbre du hasard. Elles pourraient tout aussi bien être prévues, (auto-)organisées et tentées à froid comme à chaud par des compagnon déterminés avec pour seule réelle inconnue, la participation d’autres strates de la société qu’eux-mêmes. Pari était fait en tout cas par ces compagnons, qu’attaquer tous les commissariats de la ville et les vider entièrement encouragerait les ouvriers à créer un espace de liberté totale et se soulever, et peut-être plus encore.
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« Aucun pouvoir sur terre ne peut voler à l’ouvrier sa connaissance de la fabrication d’une bombe - connaissance qu’il possède. » (George Engel.)
Lors de réunions clandestines qui ont précédé l’émeute explosive de Haymarket, des anarchistes ont réfléchi à la meilleure manière de dépasser les revendications des syndicats. Ils savaient bien qu’il suffirait à l’État pour les satisfaire d’accepter la journée de 8h pour que tout revienne à la normale de l’exploitation quotidienne. Et que pour dépasser les dialogues et les négociations avec l’ennemi, il fallait prendre les armes et profiter de l’occasion pour tenter quelque chose. Fut décidé alors de disperser plusieurs groupes armés de gros calibres (ces fameux Remingtons dont nous parlions plus tôt) au sein de la manifestation pour assurer dans un premier temps les confrontations avec la police. Le plan à ce moment-là n’est absolument pas de mener une manifestation pacifique pour satisfaire les revendications syndicales de la journée de 8h, il s’agit bien de provoquer un soulèvement armé, une prise révolutionnaire de la ville de Chicago.
Un témoin d’une de ces réunions balancera au procès les dires de George Engel :
« Dès qu’on en viendra à un conflit entre la police et les groupes du Northwestern, les bombes devront êtres jetées dans les postes de police et les hommes armés de fusils de la Lehr und Wehr[10] devront se poster en ligne à une certaine distance des commissariats et quiconque en sortira sera abattu… Alors nous continuerons de cette façon jusqu’à ce que nous arrivions au cœur de la ville. »
Les conspirateurs se mettent d’accord pour établir un code d’alerte secret. Le mot « Ruhe » [« calme » en allemand], s’il apparaît dans certaines cases du quotidien de Spies, l’Arbeiter-Zeitung, donnera le signal pour la prise d’arme. Les petits groupes, à la vue de ce signal, devaient se répartir en plusieurs endroits stratégiques tandis que des éclaireurs devaient se rendre au meeting de Haymarket et attendre qu’une émeute éclate pour commencer à attaquer les commissariats comme prévu.
Un plan tout à fait cohérent avec les idées que prônaient les compagnons dans leurs publications depuis des années. Ils se distinguaient des socialistes par leur rejet absolu du réformisme, du syndicalisme et de l’électoralisme. La plupart de ces compagnons avaient un parcours commun, immigrés (nés en Allemagne pour la plupart) et pauvres, déçus du socialisme et séduits par l’anarchisme, s’ennuyant dans des syndicats qu’ils essayaient vainement de radicaliser, tout en confectionnant en parallèle des engins explosifs et en stockant des armes.
Parsons et Spies, dans un tract de 1883 distribué à Pittsburgh, ne faisaient pas qu’aligner des mots pour faire joli lorsqu’ils affirmaient que :
« Toute tentative du passé de réformer ce système monstrueux par des moyens pacifiques, comme les urnes, a été futile, et tout autre effort de ce type le sera encore… Alors il ne restera qu’un seul recours : la force ! »
Le 4 mai 1886, le signal fut donné par Spies : Ruhe !
Les groupes se mirent en place et Louis Lingg déposa dans un saloon à proximité du meeting, un grand sac rempli de bombes, dans lequel vinrent se servir de nombreux manifestants, dont probablement Schnaubelt. On connaît la suite.
* * *
Était-ce le mauvais moment ? La mauvaise stratégie ? Une erreur tactique ? Nous laissons ces questions aux fines bouches et aux apprentis stratèges de salon. De toute évidence cette tentative insurrectionnelle fut un échec technique, mais ce que nous retenons de tout cela, c’est qu’il est possible d’essayer quelque chose, et qu’il faudra se perfectionner au fil des tentatives. En tant que révolutionnaires, ce bout d’histoire s’inscrit directement dans le livre de nos expériences et d’une mémoire qui, plutôt que de nous enfermer dans un folklore lointain, devrait nous aider à réfléchir le présent d’un existant qu’il reste encore à détruire.
À la mémoire des coupables.
Nous remercions Timothy Messer-Kruse, auteur de The Trial of the Haymarket Anarchists : Terrorism and Justice in the Gilded Age pour son aide, sans laquelle ce texte n’aurait pu exister.
Vengeance ! Travailleurs, aux armes !! !
Vos maîtres ont envoyé leurs chiens assoiffés de sang – la police ; ils ont tué six de vos frères à McCormicks cet après-midi. Ils ont tué les pauvres misérables, parce que comme vous, ils avaient le courage de désobéir à la volonté suprême de vos patrons. Ils les ont tués parce qu’ils avaient osé demander le raccourcissement de la journée de turbin. Ils les ont tués pour vous montrer à vous, « citoyens libres d’Amérique », que vous devez vous résigner et vous contenter de ce que les patrons vous attribuent avec condescendance, ou vous serez tués !
Vous avez pendant des années enduré les humiliations les plus abjectes ; vous avez pendant des années souffert des plus incommensurables iniquités ; vous avez travaillé jusqu’à en crever ; vous avez enduré les spasmes du besoin et de la faim ; vos enfants, vous les avez sacrifiés aux seigneurs d’usine – en résumé : Vous avez été de misérables esclaves obéissants pendant toutes ces années. Pourquoi ? Pour satisfaire l’insatiable avidité et remplir les coffres de vos paresseux maîtres-voleurs ? Lorsque vous leur demandez maintenant d’alléger votre fardeau, ils vous envoient leurs chiens assoiffés de sang pour vous tirer dessus, vous tuer !
Si vous êtes des hommes, si vous êtes les enfants de vos grands aïeux qui ont versé leur sang pour vous libérer, alors vous vous soulèverez par la force, Hercules, et détruirez les monstres hideux qui visent à votre destruction.
Aux armes nous vous appelons, aux armes !
[1] Biergarten en allemand, il s’agissait de jardins ou de terrasses de restaurants où les consommateurs pouvaient s’asseoir et consommer leurs propres denrées à condition de commander des boissons, c’est-à-dire de la bière.
[2] Johann Most, né le 5 février 1846 à Augsbourg en Allemagne et mort à Cincinnati, USA, le 17 mars 1906, était un anarchiste allemand, partisan de la propagande par le fait et fondateur de plusieurs journaux anarchistes, dont Freiheit. Il participera également à la création, notamment avec August Spies, Albert et Lucy Parsons, de l’International Working People’s Association.
[3] On notera également l’érection, en 2004, d’une gigantesque statue de bronze commissionnée par la mairie de Chicago, la Fédération historique des travailleurs de l’Illinois, le Département des Transports Publics, et pour couronner le tout, l’Ordre Fraternel des Policiers de Chicago…
[4] McCormick est un très ancien constructeur américain de matériel agricole. Il appartient aujourd’hui au groupe italien Argo SpA.
[5] L’International Working People’s Association était une organisation anarchiste internationale créée en 1881 lors d’un congrès tenu à Londres, et dont le but était de ressusciter l’Association internationale des travailleurs (1864-1877). Aux États-Unis, le groupe est surtout connu comme l’organisation à laquelle appartenaient Albert Parsons, August Spies et les autres anarchistes emprisonnés et exécutés à la suite de l’attentat de Haymarket.
[6] L’Arbeiter-Zeitung ou Chicagoer Arbeiter-Zeitung (Journal des ouvriers de Chicago) était le quotidien des immigrés anarchistes allemands de Chicago, principalement rédigé par August Spies. Il était en partie bilingue allemand-anglais, et, de tri-hebdomadaire et social-démocrate de gauche, devient quotidien anarchiste en 1886 sous la direction de Spies. Avec un tirage de 5800 exemplaires en 1886, c’était le plus célèbre journal anarchiste de Chicago. Le soir du 3 mai 1886, après la sanglante répression policière contre les ouvriers grévistes des usines McCormick, il publie en allemand et en anglais le fameux appel au rassemblement de Haymarket Square pour le lendemain. L’article était rédigé par Spies.
[7] The Alarm est un journal anarchiste fondé à Chicago le 4 octobre 1884 par Albert et Lucy Parsons. Le journal est l’organe officiel de l’International Working People’s Association. En 1886, Dyer D. Lum et Lizzie Holmes assurent l’édition du journal suite à l’exécution d’Albert Parsons. Après une interruption, il est édité à New York de juin 1888 à février 1889. Il réapparaîtra ensuite en 1915.
[8] Dont les éditions du 5 mai 1886 du New York Times et du Chicago Herald.
[9] Une Histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours, ed. Agone, 2002, page 315.
[10] Louis Lingg avait écrit : « S’ils utilisent contre nous des canons, nous utiliserons contre eux la dynamite ». Lingg a utilisé sa virtuosité technique dans l’usage de la dynamite pour faire une tentative de suicide, en se faisant sauter une bombe dans la bouche à l’intérieur même de sa cellule, le jour avant son exécution. Il est mort quelques jours plus tard. Mais y a-t-il un suicide en prison qui ne soit pas en réalité un meurtre ?
[10] Louis Lingg avait écrit : « S’ils utilisent contre nous des canons, nous utiliserons contre eux la dynamite ». Lingg a utilisé sa virtuosité technique dans l’usage de la dynamite pour faire une tentative de suicide, en se faisant sauter une bombe dans la bouche à l’intérieur même de sa cellule, le jour avant son exécution. Il est mort quelques jours plus tard. Mais y a-t-il un suicide en prison qui ne soit pas en réalité un meurtre ?